Les plus gros mensonges de Sarkozy et Aubry
Les promesses n’engagent que ceux qui les croient, a énoncé un facétieux politicien de la cinquième république. Promesses, promesses, promesses, ainsi pourrait être revisité un célèbre tube de Dalida. Paroles de campagne. En 1981, en 1995, en 2007. Il y a trente ans, Mitterrand avait proposé aux Français de changer la France. Y a-t-il cru ? C’est possible, accordons-lui cette sincérité qui pour d’autres sera considérée comme une naïveté, voire une faiblesse ou pire encore, une félonie populiste. En 1988, Mitterrand proposa aux Français de renouveler un bail au nom d’une gouvernance au bilan présenté comme positif. En 1995, autre période. La crise de croissance avait traversé l’Europe, et forte de ses trois millions de chômeurs, la France attendait un sauveur, ou disons, une sorte de rebouteux issu du terroir et capable de réduire la fracture sociale. Ironie de l’histoire que ce socialisme ayant produit une fracture sociale sur laquelle Jacques Chirac a su surfer pour se faire élire en marquant sa campagne au sceau immémorial du pommier. Si Mitterrand a un peu changé la France, Chirac n’a que très peu réduit la fracture sociale et encore, si on lui accorde qu’il a accompli sa promesse, c’est grâce à l’action du gouvernement Jospin. En 2002, les électeurs ont surtout retenu le bilan de cinq années de Jospin à Matignon, Jospin qui voulait aller à l’Elysée en déniant la réalité des travailleurs, du coup Jacques s’est retrouvé face à Jean-Marie et l’élection de Chirac était pliée vu que quatre Français sur cinq ne voulaient pas de Le Pen.
Après le premier quinquennat de la cinquième république, Chirac se désista et on connaît la suite. Encore des promesses et trois ans plus tard, le terrible constat des promesses qui n’ont pas été tenues. Faut-il pour autant accabler Sarkozy et son programme ? Après tout, les Français aiment bien qu’on leur raconte des histoires, pour s’endormir le soir, sans rêver au grand soir. Ils aiment qu’on les fasse rêver et la campagne présidentielle revêt ce côté à la fois protocolaire et festif où la ferveur des militants et partisans n’a d’égal que la passion des supporters. Le stade de foot est un lieu où l’on oublie le réel pour se laisser porter par un spectacle pénétré de suspense. Et dans une campagne, dieu sait si le suspense est au rendez-vous. Les instituts livrent toutes les semaines un cortège de sondages où non seulement les deux premières places sont mises en avant mais aussi les troisième et quatrième. Tant qu’à entretenir le suspense, autant jouer un quarté plutôt d’un tiercé ou un pari couplé. Du coup, les Français sont pris au jeu de la campagne, au point d’en oublier le réel. Et les candidats, sont-ils mieux lotis, ou bien perdus dans leur programme et les coups à asséner aux adversaires ? Et si la campagne politique se jouait avec la complicité d’un déni de réalité ?
Promettre est une chose, mais tout dépend des moyens. En 1981, des promesses importantes ont été tenues sans pour autant demander des moyens financiers. Abolir la peine de mort, autoriser les radios libres par exemple. Un texte de loi a suffi. A l’inverse il est des promesses qui ne peuvent pas être tenues et ce fut le cas avec Nicolas Sarkozy et son objectif de rendre la France plus sure tout en augmentant le pouvoir d’achat des Français désirant travailler plus. La sécurité est un enjeu pour tous les pays et personne n’a encore trouvé la solution, excepté le classique doublet prévention et répression. Encore faut-il des moyens. Or, la crise économique s’est invitée sur le théâtre de l’Histoire.
Sans pour autant anticiper la chute de Lehman Brothers à l’automne 2008, il était tout de même prévisible au printemps 2007 que l’économie était en mutation, avec un déplacement des industries dans les pays émergés, alors que la dette déjà imposante et les déficits de la sécu laissaient entrevoir un échec dans le projet d’élévation du pouvoir d’achat, sauf pour une minorité. Autant dire que les promesses de Sarkozy reposaient sur un déni de réalité, comme du reste celles de Martine Aubry et son care en prévente pour 2012 mais dont on peut prédire l’avortement car les caisses de l’Etat sont vides. Cette campagne de 2012 risque d’être assez surréaliste. Quelles seront les ruses rhétoriques utilisées par les candidats sachant que le réel ne permet plus d’escompter des moyens, surtout qu’à partir de 2015, le pétrole va être manquant et que cette pénurie risque de modifier toute l’organisation de la société ?
En 2012, sera élu celui ou celle qui saura convaincre les Français avec le plus crédible des mensonges. Il sera difficile de dire la vérité aux Français. Les moyens disponibles pour des retraites maintenues en l’état ou un idéal de progression de pouvoir d’achat sont limités pour ne pas dire inexistants. Les incantations de Martine ne servent à rien. Les retraites au même niveau et à 60 ans sont impossibles à financer. Ce constat, ce n’est pas de la politique mais de la comptabilité. La taxation des revenus financiers fera fuir les capitaux, l’augmentation des cotisations pénalisera les actifs et les entreprises, déjà malmenées par la concurrence globale. Il n’y a pas de marge de manœuvre. Tout ce qui a été promis dans les programmes passés ne peut plus être proposé sans que cela ne suinte le mensonge et le déni de réalité. L’élévation du pouvoir d’achat et la solution des retraites par le travail, encore une illusion, de droite cette fois. Le travail est parti ailleurs. Les gens sont disposés à travailler. Le problème c’est qu’il n’y a pas d’argent pour les payer.
Il faudra être habile dans les discours pour 2012. Les élections dans une société d’humains ne font que ressembler au spectacle offert par les travers humains. Et notamment le déni de réalité. Les candidats font des promesses en feignant de pouvoir les tenir ou du moins en réaliser une petite partie ou à défaut de faire croire qu’ils ont accompli un bilan correct. Le déni de réalité, c’est comme dans un couple. Il y en a toujours un qui croit que ça peut continuer et que le réel se pliera à ses volontés mais bien souvent, ça finit par craquer. Pareil dans un emploi, dans une affaire menée avec des partenaires. Le réel n’a qu’une plasticité limitée pour se plier aux volontés. En général, les histoires d’associés durent le temps que chacun y trouve son intérêt. C’est là le sage principe du libéralisme qu’on retrouvera chez Smith ou Hirschman. En fait, si les histoires d’associés durent un plus longtemps, c’est parce que les associés pratiquent le déni de réalité. Voilà pourquoi un président ou un élu se fait réélire en dépit d’un bilan médiocre, les associés n’étant autres que les électeurs. Le déni de réalité permet aussi d’élire des aventuriers de la politique qui savent capter l’attention avec leur verbe infaillible. Ils ont ce don de captiver si bien décrit par Jünger qui fait la part des choses en estimant la complicité des récipiendaires du discours parlé
« Les auditeurs confèrent une puissance spirituelle ; un cercle d’auditeur se laisse mobiliser plus rapidement qu’un public de lecteurs, ce qui provient du fait que pour le verbe parlé, la transmission passe du langage fait pour les yeux au langage fait pour les oreilles. Mais un cercle de lecteur est plus digne de confiance, se maintient plus longtemps. Il n’y a pas seulement un œil intérieur, mais aussi une oreille intérieure, qui vibre au courant de la lecture (…) Dans tout bouleversement, la parole est le principal moyen d’action. Elle crée des groupements à la manière des figures qui se dessinent sur des plaques vibrantes ; le contenu a moins d’importance que la manière de dire. » (Jünger, Le contemplateur solitaire)
Ces propos résonnent dans notre époque. Ces hordes de partisans lancés dans les meetings de Bayrou, Royal, Sarkozy, tels des aimants prenant une orientation dans un champ magnétique. Ces orateurs brillants et ces discours fulgurants mais privés de contenu. On aura reconnu la politique contemporaine, celle de la vidéosphère, de l’image, de Tony Blair, Sylvio Berlusconi, Nicolas Sarkozy et même Barack Obama. La question, c’est combien de temps une société peut exister dans l’illusion et le déni de réalité, se contenter de mensonges et de trahisons car les traîtres sont aussi dans l’anonymat des petits salauds décrit par Sartre, ces gens ordinaires qui opinent car ils ne savent pas se tenir droit et vont dans le sens du vent des fatalités acceptées par déni de possibilité et surtout, de liberté.
Les sociétés n’ont pas le choix. Ou bien elles tentent de maintenir la structure économique moyennant quelques ajustements, ou bien elles s’inventent pour se transformer en un milieu où l’existence est moins inégalitaire, moins rude, mais exigeante et créative.
Si vous voyez une rupture en jaugeant l’action de Sarkozy ou si vous voyez un changement en écoutant les paroles de Mme Aubry, alors c’est le temps de changer de lunette et d’optiques. L’homme est la seule créature apte à s’égarer en pratiquant le déni de réalité. Le citoyen de droite voit midi à sa porte. Le citoyen de gauche cherche midi à quatorze heures. Le révolutionnaire remet les pendules à l’heure ! Ainsi aurait prophétisé le philosophe du grand midi s’il avait existé.
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