Les polonais ont décidément la mémoire courte
Chaque jour depuis le crash polonais on en redécouvre. Les bandes enregistrées vont bientôt parler, certes, mais ce ne sera hélas pas vraiment la peine, avec ce que je vous propose de lire aujourd’hui. Ce genre de crash n’est pas le premier de cette aviation polonaise bien malade. Je vous ai retrouvé un événement qui, rétrospectivement, fait froid dans le dos et laisse pantois. Figurez-vous qu’une catastrophe aérienne majeure avait eu lieu en Pologne il n’y a pas si longtemps que cela, le 24 janvier 2008, près de Szczecin, dans les mêmes circonstances exactement. L’avion, cette fois, était entièrement neuf ! Les mêmes, au détail près qu’il n’y avait eu, si on peut dire malheureusement « que » vingt victimes, des militaires de haut rang également.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH215/883456080013-215ad.jpg)
Or, circonstance incroyable, notre fameux général miraculé Piotr Andrzej Andrzejewski faisait partie, ce jour-là, des victimes du crash du CASA C-295M tout neuf. L’avion était rempli de hauts gradés de l’armée de l’air polonaise, des militaires qui revenaient justement d’une conférence sur la sécurité aérienne (!) à Varsovie ! L’accident, ce jour-là, avait fait 20 morts, dont les 16 passagers. "Andrzej Andrzejewski a été promu à titre posthume au grade de major-général le 29 janvier 2008 par le président polonais Lech Kaczynski" apprendra-t-on plus tard. Etrange coïncidence, une de plus dirons-nous. Mais un avion qui s’écrase en revenant d’une réunion sur la sécurité aérienne, pardonnez-moi, mais ça me laisse plutôt sans voix. Lors du crash, le commandant de la base de Miroslawiec, le colonel Jerzy Pilat, était également décédé ainsi que d’autres gradés : le 10 avril dernier, ce n’était pas la première décapitation à la tête de l’armée polonaise.
L’appareil, nickel, photographié ici deux heures avant le crash à Varsovie, s’était écrasé alors qu’il s’apprêtait à atterrir sur la base aérienne de Miroslawiec, elle aussi entièrement entourée de forêts, bien plus dense que celle de Smolensk. Une base dévolue au vieux monstre russe qu’est l’énorme Sukkoï Su-22, à géométrie variable (seuls ses bouts d’ailes bougent !) comme on peut même le distinguer de Google Earth. Des monstres d’un autre âge (1966 !), dévoreurs de pétrole (on le surnomme "nafta" - admirez au passage la pompe à kérosène et le contrôle aérien type rustique !). Or ce crash d’il y a deux ans laisse songeur en comparaison du dernier survenu : ce jour là, le plafond nuageux était de 295 pieds (90 m) seulement, et la visibilité guère meilleure, limitée à 3 km. Un brouillard dense recouvrait entièrement l’aéroport de Miroslawiec. Les circonstances du crash évoquent donc directement celle du 10 mars dernier : "Selon les contrôleurs aériens, l’avion a fait une première approche qui s’est terminée par une remise des gaz : la visibilité étant trop faible pour se poser. Au cours de la seconde approche, le pilote a déclaré voir la piste, mais l’avion s’est écrasé dans la forêt à 1,8 km (1 mille nautique) de la piste de la base aérienne de Miroslawiec". A la décharge du malheureux pilote, signalons quand même que "les conditions météo étaient mauvaises, et le système d’atterrissage automatique (ILS) de la base aérienne était en panne, ne laissant au pilote que la possibilité d’une approche de précision guidée par radar". Etrange coïncidence encore : l’approche de Smolensk avait été exactement la même ! L’avion s’était écrasé en pleine forêt lui aussi, et avait même plié une voie ferrée la traversant au passage, comme l’attestent les photos du crash, qui ne sont pas sans rappeler celles du Tupolev présidentiel de Lech Kaczynski !
Un crash fort ressemblant donc, de prime abord, mais de façon encore plus étonnante lorsque l’on visualise son déroulement dans le temps, et que l’on reçoit quelques heures après les circonstances qui y ont conduit : selon la chaîne polonaise TVN 24 toujours, " le jour funeste du 23 janvier, la machine n’aurait même pas dû décoller de l’aéroport en raison des conditions météorologiques insuffisantes. L’autorisation ne devrait pas avoir été donnée par l’équipe au sol. Toutefois, selon TVN24, la faute principale a été attribué à l’absence de suivi des procédures d’atterrissage par le pilote." On croît rêver en lisant cela. C’est exactement la même suite d’événements ; mais cette fois sur un aéroport polonais et non russe !
Faute de respect des procédures ? Ce qui peut aussi signifier voler façon trompe-la-mort avec un bimoteur lourd : or, de cela, on aussi un document atterrant : un passage très bas d’Antonov 26, bien plus lourd que le CASA, et ce, devant un large public !!! En plein meeting ! Or l’endroit où ça se fait, ce genre de prouesse, c’est à Balice, lors d’une fête aérienne : la base de départ, justement, de notre fameux Casa N°19 ! Celle où ont été formés des dizaines de pilotes de transport polonais assez inconscients dans le cas visible dans cette vidéo ! Une deuxième séquence, cette fois de Mig-23 semble montrer que le passage bas soit un peu une marque de fabrique polonaise. Même chose pour une patrouille d’Iskra TS-11 d’entraînement. Les "Red Sparks " idem. En Pologne, voler très bas semble donc bien être... une dangereuse tradition ! Confirmation avec le Mig-29 également. Les aviateurs polonais jouent depuis longtemps au risque-tout !
Le compte-rendu précis des circonstances du crash de 2008 fait penser à la photocopie de celle qui ont entraîné la mort des dirigeants polonais : lisez-bien, c’est effarant : "au moment de l’atterrissage sur sur aéroport militaire de Miroslawiec, l’équipement ILS était inopérant. Après la première approche, le pilote a décidé de tenter une deuxième avec l’ATC. Le pilote ne suivait pas ses instruments, mais restait plutôt concentré sur la recherche de l’atterrissage sur l’aérodrome en visuel seulement, guidé par ces feux de piste. En raison de mauvaises conditions météorologiques, il sous-estimé son altitude réelle. Il a essayé au dernier moment de fournir plus de puissance, mais cela n’a pas été suffisant. L’avion était trop bas et s’est écrasé". Vous pouvez relire, on est droit dans les lignes des circonstances de la catastrophe de la semaine dernière : navigation au ras des pâquerettes, à vue, en plein brouillard, et tentative de remontée de dernière seconde une fois la cime des arbres ou le sol touché. Tout y est ! Mot à mot, on a la description du crash du Tupolev de Smolensk ! Qui a bien cisaillé net des arbres avant de s’écraser, et a touché deux fois le sol avant (avec ses énormes roues notamment !). Ce que l’on avait oublié, pour lui c’est le relief : dans sa pente de descente choisie, fort molle à vrai dire, mais, débutée bien trop tôt, suivant le radar seul, le Tupolev heurterait inévitablement le sol (de l’aile ?) avant d’atteindre le tarmac de Smolensk ! Un schéma réalisé à partir d’une photo satellite, joint à cette page, montre que l’avion était tout prêt de réussir son atterrissage risqué, s’il avait réussi à se maintenir dans l’axe !!! "Sous estimé son altitude réelle", donc, comme pour le CASA ? Très certainement ! Une animation 3D correcte le confirme (à part pour l’aile, sectionnée autrement qu’indiqué, car les deux trains sont restés l’un près de l’autre semble-t-il !
Voler ainsi, le pilote du Tupolev présidentiel avait été contraint de le faire le 11 août 2008, en allant à Tbilissi en Georgie, alors que le conflit faisait rage : mais ce jour là, il ne s’y était pas posé. Trop dangereux !!! Il avait ce jour-là atterri à Gandja, en Azerbaïdjan, avec trois autres dirigeants qui l’avaient rejoint au départ de Varsovie. l’Estonien Toomas Hendrik Ilves, le Lituanien Valdas Adamkus et Ivars Godmanis, premier ministre letton. Viktor Iouchtchenko ayant été récupéré lors d’un détour de l’avion en Crimée. Les cinq dirigeants avaient fait ensuite le trajet Gandja-Tbilissi en voiture blindée (174 km à vol d’oiseau). Lors de ce vol, le président Lech Kaczynsky, réputé lunatique et colérique, s’était emporté contre son pilote, qui avait pris la décision de se détourner, le traitant de lâche, dans la cabine même de pilotage, pour ne pas avoir voulu atterrir à Tbilissi, alors en pleine guerre ! Le pilote s’appelait Grzegorz Pietruczuk, et avait reçu une médaille en retour du ministère de la Défense pour avoir ramené tout le monde à bon port ! C’était donc bien lui seul qui avait pris la décision, et l’on notait au passage que Kaczynsky n’était donc pas tellement apprécié au sein de son propre gouvernement (logique, après l’éviction de son frère) !
Ah, bien sûr, les fâcheux recourront quand même à l’évocation d’une défaillance mécanique, encore une fois. Manque de chance pour eux, c’est difficile à prendre en compte avec le CASA : "Selon le site internet d’EADS Casa, depuis le début de sa commercialisation en 2001, 50 unités ont été vendues aux armées de l’air de six pays : Espagne, Pologne, Jordanie, Algérie, Brésil et Portugal. 25 appareils ont été livrés à ce jour. Aucun accident autre de ce type d’avion ne s’était produit dans le monde, selon des experts militaires polonais, cités par les médias" précise le journal belge qui annonce la catastrophe. L’appareil portait le numéro 19, et avait été délivré... le 7 août qui précédait ! Au compteur, il affichait à peine 500 heures de vol !
La Pologne en a acheté dix, de CASA C-295M, pour 300 millions de dollars, dont 212 déjà payés en 2007, mais avec un contrat qui n’avait pas satisfait totalement, visiblement les Polonais. EADS avait promis d’installer en Pologne une usine de production d’ailes de C-295 à Okecie, mais seuls du câblage électrique et des éléments pour ailes avaient été commandés à la Pologne. A Okecie, devenue depuis l’aéroport Frédéric Chopin de Varsovie, la base, justement du 36 SPLT (pour "Specjalny Pułk Lotnictwa Transportowego"), le 36e Special Air Transport Regiment, d’où provenaient les malheureux pilotes des deux Tupolev présidentiels.
Un très intéressant reportage d’Arte, samedi dernier, de Georges Mink et Eyal Sivan avait fait le portrait, sans complaisance, du président défunt (la scène de sa mère appelant au téléphone son "châton", sans distinguer lequel des deux, était irrésistible !). On y avait entendu un autre Lech, Lech Waleza, fort remonté contre le couple d’impayables jumeaux, qui se présentaient comme étant des "réformistes" et même des "conservateurs révolutionnaires" (faut oser, là !). En fait de véritables conservateurs, qui ont replongé la Pologne, on l’a vu lors de ces obsèques, sur ce qu’elle a de plus traditionnaliste et de plus réactionnaire. Ce conservatisme est-il allé, dans la hiérarchie militaire jusqu’à l’absence totale de remise en cause des comportements "traditionnels", y compris les plus inconscients, au sein des pilotes ? Peut-être bien, mais une chose est sûre au moins : si l’on avait tiré toutes les conséquences du crash de 2008, on aurait alors purement et simplement interdit aux pilotes militaires du pays de voler à l’aveuglette en cas d’intempéries. Et sauvé la vie du président polonais et de sa centaine d’invités. Il faudrait peut-être leur signaler, tout simplement que l’ère des Panstwowe Zaklady Lotnicze (PZL) P-11 de Zygmunt Pulawski est terminée, à ces incorrigibles casse-cous polonais !
En matière de transports militaires, la Pologne possède donc aujourd’hui neuf C-295M d’EADS restants et dix sept PZL Mielec M-28 Briza (si appréciés par les forces spéciales US !) ainsi donc qu’un seul C-130E, qu’elle vient juste d’acquérir : elle devrait s’offrir bientôt trois énormes C-17 de chez Boeing (l’un d’entre eux venu rapporter de Moscou en un seul vol les dépouilles de toutes les victimes identifiées -les américains ne rechignent jamais pour se faire de la publicité-) : espérons qu’entre temps ces pilotes cessent de voler comme ils le font aujourd’hui, sinon on court à la catastrophe, là... Ultime ironie du sort : les cercueils de Lech Kaczynski et de son épouse ont été transportés vers la basilique de Wavel par l’un des CASA C-295M restants, le 020... Pour son dernier voyage, aurait-on fait à nouveau prendre des risques inconsidérés à Lech Kaczynski ?
PS : bien entendu, on a largement le droit aux élucubrations habituelles sur Smolensk. La CIA, Poutine, etc, etc...Des blogs où l’on ne trouve pas de corps, paraît-il (dans une des vidéos c’est un militaire qui détourne la caméra, car il y en a bien un dans le champ de vision), alors que l’avion a entièrement brûlé, façon le 727 de Fedex (mais celui-ci c’était posé à plat, alors que le Tupolev semble s’être retourné ou a touché le sol avec un angle important, et qu’un Tupolev qui brûle ne laisse pas grand chose de visible), ou ceux qui sortent aujourd’hui du diable Vauvert une photo du Tupolev, réacteur droit soi-disant en feu....
Documents joints à cet article
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH497/91db6fbdc32c0a4d09ee83ddb57fdec3_21_1-b6c97.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L375xH300/C295_poland_im5-c868f.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L375xH300/C295_poland_im4-f4437.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L375xH300/C295_poland_im1-0bff9.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH420/m4867942-524ec.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH915/crashgood-0b6cb.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L528xH188/pente-44cf9.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L588xH436/Polish_President_s__279993g-23376.jpg)
![Les polonais ont décidément la mémoire courte](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L512xH304/photo_1271579348583-5-0-3d309.jpg)
82 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON