Les Portes du Paradis : visages du mondialisme
Le 16 août 1936, le Public Relations manager Joseph Goebbels organisa sur l’Ile aux Paons (Pfaueninsel) à Berlin l’une des fêtes les plus grandioses de l’ère nazie avec un budget de quatre millions de Reichsmarks. Parmi les 4000 invités, de hauts dignitaires du régime, bien entendu, mais aussi quelques représentants du gratin du patronat allemand et international, dont Thomas J. Watson, grand boss de IBM et président de la chambre de commerce internationale (CCI). Le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, lui remit à cette occasion la croix du mérite de l’Aigle allemand pour bons et juteux services à la nation. Les nazis étant friands de statistiques pour la mise œuvre de leur politique raciale, IBM – par l’intermédiaire de sa filiale Dehomag – avait mis au point grâce à ses machines Hollerith un système de recensement de la population prussienne, très utile pour distinguer les juifs du reste de la population. Grisé de cet honneur, le président d’IBM en profita pour annoncer que le prochain congrès de la CCI se tiendrait… au Japon.
Messianisme et opportunisme
En 2018, dans le monde d’après, c’est Xi Jinping, le grand humaniste et réformateur chinois, qui décernait la ‘Médaille de l’amitié’ à dix hommes d’affaires et politiques étrangers pour avoir aidé la Chine à s’ouvrir au monde, ou plus exactement le monde à s’ouvrir à la Chine. Au nombre des médaillés : l’allemand Klaus Schwab, directeur du Forum Economique Mondial. « Un honneur rare », comme l’écrivait le chroniqueur Frédéric Koller pour le journal suisse Le Temps, « un honneur qui oblige. »
Et en effet, on n’aura pas beaucoup entendu, en 2020, le Weltverbesserer Klaus Schwab titiller le régime chinois au sujet de cet étrange virus qui, après tout, ne s’est pas échappé de nulle part. Sauter sur l’occasion, « réinitialiser le multilatéralisme » pour avancer plus vite, plus haut, vers les portes du paradis mondialiste, voilà la seule leçon qu’il en aura tirée. A croire que dans son infinie candeur, il était passé à côté de cette simulation futuriste pondue en 2010 par la Rockefeller Foundation & Global Business Network et sobrement intitulée : ‘Scenarios for the future of technology and international development’. Pourtant, tout y était : La pandémie, les confinements, l’écroulement de l’économie mondiale, les mesures coercitives, la réactivité salutaire de la Chine et son influence sur les décisions en chaîne des gouvernements des démocraties, rien n’a été oublié du scénario de ‘Lockstep, a world of tighter government control and more authoritarian leadership, with limited innovation and growing citizen pushback.’ Morceaux choisis :
“In 2012, the pandemic that the world had been anticipating for years finally hit. Unlike 2009’s H1N1, this new influenza strain was extremely virulent and deadly. Even the most pandemic-prepared nations were quickly overwhelmed when the virus streaked around the world.”
“Even in developed countries, containment was a challenge. The United States’ initial policy proved deadly in its leniency, accelerating the spread of the virus. However, a few countries did fare better, China in particular. The Chinese government’s quick imposition and enforcement of mandatory quarantine for all citizens, as well as its instant and near-hermetic sealing off of all borders, saved millions of lives, stopping the spread of the virus far earlier than in other countries and enabling a swifter post-pandemic recovery.”
“China’s government was not the only one that took extreme measures to protect its citizens from risk and exposure. During the pandemic, national leaders around the world flexed their authority and imposed airtight rules and restrictions, from the mandatory wearing of face masks to body-temperature checks at the entries to communal spaces like train stations and supermarkets. Even after the pandemic faded, this more authoritarian control and oversight of citizens and their activities stuck and even intensified. In order to protect themselves from the spread of increasingly global problems – from pandemics and transnational terrorism to environmental crises and rising poverty – leaders around the world took a firmer grip on power.”
Relire tout cela en 2021 ne fait pas vraiment froid dans le dos, même en ayant en mémoire les rictus amusés de Bill Gates prédisant, lors d’une conférence 2015, une pandémie pour laquelle « nous ne serons pas prêts. » Dans la savane africaine, du haut de ses cinq mètres cinquante, la girafe aura toujours deux ou trois temps d’avance en cas de feu de brousse inopiné. Au niveau du chien de prairie, un incendie ressemble aux bouches de l’enfer. Du haut des gratte-ciels de la Cinquième Avenue, il aurait plutôt l’allure d’une cigarette mal éteinte. Il en faut plus, assurément, pour émouvoir celui qui annonçait au Forum Economique Mondial de Davos en 2010 que « les dix prochaines années [seraient] une décennie de vaccins. » A cette occasion, Bill et Melinda Gates s’engageaient d’ailleurs à « investir dix milliards de dollars » et à « empêcher quatre millions de morts » par l’introduction de nouveaux vaccins et une meilleure couverture vaccinale des populations.
Un très long rapport datant de 2015 intitulé Philanthropic power and development. Who shapes the agenda ? confirme qu’en matière de feux de forêt sanitaires, nos deux secouristes cinq étoiles ont un penchant certain pour l’extincteur à gaz :
‘‘The Gates Foundation’s prioritization of vaccine solutions for multiple health problems reflects its preference for interventions with quick, measurable and visible solutions. One of GAVI’s senior representatives reported that Bill Gates often told him in private conversation that he is vehemently against health systems. He basically said it is a complete waste of money, that there is no evidence that it works, so [he] will not see a cent of [his] money go to the strengthening of health systems.”
La Fondation Bill & Melinda Gates constitue, sans surprise, le principal donateur de GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization), dont le même rapport signale que seulement 10,6% des engagements financiers entre 2000 et 2013 furent dédiés à l’amélioration des systèmes de santé, contre 78,6% pour des programmes de vaccination. D’où cette (légère) inquiétude :
‘‘GAVI has been criticized by civil society organizations and researchers for following a Gates-approach on global health challenges, focusing on disease-specific vertical health interventions (through vaccines), instead of horizontal and holistic approaches (health system strengthening).’’
Sur ce point comme sur bien d’autres, en tout cas, l’ami Bill est totalement en phase avec nos chers dirigeants d’Europe de l’ouest qui ont préféré laissé dépérir, année après année, l’hôpital public et continuent aujourd’hui encore à supprimer des lits pour mettre toutes leurs billes (c'est-à-dire l’argent du contribuable) dans un programme de vaccination dont les bénéfices colossaux tomberont dans les poches de qui l’on sait. La tiers-mondisation médicale de la France, de l’Espagne, de l’Italie ou de la Belgique, pour ne prendre que ces quatre-là, les rapprocheront – c’est déjà ça – du sort réservé depuis trente ans à l’Ouganda, au Nigéria et à la Tanzanie. Là-bas, nous apprend l’écrivain et journaliste Lionel Astruc à l’occasion d’une interview publiée en juin 2019, ce n’est pas l’hydroxychloroquine, le zinc ou la vitamine D que les autorités de santé – sous l’influence de l’OMS financée par Bill Gates – font semblant de ne pas connaître, mais l’Artemisia, un antipaludéen naturel prometteur et peu onéreux : « Le cas de l’Artemisia est éloquent : alors même que cette plante, facilement accessible, permet de traiter le paludisme, Bill Gates préfère imposer l’usage du vaccin, y compris en manipulant l’OMS au profit des laboratoires pharmaceutiques. »
La Rockefeller Foundation, dont on a mesuré le flair messianique dans l’annonce de la pandémie et de ses conséquences politiques, n’en est bien sûr pas restée là et a rajouté cinq millions de dollars sur la table aux côtés de GAVI pour « soutenir la mise en œuvre rapide de solutions innovantes, attirer de nouveaux partenaires, générer de nouveaux concepts et construire une stratégie apte à transformer le monde de la santé au travers de la formation des équipes médicales, de l’évaluation de la performance et du développement des technologies numériques. »
Les grands horlogers
Tout ceci, en prenant un tout petit peu de recul, nous enseigne au moins deux choses. Tout d’abord que nos mondialistes, parés pour toutes les guerres avant même qu’elles n’éclatent, ont compris que pour régner il fallait être maître du temps autant que de l’espace. Etre présent sur les cinq continents ne suffit pas si cette présence ne s’accompagne pas d’une vente annuelle de calendriers permettant de donner aux populations le rythme du monde et d’actualiser les comportements en fonction de l’évolution d’un agenda un tant soit peu cohérent. Le messianisme sanitaire, fait de menaces sans cesse renouvelées (l’OMS avertit déjà de la survenue d’une prochaine pandémie), emboîte le pas, depuis une vingtaine d’années, à sa grande sœur née en 1992 au Sommet de la Terre de Rio, à savoir l’eschatologie climatique.
La menace du réchauffement, supposé engloutir la Terre sous les eaux à l’horizon 2060, est devenue, nous dit Benoît Rittaud, maître de conférences à l’université Paris 13, « le principal point de fixation collectif » auquel personne n’échappe. Dans son livre Ils s’imaginaient sauver le monde (2016), il s’attèle, éléments factuels à l’appui, à interroger le dogme et démêler les fils des projections et des prophéties dont certaines confinent à la divination. « Il est toujours possible, rappelle-t-il notamment, de prolonger une courbe [de hausse des températures] pour annoncer des catastrophes, mais le procédé est d’autant plus abusif que nous avons extrêmement peu de recul sur la question. » Pour ceux qui ont encore en tête les modélisations foireuses et apocalyptiques de l’Imperial College et de l’Institut Pasteur au sujet de la pandémie actuelle, la comparaison ne paraîtra peut-être pas si incongrue. Versées dans l’art de promettre le pire, certains groupements, certaines institutions ont pu – sans parfois même s’en rendre compte – trouver dans ce positionnement à la croisée de la science (qui ne peut conjecturer qu’à partir de ce qu’elle sait déjà) et de la religion (qui doit, pour asseoir son autorité, se faire la gardienne de la fin des temps) une façon d’être au monde, d’obtenir des financements et de rayonner au-delà du cercle restreint du monde universitaire.
On ne finance pas, on ne finance plus le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, fondé en 1988) pour qu’il interroge froidement les données et émette des hypothèses, mais pour qu’il conforte sa thèse initiale (le réchauffement anthropique de la planète) en appui de la nouvelle doxa mondialiste qui voudrait que l’humanité, à moins de s’amender, coure inexorablement à sa perte. Comme s’en amuse Benoît Rittaud : « Le dieu des chrétiens étant mort au moins depuis Nietzsche, il faut lui trouver un remplaçant. En un sens, choisir le climat revient à ressusciter le Zeus grec, dont la célèbre foudre est un symbole parfait : une ‘arme climatique’ qui punit les hommes de leurs mauvaises actions. (…) Cette religion postmoderne tâche de se structurer comme un monothéisme, au sens où son clergé exige que le climat soit notre préoccupation première, les autres peurs vertueuses n’en étant en définitive que des conséquences. Le dérèglement climatique est grand, et le GIEC est son prophète. »
Le pape François, qui fustige aujourd’hui « le négationnisme suicidaire » des vaccinosceptiques et appelle la planète entière à se faire baptiser vacciner, avait déjà témoigné, sur le volet climatique, son allégeance à la Weltanschaaung des spin doctors du capitalisme vert. Dans sa prière du 6 décembre 2015 pour le succès de la COP 21, c’est un véritable œcuménisme du fléau qu’il chapitrait en fermant les yeux : « Pour le bien de la maison commune, tout effort à Paris devrait être orienté pour atténuer les impacts des changements climatiques, et dans le même temps, pour contrer la pauvreté et faire fleurir la dignité humaine. Prions pour que l’Esprit Saint illumine ceux qui sont amenés à prendre des décisions aussi importantes, et leur donne le courage de toujours prendre en compte le critère de choix du meilleur bien pour l’entière famille humaine. »
Non pas que ce ralliement venu du fond du cœur soit pour déplaire au nouveau califat écolo-sanitaire, mais c’est sans doute ailleurs, sur le versant technologique du mont Sinaï, que se porte la réelle attention des Moïse des temps modernes.
La technologie au secours des « défis » du futur
Les Rockefeller Foundation, Bill& Melinda Gates Foundation, Rand Corporation et consœurs auront une nouvelle fois démontré – et c’est peut-être là le deuxième enseignement de cette crise sanitaire – leur fascination quasi obsessionnelle pour l’innovation technologique et les gadgets futuristes. Si l’on plonge le nez dans les listes de business partners qui composent l’univers de ces monstres sacrés de la philanthropie 2.20, c’est tout le gratin de la robotique, du numérique, de l’informatique et de la médecine de pointe – sans parler bien sûr de la finance – que l’on voit rassemblé sous la bannière du progrès philanthropique.
Aux trois grandes peurs isolées au microscope par nos nouveaux savants en chemise Hermès – à savoir la peur du terrorisme, la peur de la maladie et la peur du dérèglement climatique – correspond tout un attirail qui n’a cessé de s’étoffer au fil du temps : nano-vaccins, thérapies géniques, outils de reconnaissance faciale, traçage des données, capteurs électroniques, drones de surveillance, intelligence artificielle, géothermie…
L’inénarrable Bill Gates, dans ses GatesNotes du 4 août 2020, écrivait que « d’ici 2060 le changement climatique pourrait se révéler plus mortel encore que le Covid-19 », allant jusqu’à pronostiquer « 73 morts supplémentaires pour 100 000 habitants si les émissions [de CO2] continuent à augmenter. » Mais tout problème, même hypothétique, méritant solution, voilà que l’investisseur a déjà commencé à financer des expérimentations en géoingénierie solaire, dont l’une consisterait à envoyer « des milliers d’avion dans le ciel pulvériser des millions de tonnes de particules autour de la planète afin de créer un nuage chimique qui refroidirait la surface de la Terre. » Et de même qu’il n’y a pas si longtemps pour les nouveaux vaccins à ARN messager, le visionnaire nous assure que cette technologie « n’est plus très loin d’être prête » et qu’elle « pourrait causer des changements majeurs dans les microclimats et éradiquer le ciel bleu. »
Si l’on met de côté le caractère presque enfantin de ces élucubrations, péché mignon d’un multimilliardaire farfelu qui s’est toujours positionné comme faiseur de pluie et de beau temps, c’est tout un complexe techno-industriel que l’on sent depuis trente ans se mettre en branle pour renouveler tout à la fois notre appréhension du monde (faite de peurs et de menaces sans cesse amplifiées par les médias de masse) et le silo technologique des sociétés du futur, garants d’une croissance soft supportable pour la planète. Ce n’est pas pour rien que des Klaus Schwab appellent, pour enclencher ce qu’ils nomment « la quatrième révolution industrielle », à un « changement des attitudes et des approches ». Le « futur technologique, accueillant et durable » ne pourra remplir les carnets de commande des industriels et rémunérer les investisseurs que si les circonstances s’y prêtent, et si le changement de paradigme (un monde sans déchets, sans CO2, sans maladies, sans terroristes, sans frontières et sans danger) s’impose à l’esprit des futurs consommateurs comme une évidence indiscutable.
En termes concrets, on ne vend pas de vaccin contre un virus respiratoire avec une létalité de 0,02% à une population consciente que tout a une fin, même à 85 ans ; ni la 5G à des Amishs qui n’ont que faire du giga haut-débit et n’ont pas attendu ECOP Habitat pour retaper leurs maisons et s’isoler du monde. Les portiques de sécurité à cinq mille euros pièce destinés aux aéroports, aux écoles, aux gares, aux centres de conférence et aux administrations en tout genre ne se justifieraient pas dans un monde sur lequel ne planerait pas à longueur de journée « la menace terroriste » ; pas plus que les podomètres et autres gadgets de la « santé connectée » ne trouveraient de débouchés dans une société moins obsédée par son corps et la peur de l’infarctus que par le silence des saints-mystères.
Sans menace, pas d’incentives ; sans incentives, pas de recherche ; et sans recherche, pas de progrès, pour le meilleur et pour le pire. C’est ce que le Pentagone avait compris dès les prémices de la guerre froide. Dans un entretien avec une journaliste datant de 1996 (Comprendre le pouvoir, chapitre 10), Noam Chomsky rappelle le rôle des services de « défense » américains dans l’essor industriel et technologique des Etats-Unis de l’après Seconde guerre mondiale :
« Le Pentagone ne s’est jamais vraiment occupé de défense : ce qui compte pour lui, c’est que les riches puissent posséder leur propre ordinateur après des décennies de développement financé par le public par l’intermédiaire de l’Etat – et que IBM ainsi que d’autres entreprises et investisseurs privés puissent faire d’énormes bénéfices sur leur dos. Ou encore que le plus gros exportateur civil du pays soit l’entreprise Boeing, et que la plus importe mono-industrie au monde, le tourisme, repose largement sur des technologies développées par l’intermédiaire du système militaire américain – autrement dit, sur des avions. (…) L’administration Clinton et le Congrès ont augmenté toutes ces subventions – en fait, le budget militaire de Clinton dépasse largement la moyenne de celui de la guerre froide – et le programme du Contrat pour l’Amérique inclut des tas d’autres formes de financements et subventions directs aux riches. »
A l’ère du grand vide civilisationnel, de l’aplanissement final de la Terre par le biais de la révolution numérique et du déclin – tout relatif – de l’empire américain, le capitalisme occidental sent qu’il doit, une fois de plus, réaliser sa mue pour poursuivre l’aventure. Plus de Grande Allemagne pour tirer dans son sillage Ford, BMW, General Motors, Krupp, Hugo Boss (le couturier préféré d’Hitler selon la rumeur) ou IG Farben ; plus d’Union soviétique à qui tenir la dragée haute en matière de guerres préventives et de conquête spatiale (aux retombées astronomiques en termes économiques et technologiques). C’est donc, passée une courte période de transition (1991-2001), vers le mirage de la décroissance et la promesse intenable de l’éradication du danger d’où qu’il vienne (sanitaire, salafiste, révolutionnaire, climatique) que les mondialistes ont entrepris de conduire les peuples. Le renouvellement narratif autour de l’idée désormais bien partagée d’un capitalisme safe permet de couvrir en douceur la migration technologique à haute plus-value d’une société prête à toutes les concessions (rognage des libertés, météo sanitaire, catéchisme vert, sécurité globale, hausse des prix…) pour continuer à avoir le droit de vivre et de consommer dans un monde sans âme , mais pas sans bonne conscience.
Ce combo bien ficelé permet par ailleurs, symboliquement, de différer une fois de plus cette « crise finale » du capitalisme anticipée par Marx, lui qui écrivait très justement dans le Manifeste du Parti Communiste (1848) que la bourgeoisie avait vocation à « donner un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays », à « forcer toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production » pour, au final, « se façonner un monde à son image. »
Copinages, entrisme et opacité à tous les étages
A y regarder de plus près, le vernis – comme souvent avec la bourgeoisie – se craquèle assez vite. Le marché du climat a beau peser la bagatelle de mille cinq cent milliards de dollars (selon un rapport de 2010 du Climate Change Business Journal), chacun, en vérité, n’en fait qu’à sa tête. Google et Microsoft collaborent joyeusement avec l’industrie pétrolière (fourniture d’infrastructures, machine learning, ingénierie…) ; la Chine et l’Inde font ‘oui’ de la tête à tous les sommets sur le climat tout en accroissant chaque année leur consommation de charbon, tandis qu’après avoir signé avec eux backstage de nouveaux contrats commerciaux, Hollande, Merkel, Trudeau et les autres se félicitent face caméra des « avancées », de « la prise de conscience qui s’amorce » et des « accords décisifs pour la planète » qui n’obligent les signataires à rien d’autre qu’à revenir l’année suivante se raconter les mêmes salades.
Ces costumes vides, ces paroles creuses pourraient paraître de peu d’intérêt ; elles sont pourtant la vitrine indispensable à la bonne tenue du magasin et la condition sine qua non d’appartenance à une élite qui sait reconnaître les siens et donner la fessée à ceux qui ne jouent pas le jeu. A peine élu, le président américain Joe Biden a immédiatement sorti de sa poche le petit carnet d’or de l’alphabet mondialiste pour donner des gages à ses sponsors :
- C comme Climat : ‘‘There is no time to waste. Just like we need to be a unified nation to respond to Covid-19, we need a unified national response to climate change.’’ (20 décembre)
- M comme Minorités : ‘‘Our priority will be Black, Latino, Asian and Native American owned small businesses, and finally having equal access to resources needed to reopen and rebuild.’’ (12 janvier)
- V comme Vaccins : ‘‘I am confident in my coronavirus team that they will be able to administer vaccines to 50 million Americans in my first 100 days. I'm confident we can get done what we have to get done.’’ (11 janvier)
- S comme Sécurité : “We will elevate cybersecurity as an imperative across the government, further strengthen partnerships with the private sector, and expand our investment in the infrastructure.’’ (17 décembre)
- I comme Interventionnisme : ‘‘My cabinet will restore America globally, its global leadership and its moral leadership. Not only repair, but also re-imagine American foreign policy.’’ (24 novembre)
Il suffit de ça – et d’avoir Donald Trump en face de soi – pour être élu, en 2020, président des Etats-Unis. Non pas que la couverture du livre soit repoussante en elle-même, ce qui garantit, à minima, la neutralité d’une bonne partie des électeurs. Mais c’est surtout les promesses en filigrane contenues dans de si belles résolutions qui auront satisfait les membres de la Bill & Melinda Gates Foundation, dont le montant des donations (individuelles) pour le soutien à la candidature de Joe Biden s’est élevé à 142 230 dollars. Une liste de soutien comprenant, entre autres grosses pointures, le PDG de Hewlett-Packard, l’ancien PDG de Google, le cofondateur de Valve Corporation, le fondateur de Thomson Medical, la femme du directeur des opérations chez JP Morgan et le propriétaire de Lowercase Capital.
Tout ce joli monde, on s’en doute, n’a aucune intention de se remettre à jouer à La Bonne Paye après avoir investi toutes ses économies dans le Monopoly World Deluxe Edition, d’autant que pour certains comme Eric Schmidt (l’ancien PDG de Google), tout ceci est loin d’être un jeu, comme l’atteste son assiduité aux réunions du très select… groupe Bilderberg.
Le groupe Bilderberg, dont la première réunion fut organisée en 1954 aux Pays-Bas, incarne, nous dit Gérard Conio, professeur émérite de l’université Nancy II, « un de ces réseaux fréquentés par le gratin du monde international de la politique et des affaires » dont « le but est la suppression des Etats-nations, qui sont les vestiges de l’ancien monde, fauteur de guerres et de divisions. » (Front Populaire n°2, automne 2020). Son inspirateur de l’époque s’appelait David Rockefeller et son patron exécutif Joseph Retinger, un diplomate polonais qui avait fondé le Mouvement européen, militant de la première heure d’une Europe fédérale. Gérard Conio, pour décrire l’agenda du groupe Bilderberg, n’y va pas par quatre chemins : « Les Etats-Unis d’Amérique [ayant] mis sous leur coupe les Etats-Unis d’Europe, et de même que le communisme devait passer par une phase de dictature du prolétariat pour aboutir à une société sans classe, la construction européenne n’est qu’une étape vers la mondialisation libérale qui veut mettre toutes les ressources dans les mains d’une oligarchie appelée à diriger le monde. »
Une théorie séduisante mais difficile à vérifier quand l’on connaît l’extrême flou artistique qui entoure ces rencontres – et surtout leur extrême opacité. Voilà le peu qu’en raconte l’ancien banquier d’affaires repenti Marc Roche dans son ouvrage Les Banksters, paru en 2014 :
« [C’est] à Watford, dans un hôtel de luxe au milieu d’une zone pavillonnaire sans charme [que] l’instance de Bildeberg a tenu ses assises annuelles en juin 2013, à huis-clos comme de coutume. La sécurité entourant le Grove Hotel, protégé par une haute enceinte en béton construite spécialement pour la réunion, était digne d’une réunion du G20. L’assemblée n’a ni ordre du jour, ni résolution. Aucun rapport n’est publié à l’issue des entretiens. Au lendemain de la réunion de Watford, il n’y a eu ni rumeurs, ni confidences sur les coulisses. La consigne du silence radio a été suivie à la lettre. Les manifestations altermondialistes, les médias et les curieux n’ont vu que le museau des limousines avec chauffeur. »
Il y a comme un parfum de Wannsee qui émane de cette description et certains recoupements laisseraient penser que peut-être en effet, il s’y est dit des choses que le grand public ferait mieux d’ignorer. Car l’année suivante, à Copenhague, c’est un certain Emmanuel Macron qui y tiendra le rôle de principal conférencier. Emmanuel Macron, futur rival comme on sait de François Fillon à l’élection de 2017. Dans une conversation privée, Philippe de Villers aurait demandé un jour (toujours selon Gérard Conio) à François Fillon pourquoi il avait reçu six ans plus tôt à Matignon, dans le plus grand secret, les treize membres du comité directeur du Bilderberg (dont Henri de Castries, PDG d’Axa, et Peter Sutherland, patron de Goldman Sachs et ancien commissaire européen à Bruxelles), et ce dernier lui aurait répondu : « Parce que nous n’avons pas le choix, ce sont ces gens-là qui nous gouvernent. »
Début 2017, à l’entrée de la dernière ligne droite de la présidentielle, le même Fillon confesse à de Villers : « Le Bilderberg m’a lâché. Ils ont préféré Macron. Il correspond mieux au profil mondialiste. » Et le 25 janvier dans Le Canard Enchaîné paraît l’article qui prend publiques les rémunérations fictives de sa femme Pénélope, suivi presque immédiatement de l’ouverture d’une enquête par le parquet national financier…
On peut toujours croire aux coïncidences mais le fait est que notre Emmanuel Macron national joue en effet, depuis bientôt quatre ans, sa partition comme un premier de la classe. Si on le considère, bien entendu, à sa juste valeur, à savoir un hologramme projeté sur nos télés depuis Bruxelles dans un rôle non pas d’ambassadeur de la France à la Commission européenne, mais plutôt d’ambassadeur de l’Europe auprès des citoyens français.
Mettre en pétard les Gilets jaunes est une chose – on trouvera toujours une compagnie de CRS supplémentaire pour matraquer les récalcitrants et des médias complaisants pour les faire passer pour des abrutis, décevoir en haut-lieu le synode qui vous a élu en est une autre. Au jeu des chaises musicales de la pseudo démocratie européenne, le champion désigné à chaque scrutin pour représenter dans sa province les intérêts de l’UE, du libre-échange, de la finance et du mondialisme à tout crin sait très bien à quoi s’attendre en cas d’échec de sa mission première. Si les fidèles dans leur garrigue, dans leurs fermes et dans leurs bureaux se mettent à douter un peu trop fort de la doctrine, on trouvera vite fait un nouveau télévangéliste pour remettre l’église au centre du village.
Car l’Europe dans sa forme actuelle, bastion stratégique du village mondial en termes de symbole et d’influence subliminale envers les autres continents, présente aussi l’avantage de faire office de guichet unique pour moult prédateurs à l’instar de Big Pharma. Le politologue Frédéric Dufoing (Front Populaire n°2, Europe sous influence) rapporte que « selon l’association anticorruption Transparency International, on comptait déjà en 2014 plus de 8500 organisations de lobbying enregistrées à Bruxelles, et sans doute bien davantage puisque l’inscription sur le registre n’est pas obligatoire. En 2017, il y en avait près de 11500. Les trois quarts de ces organisations étaient des entreprises comme Google, Engie, Exxon, Mobil, Microsoft, Shell et la Deutsche Bank et des cabinets juridiques et des sociétés spécialisées dans le lobbying. » Et de conclure très justement : « Les intérêts qu’ils défendent ne font pas l’objet d’une validation démocratique et ils n’ont pas reçu de mandat pour les défendre. »
Le célèbre franc-tireur du mondialisme George Soros, pourfendeur des nationalismes et du protectionniste, saint-patron de la défense des femmes, des minorités sexuelles, des réfugiés et des minorités ethniques, s’est fait lui aussi une spécialité de l’entrisme par les biais tentaculaires de son Kraken invisible, l’Open Society Foundations. Si la politique migratoire de l’Europe est ce qu’elle est depuis des années, l’OSF n’y est sans doute pas pour rien puisqu’elle finance l’European Network Against Racism (ENAR), qui regroupe plus d’une centaine d’organisations antiracistes de différents pays européens et lutte activement contre l’islamophobie et pour la protection des migrants. L’Open Society European Policy Institute, branche politique et de plaidoyer de l’UE du réseau OSF, est carrément basée à Bruxelles et exerce une immense activité de lobbying auprès des instances européennes. Il se dit aussi, sans que ça n’ait fuité dans la presse, que l’OSF aurait financé à hauteur de 80 000 dollars l’association Alliance citoyenne, laquelle a organisé une sortie de femmes vêtues de burkinis dans une piscine municipale de Grenoble en juin 2019 (Vincent Barbé et Olivier Laurent, Front Populaire n°2).
La mauvaise presse dont font régulièrement l’objet, dans les médias européistes, la très catholique Pologne et la Hongrie nationaliste de Viktor Orban a peut-être également quelque chose à voir avec le Media Development Investment Fund (MDIF), un fonds financé par Soros qui contrôle 120 médias dans plus de 40 pays, lui dont la détestation du dirigeant hongrois n’est un secret pour personne. Le PIS (parti conservateur polonais) et Viktor Orban se sont au passage encore fait remarquer le mois dernier en questionnant le fameux plan de relance européen post-confinements et pré-reconfinements concocté par Angela Merkel. Le fait qu’ils soient finalement rentrés dans le rang – après une intense cabale journalistique – n’est sûrement pas pour déplaire à l’ami George ni bien sûr à Emmanuel Macron, lequel a encore trouvé le moyen de placer le 11 décembre l’un de ces innombrables éléments de langage qui bâtissent sa légende depuis sa prise de fonction (« L'Europe avance, elle porte ses valeurs »).
Le règne du secret et de l’entre-soi n’a certes pas commencé avec le mondialisme, mais il est intéressant d’observer à quel point la profusion de ces éléments de langage balancés à la plèbe et à la meute journalistique dès que sonne l’heure de la becquée s’est intensifiée ces dernières années, presque parallèlement à la multiplication de « groupes de travail » et de Think tanks auquel aucun média n’est convié. En parlant du dîner trimestriel de l’élite des banquiers centraux à leur quartier général de Bâle, en Suisse, notre ex-banquier Marc Roche précise ceci : « Les échanges de vue sur les dossiers les plus sensibles sont informels. Malgré le nombre élevé de participants, rien n’a jamais transpiré de ce conclave. Pour permettre aux intéressés de parler librement, aucun procès-verbal n’est rédigé. » Quant-à la grande messe annuelle du capitalisme mondial à Davos, il souligne que l’évènement étant ouvert, justement, aux médias, tout ce qui s’y dit ne reflète pas forcément tout ce qui s’y trame. Beaucoup de dirigeants, en effet, « préfèrent des cénacles et cercles de réflexion internationaux plus fermés pour entretenir des relations et nouer des contacts au plus haut niveau en toute discrétion. »
Il arrive de temps en temps, cela dit, que les vautours opèrent au grand jour. En novembre 2014, Bill Gates, encore lui, rendait une visite de courtoisie au cabinet d’Angela Merkel à Berlin. En janvier 2015, la chancelière allemande s’engageait à contribuer au budget de GAVI à hauteur de 600 millions d’euros. Le 27 décembre 2020, la campagne de vaccination contre le Covid-19 débutait officiellement en Allemagne pour une éteindre une épidémie dévastatrice pour l’ensemble du pays : 11,5 décès/1000 habitants en 2020 pour 11,4 en 2019, 11,3 en 2018, 11,2 en 2017 et 11,1 en 2016 (source : Atlas mondial de données, knoema.fr). Mais comme l’opinion publique a la mémoire courte et que les médias s’attèlent, dans la mesure du possible, à conforter cette tare dans l’intérêt des peuples, il est probable que l’histoire, quoi qu’il advienne de nous, se finira par une garden party au château de Windsor ou bien sur le toit – avec piscine – du Rockefeller Center.
https://www.lexpress.fr/informations/holocauste-les-listes-ibm_641323.html
https://www.letemps.ch/opinions/lecon-chinoise-george-soros-klaus-schwab
https://www.youtube.com/watch?v=LYE59x0NSh0
https://www.nommeraadio.ee/meedia/pdf/RRS/Rockefeller%20Foundation.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=6Af6b_wyiwI&feature=emb_logo
https://www.globalpolicy.org/images/pdfs/GPFEurope/Philanthropic_Power_online.pdf
https://www.gavi.org/investing-gavi/funding/donor-profiles/rockefeller-foundation
https://www.gatesnotes.com/Energy/Climate-and-COVID-19
https://www.bbc.com/news/world-us-canada-55382209
https://www.opensecrets.org/orgs/bill-melinda-gates-foundation/summary?id=D000031958
https://www.enar-eu.org/IMG/pdf/enar_osf_2013_symposium_on_equality_data_collection.pdf
https://www.placegrenet.fr/2019/06/24/burkini-grenoble-bron/249037
https://en.wikipedia.org/wiki/Media_Development_Investment_Fund
https://www.gavi.org/news/media-room/chancellor-merkel-calls-successful-gavi-replenishment
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