Les Saoudiens, bouchers du Yémen
Au Yémen, la population civile souffre. Alors que les besoins médicaux et humanitaires sont de plus en plus importants, les bavures dans les bombardements menés par l’Arabie saoudite et sa coalition se multiplient.
Famine, choléra, terrorisme… La guerre au Yémen a de lourdes conséquences sur la population civile. Opposant depuis 2014 le gouvernement d’Abdrabbo Masour Hadi aux rebelles chiites Houthis et les forces fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, le conflit s’est internationalisé en 2015 avec l’intervention de nombreux pays musulmans menés par l’Arabie saoudite. Riyad souhaitait en effet combattre les Houthis qui, après avoir pris le pouvoir à Sanaa, venaient de s’emparer d’une large part du pays et commençaient à encercler Aden (où le président Hadi s’était réfugié).
Deux ans plus tard, les Saoudiens n’ont toujours pas réussi à chasser les houthistes, malgré une offensive militaire sans trêve. D’après les estimations de l’ONG Yemen Data Project « plus du tiers des attaques aériennes menées par l’Arabie saoudite ont visé des sites civils et pas de sites militaires ». Entre mars 2015 et août 2016, 3 158 bombardements (sur 8 600) ont touché des sites « non militaires ». Au moins 942 bombardements ont visé des zones résidentielles, notamment des marchés, des mosquées, des infrastructures scolaires et des universités.
Selon Amnesty International, « la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a bafoué de manière flagrante le droit international humanitaire en effectuant de manière répétée des frappes aériennes illégales et menées sans discrimination dans des zones fortement peuplées à travers le Yémen ».
« Mépris » pour la vie humaine
En mars dernier, un raid de la coalition arabe, qui avait coûté la vie à 12 civils, avait fait réagir le coordinateur humanitaire des Nations unies pour le Yémen. Pour Jamie McGoldrick cet incident témoignait en effet du « mépris » concernant la protection des habitants et le principe de distinction entre ces derniers et les extrémistes au cours des combats.
Or, les conséquences de ce « mépris » sont catastrophiques pour les Yéménites. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Yémen est aujourd’hui un pays dévasté par deux ans de conflit. Environ 19 millions de personnes (sur une population totale de 26 millions) ont actuellement besoin de protection et d’assistance humanitaire. Parmi eux, 10,3 millions se trouvent dans une situation extrêmement délicate.
Plus de 7 millions sont menacés par l’insécurité alimentaire et quelque 8 millions sont confrontés à l’absence d’eau potable et de systèmes d’assainissement adéquats. Près de 3,3 millions de personnes, dont 2,1 millions d’enfants, sont atteintes de malnutrition sévère aiguë. L’OMS estime à 14,8 millions le nombre de Yéménites qui n’ont pas accès aux soins de santé de base, et le choléra touche désormais 500 000 personnes.
En effet, la dégradation de la situation sanitaire a favorisé l’épidémie, provoquée par l’absorption d’eau ou de produits alimentaires contaminés par la bactérie Vibrio cholerae. Présente dans les matières fécales, elle engendre des diarrhées sévères et une déshydratation parfois mortelle.
Riyad dément et continue de faire la morale au Qatar
Quelque 5 000 personnes sont infectées chaque jour, et presque 2 000 sont décédées depuis que la flambée épidémique a commencé à se propager rapidement, fin avril. L’OMS déplore l’effondrement du système de santé, qui « ne parvient plus à répondre aux besoins : plus de la moitié de l’ensemble des établissements de santé ont dû fermer, car ils ont été endommagés ou détruits ou, car ils manquent de fonds ».
Si le taux de survie est de plus de 99 % chez les cas présumés de choléra qui ont accès aux services sanitaires, la pénurie de médicaments et de fournitures s’aggrave tous les jours du fait des combats et du blocage des ports mis en place par l’Arabie saoudite et renforcés après la résolution de l’ONU imposant un embargo sur les armes destinées aux milices houthistes.
Le blocus du port d’Hodeïda, principale voie d’acheminement de nourriture, s’est ainsi intensifié depuis décembre 2016. Résultat : le Yémen, qui importe une grande partie de ses denrées alimentaires, est frappé par « la plus grande crise alimentaire au monde », selon les déclarations d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.
Comment en sortir ? C’est la question que la communauté internationale, impuissante, se pose. Jusqu’ici, tous les cessez-le-feu négociés entre les belligérants ont été rompus, et la guerre risque de perdurer, aucun des deux camps ne semblant avoir les moyens de triompher militairement.
Or, les derniers chiffres de l’OMS sont alarmants. Le conflit a fait 7 800 tués et 44 000 blessés. Plus de 2 millions de personnes ne peuvent toujours pas rentrer chez elles et plus de 186 000 ont fui le pays. Pendant ce temps, la coalition menée par l’Arabie saoudite continue d’attaquer les marchés, les hôpitaux, les mosquées et les écoles. Une guerre largement sous-médiatisée, et pour cause : le Yémen est très enclavé géographiquement, et la coalition filtre attentivement toutes les entrées dans le territoire. Les organisations non gouvernementales et les organes de presse peinent à pénétrer dans le pays pour décrire l’état du conflit à la communauté internationale. Dans un entretien accordé au Monde, le reporter Jean-Philippe Rémy, qui s’est rendu sur place, affirme que « tout est fait pour empêcher les journalistes de raconter ce qui se passe au Yémen ». Une situation pour le moins paradoxale : l’Arabie saoudite donne des leçons de morale à son voisin qatari dans la très médiatique « crise du Golfe » pendant que ses troupes se livrent à un massacre sans nom à l’autre bout de la péninsule arabique.
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