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Accueil du site > Tribune Libre > Les seules solutions à la crise : sobriété et énergie solaire

Les seules solutions à la crise : sobriété et énergie solaire

Continuer nos façons de vivre n'est plus raisonnable ...

DU SOLEIL A L’HYDROGENE

Jacques-Robert SIMON

 

 Dès 1998, il fut proposé d’installer massivement des cellules solaires dans l’extrême sud de la Tunisie pour convertir l’électricité produite en hydrogène et oxygène par électrolyse de l’eau. Comparé au Sahara algérien ou à ceux de la Libye, de l'Egypte ou des pays du Sahel (Tchad, Niger, Mali), le Sahara tunisien, avec ses 60.000 km2 (un peu moins que la Belgique et de la Hollande réunies), a une superficie relativement modeste. Cependant, les structures universitaires locales permettaient d’être optimiste quant aux chances de succès de cette aventure. Un dossier fut constitué et présenté aux principales instances de décision des pays les plus concernés. Le souhait de l’époque n’était pas de se substituer aux acteurs locaux qui devaient, s’ils en manifestaient l’intérêt, s’emparer du problème. Ce ne fut apparemment pas le cas.

 En 2012, il fut décider de revoir ce problème qui semblait toujours d’actualité. Le livre de M. David JC MacKay paru en 2009 examinait (avec brio, sérieux et précision) les diverses possibilités offertes par les énergies renouvelables [1]. Ceci permit d’être certain que cette approche pouvait être utile et pertinente. Toutefois, l’approche marchande doit être occultée car elle obscurcit par des considérations à court terme, une incontournable stratégie devant être mise en place pour sauvegarder un futur aux sociétés, toutes les sociétés. Les aspects purement techniques doivent être les seuls à être pris en compte car de toute façon leur mise en oeuvre devra être faite, nécessairement. Deux filières sont envisageables : l’une relevant exclusivement du domaine industriel, l’autre nécessitant des efforts « raisonnables » de recherche et développement. Le caractère raisonnable est vérifié lorsque la faisabilité expérimentale du procédé est prouvée et que seules des améliorations doivent encore être faites. L’arbitraire des choix est assumé et ceux-ci peuvent être, bien évidemment, remis en cause. Le texte qui est proposé en annexe a pour but d’apporter un éclairage à un problème important, celui de l’approvisionnement énergétique à long terme des sociétés. Il constitue un espoir de contribuer à résoudre ce terrible défi.

 L’examen des besoins énergétiques de l’Union Européenne et de l’Union du Maghreb sera le seul objet du rapport. La consommation d’énergie des 27 pays européens en 2008 était de 40 820 kWh/ (personne.an), soit de l’ordre de 110 kWh/ (personne.jour). Il sera considéré que l’on veut satisfaire des besoins de consommation énergétique pour tous (U.E. et Union du Maghreb) à cette hauteur.

  Les capteurs solaires seront disposés à plat au Sahara, ils collecteront environ 6 kWh/ (m2.jour) d’énergie solaire. La surface de capteur solaire nécessaire est donc de 110/6 = 18,3 20 m2/personne ; soit pour les 600 millions d’habitants 12 109 m2 ou encore 12 000 km2 (un carré de 110 km de côté). La capacité du capteur à transformer les photons solaires en énergie électrique et/ou en hydrogène et en oxygène doit maintenant être prise en compte. Le rendement de conversion dépend, bien évidemment, des techniques adoptées. Le carré qui devra être utilisé sera alors dix à 100 fois plus grand. Ceci correspond à une surface non négligeable. Une aire disponible si grande est loin d’être acquise si l’on considère une implantation en Europe, privilégier une implantation dans des espaces désertiques semble ainsi raisonnable.

 Au sein de la filière « industrielle », tous les éléments qui la constituent sont d’ores et déjà disponibles. Les efforts doivent plutôt porter sur l’harmonisation des efforts entre partenaires, le rassemblement des forces nécessaires, l’optimisation des coûts totaux, tout en suivant une logique de juste partage des ressources et des fruits du travail.

 Dans la filière « technologique » qui nécessite, pour certains des maillons des activités de Recherche et Développement, les techniques à « peaufiner » (récupération de la chaleur pour évaporer l’eau de mer, piles à concentration, électrolyse de l’eau …) sont relativement simples et nécessitent plus de l’ingéniosité que des exercices intellectuels hors d’atteinte.

 Le document joint en annexe dissèque les processus qui permettent d’utiliser l’eau de mer et le rayonnement solaire pour faire de l’hydrogène et de l’eau douce. Les filières technologique et industrielle s’entremêlent et ne peuvent faire l’objet de chapitres distincts.

 

 Un examen attentif des propositions contenues dans le livre de M. MacKay indique clairement que tout développement « durable » (au delà de l’emphase presque constamment présente lorsqu’on utilise ce terme) passait impérativement par une sobriété énergétique. Les sociétés du futur seront sobres ou guerrières, totalitaires et impérialistes. Ceci a des conséquences considérables sur les choix technologiques qui peuvent être proposés. Si l’on imagine que la course effrénée vers le superflu est mortifère, il est nécessaire de prendre son temps pour équiper de panneaux solaires une partie du Sahara. Il est également indispensable d’utiliser ce qu’il y a de mieux à chacune des étapes et non pas ce qu’il y a de moins cher. Les installations auront, entre autres choses, une plus grande durée de vie et les frais de maintenance seront moindres. L’installation progressive permet également de dimensionner à une taille raisonnable les usines de production : elles devront, lorsque le champ photovoltaïque sera achevé, pourvoir seulement au remplacement des équipements usagés. Le désir frénétique d’exporter (donc de dominer) doit faire place à la sagesse et à une vision sur le long terme. Le dimensionnement des usines de production est un paramètre important. Les industriels, assez généralement, tendent à optimiser leurs investissements matériels en construisant d’énormes structures. « La religion du big is beautiful a certes de plus en plus d’adeptes, du moins dans les conseils d’administration avides de créer de la valeur pour leurs actionnaires. Il faut avoir, à tout prix, le plus grand groupe pétrolier, la plus grosse banque, un géant mondial de la distribution. Qu’y gagne-t-on ? ». Il est nécessaire de répondre à cette question posée par M. Alain Juppé [2]. Si l’on tient compte des coûts sociétaux assumés par la société tout entière et non pas par l’entreprise, une réponse claire est loin d’être évidente même selon des critères purement comptables. L’usine, devenue cathédrale industrielle, se situe le plus souvent à des heures de trajet du domicile de ceux qui la servent, ce qui engendre une multitude de dysfonctionnements et de frais. Ce seul aspect, mais il y en a beaucoup d’autres, permet de penser qu’une démultiplication des unités de production est plus raisonnable. Ceci permet également une plus grande flexibilité et une bien meilleure adaptation possible aux nouveautés. 

 Le plan du texte proposé en annexe souligne que deux matériaux de départ seront privilégiés :le sable et l’eau de mer, aucun des deux ne viendra à manquer même dans un avenir lointain. L’eau se trouve en effet principalement dans les océans (97,25% du total) et dans la banquise polaire et les glaciers (2,05%) [4]. Les procédés utilisés permettront d’obtenir de l’électricité et de l’hydrogène.

 Le choix du sable comme produit de départ implique que des cellules solaires au silicium soient préférées par rapport aux cellules dérivées d’autres matériaux envisageables. En plus de l’abondance du matériau de départ, c’est aussi probablement un choix judicieux lorsqu’on considère « l’état de l’art » industriel. L’industrie associée au photovoltaïque utilise, de fait, très majoritairement du silicium.

 Au delà du caractère nécessaire de l’utilisation de nouvelles sources d’énergie, il faut souligner un autre aspect. Même l’énergie solaire, par les surfaces qui doivent être couvertes, ne pourra pas donner un apport énergétique à l’ensemble d’une humanité qui resterait dans une logique de goinfrerie. Les prouesses scientifiques et technologiques ne sont plus d’actualité et aucun signe crédible ne nous permet d’en attendre une quelconque solution miraculeuse. L’organisation sociétale s’est déchirée pour laisser place à égotisme et égoïsme sous couvert de libération. Quelles propositions peut-on faire alors ? La sagesse, le bien commun, la non domination seront les traits majeurs d’une société qui se survivra à elle même. Alors, les énergies renouvelables, qui entrent par essence dans ce cadre, permettront d’assouvir des besoins qui ne seront plus des fringales. Pour permettre cette émergence, il sera nécessaire de « laisser les morts enterrer les morts ».

 

EPILOGUE 

 

— Mais que trouvera-t-on ? demanda Pencroff. L’imaginez-vous, monsieur Cyrus ?

— À peu près, mon ami.

— Et qu’est-ce qu’on brûlera à la place du charbon ?

— L’eau, répondit Cyrus Smith.

— L’eau, s’écria Pencroff, l’eau pour chauffer les bateaux à vapeur et les locomotives, l’eau pour chauffer l’eau !

— Oui, mais l’eau décomposée en ses éléments constitutifs, répondit Cyrus Smith, et décomposée, sans doute, par l’électricité, qui sera devenue alors une force puissante et maniable, car toutes les grandes découvertes, par une loi inexplicable, semblent concorder et se compléter au même moment. Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. Un jour, les soutes des steamers et les tenders des locomotives, au lieu de charbon, seront chargés de ces deux gaz comprimés, qui brûleront dans les foyers avec une énorme puissance calorifique. Ainsi donc, rien à craindre. Tant que cette terre sera habitée, elle fournira aux besoins de ses habitants, et ils ne manqueront jamais ni de lumière ni de chaleur, pas plus qu’ils ne manqueront des productions des règnes végétal, minéral ou animal. Je crois donc que lorsque les gisements de houille seront épuisés, on chauffera et on se chauffera avec de l’eau. L’eau est le charbon de l’avenir.

 

 Jules Verne, L'Ile mystérieuse (1873-1874)

 

ANNEXE : RAPPORT DU SOLEIL A L’HYDROGENE

Word - 1.4 Mo
Dossier : énergie solaire
Les techniques proposées pour équiper à grande échelle l’Europe et l’Union du Maghreb en dispositifs solaires

 

Références

 

[1] D.JC MacKay, Sustainable Energy-without the hot air, UIT, Cambridge

 (2009). Disponible à www.withouthotair.com. Version française : L’énergie durable-pas que du vent disponible à http://www.amides.fr/sewtha.html.

[2] A. Juppé, Montesquieu, Perrin/Grasset, Paris (1999) (page 270)

[3] P. Caumon, T. Deschamps, M. Magaud, G. Marty, 

 Rapport d’Ambassade / Consulat Général de France à San Francisco, Californie ; Titre : Rapport de la mission « Solar Tech Tour 2011 », (Février 2012)

[4] Encyclopedia Britannica (site : www.britannica.com)

 

 


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6 réactions à cet article    


  • julius 1ER 23 mars 2014 10:16

    Les Marxistes disent que tout est politique, votre article le confirme.... rien ne peut être fait sans accord politique, exploiter les déserts soit en les « meublant » de panneaux solaires, soit en les retransformant en terre agricole, la technique existe, mais il appartient aux états et aux peuples de changer la donne....quand aux multinationales elles n’apportent plus rien aux pays, « too big to fail », et le problème c’est qu’elles sont devenues tellement monstrueuses, que cela est en est devenu totalement contre-productif ....alors oui il faudra revenir à des lois anti-trusts, mais là il faut des gouvernants avec des « corones » mais çà on a pas en stock, en ce moment !!!!!!!!!!!


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 23 mars 2014 10:53

      Les « politiques » seront bien obligés de faire ce qu’il est absolument indispensable de faire ...


    • diverna diverna 23 mars 2014 21:42

      Bien entendu que le coût est crucial. Maintenant, le sahara, c’est hors d’Europe et la situation ne différerait pas beaucoup du pétrole en arabie. Je trouve cette analyse irréaliste.


      • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 24 mars 2014 06:01

        La proposition a deux volets : l’énergie solaire et la sobriété. Cette dernière ne consiste pas à se priver de fast foods ou de produits de basse qualité issus de Chine, elle tend à se tourner vers une consommation raisonnée de produits de bonne qualité, si possible issus de l’artisanat. Dans ce cadre, le prix n’est plus le facteur décisif : la sobriété alliée à la qualité représente une alternative réelle. Quant à la production d’énergie au Sahara, c’est une chance pour les pays du Maghreb, donc aussi pour nous car nos destins sont liés qu’on le veuille ou non.


      • CaptV 24 mars 2014 12:25

        La question de l’énergie est absolument cruciale, et il faut vraiment revenir au principe de plus grande densité pour avancer de ce point de vue.
        Toute « solution » qui amène l’homme à ne pas contrôler tout le processus de création d’énergie avec en plus des processus beaucoup moins denses est de ce point de vue criminel. Actuellement,si vous remplacez toutes les énergies fossiles et nucléaires par l’Eolien, le Solaire et la géothermie, vous serez en fait le promoteur du plus grand génocide que l’humanité n’ait jamais connu durant toute son histoire !
        La vision sur le long terme est une bonne chose, le replis en terme scientifique et technologique est une erreur stratégique dramatique pour le devenir de l’humanité...
        Seules les applications futures issues de la recherche en Physique Nucléaire notamment, peuvent nous sortir de l’utilisation du Charbon, de la lignite, du gaz et autre hydrocarbure tout en répondant aux besoins en constant progrès....
        Les futures réactions matière/antimatière sont aussi de mise....quels seront les Esteins, les Planks qui nous permettront d’accéder, le plus tôt serait le mieux, à une énergie sûre, abondante,et beaucoup plus dense ? Voilà à mon sens, les enjeux auquels ils nous faudra répondre....  


        • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 24 mars 2014 12:48

          Etant moi même chercheur, je n’ai rien contre la recherche même (et surtout) fondamentale. Cependant, ceci ne justifie pas que l’on triche avec l’utilité immédiate pour les citoyens. Dans le nucléaire ancien, le démantèlement « intelligent » des centrales reste à démontrer. Pour le nucléaire « futur », il n’y a pas à ma connaissance de piste fiable.

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