Les soirées contre les discriminations
Le 05 décembre 2009, la ville de Longjumeau convie ses habitants à une soirée contre les discriminations. Moi Halimata issue de la minorité visible vais donc à la rencontre de la majorité invisible. J’arrive à la maison de quartier Michel Colucci, la directrice de l’espace jeune me tend les bras. Toute l’équipe éducative m’accueille telle une star de cinéma. J’entre dans une salle à moitié vide et j’aperçois 8 jeunes doté d’un faciès exotique. Ces jeunes gens sont tous originaire des pays d’Afrique. Ils sont scolarisés au collège Louis Pasteur qui se situe en ZEP (zone d’éducation prioritaire). Un élève sur 2 de 3ème de cet établissement n’a pas le niveau pour poursuivre sa scolarité au lycée. Alors une soirée consacrée aux discriminations est vraiment une priorité pour eux. Pourtant, ils n’ont pas l’air inquiet de cette situation au contraire : ils rient, pètent, rotent. Tout comme les animaux de la ferme. Les différents animateurs essaient de faire taire ces personnes mais rien n’y fait. Habituellement, ces choses sont acceptables alors ils ne comprennent pas qu’on les réprimande. En outre, la minorité visible devient la majorité invisible. Dans ces territoires perdus de la République tout est inversé. Je m’installe au premier rang pour faire figure de bonne élève tout en sortant de mon sac mon carnet de journaliste.
Tous les yeux sont rivés sur moi. Quelle est la raison de ces regards mon carnet, mon stylo, que je pense à prendre des notes ou que je prenne la peine de me déplacer à un évènement sans intérêt ? A ce moment là, je tourne la tête vers la droite et je vois un élu local. C’est la dame qui s’occupe de la voirie et du développement durable. Nos regards se croisent puis durant un temps très court, je vois à travers ses yeux ronds et globuleux le vide intérieur. Au fil du temps qui s’écoule des personnes arrivent : les deux médiateurs qui sont nés, grandi à Longjumeau et qui n’y sont jamais sortis, un couple accompagné de leur enfant et un groupe de jeunes filles. J’observe les différents comportements et me rend compte à quel point les grands frères ont pris la place des institutions françaises : ils sont devenus animateurs, éducateurs, directeur de l’espace jeunes. Pourtant, ils ont quitté les bans de l’école très tôt. Comment ont-ils pu obtenir ces postes ? Est-ce une bénédiction d’avoir des encadrant qui sont incapables de s’exprimer correctement malgré qu’ils soient issus des mêmes quartiers ?
Je discute avec les animateurs, l’un d’eux refuse de me parler, il semble gêner de me voir discuter avec l’un d’entre eux. Selon lui, une femme ne doit pas parler à un homme si ce n’est son père, son frère ou son mari. La municipalité a encore cru bon de jouer sur l’effet miroir : un nègre est plus à même de parler à d’autres nègres.
Ladies and gentleman le réalisateur du chef d’œuvre « Il parait qu’eux » entre en scène : Charles Bovary. Il est déguisé en garçon de quartier : bagui qui tombe en dessous des fesses, t.shirt trop large et basket. La vraie racaille, celle dont Monsieur Sarkozy veut nettoyer au casher. Il prend la parole avec une intonation de banlieusard. C’est génial tous les stéréotypes négatifs de la banlieue se trouvent dans ce lieu.
Le cout métrage débute et les discussions aussi. Les filles téléphonent, envoient des textos. Les garçons font de même. Impossible de regarder convenablement le film. Tout au long de la projection, des jeunes entrent dans la salle. La directrice de l’espace jeune envoie ses animateurs dans les quartiers pour remplir la salle. Alors, les jeunes viennent et n’écoutent rien.
Le court métrage est totalement caricatural. On y traite le droit des femmes, le racisme, les différences de salaires entre les hommes et les femmes, la pauvreté, l’illettrisme. C’est un fourre tout. Les dialogues sont plats : il parait que les arabes ne sont pas joueur, les gars sont des durs… les personnages ne sont pas crédibles. A quoi sert ce film ?
Au même moment, l’élu chargé de la jeunesse arrive à 10 minutes de la fin du chef d’œuvre. Il entre dans la salle, va en direction de la dame chargée de la voirie et du développement durable, jette un coup d’œil à la salle. Et pour finir, ils immortalisent l’évènement en se photographiant. 15minutes après l’élu à la jeunesse s’en va. Il n’assistera pas au débat.
L’animatrice chargée de la jeunesse essaye de lancer le débat mais personne ne réagit. Tout le monde est très énervé, la directrice qui attend des réactions me regarde, me fait signe de prendre la parole. Mais je refuse. Elle essaye de prendre des exemples de personnes discriminées pour que ces jeunes réagissent. Ils le font en riant à gorge déployée. Une personne prend la parole c’est la dame chargée de la voirie et du développement durable. Elle dit : la discrimination ne va pas dans un seul sens et qu’elle en a été aussi victime. « Quand j’étais dans ma voiture, c’est vrai que c’est une belle voiture et que j’étais bien habillée. Un homme m’est rentré dedans et quand j’ai voulu appeler la police il a refusé parce que sa voiture n’était pas assurée. Alors moi aussi j’ai été discriminée il m’a traité de bourgeoise » puis elle se rassoie. Sa brillante intervention m’a fait réagir. Je lui rétorque : « Ou se trouve les élus chargés de la culture, de la jeunesse comment cela se fait il que Madame Le maire soit absente. Nous sommes en plein débat sur l’identité nationale que le gouvernement auxquels elle appartient prône et elle n’est pas là. Pourtant Monsieur Besson le ministre de l’immigration souligne bien que la lutte contre la discrimination intègre le débat sur l’identité nationale. La dame est étonnée et ne restera pas au gouter.
En 2010, en France les espaces jeunes, les maisons de quartiers organisent des soirées contre les discriminés sous la tutelle des municipalités dans des lieux ou se concentrent les discriminés. Quel est l’intérêt ? Aucun si ce n’est donner l’illusion à ces gens que l’on s’occupe de leur préoccupation. Avoir un teint basané en France est un véritable fardeau. Pourtant lors de la campagne présidentielle de Monsieur Sarkozy, il promet un plan Marshall des banlieues. Trois ans après il n’y a aucune avancée. La Grande Borne, Montfermeil, Clichy sous bois…sont encore plus sinisés. La révolte de 2005 semble sortie des esprits de nos dirigeants politiques jusqu’à ce que les banlieues s’enflamment une nouvelle fois.
FOFANA Halimata
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