Les sondages sont-ils sincères ?
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Voici quelques jours, les médias publiaient un sondage Ifop Fiducial indiquant une cote de popularité en hausse pour Emmanuel Macron pour la deuxième fois consécutive, avec une remontée de 34 % d’opinions favorables, le président retrouvant ainsi son niveau d’octobre 2018 avant la crise des Gilets Jaunes.
Comment se fait-il que le chef de l’État bénéficie d’un regain dans l’opinion populaire, alors qu’il n’existe aucune avancée réelle dans la politique du gouvernement ? Si certains soulignent que cette hausse est due à la mise en place du Grand Débat, il ne semble guère possible que cette consultation nationale ait pu bénéficier à Monsieur Macron, à cause du peu de crédibilité que lui accordent les citoyens.
Alors, les sondages seraient-ils truqués ?
À titre d’information, remontons à quelques années en arrière pour voir quelques exemples évidents.
En 2007, le Canard Enchaîné mettait en doute la sincérité de sondage de l’institut OpinionWay en raison des liens très proches de ses dirigeants avec la droite, rappelant que Monsieur Hugues Cazenave son président-fondateur avait été chargé de mission à l’époque auprès du cabinet ministériel de Gérard Longuet.
En 2009 à nouveau, le Canard Enchaîné réitère ses critiques et accuse l’institut de sondage de manipulation au sujet d’une enquête publiée par Le Figaro à quelques jours des élections européennes. De son côté, le journal Marianne met en évidence le nombre croissant de sondages effectués par OpinionWay pour Le Figaro, quotidien classé nettement à droite dans les périodiques.
Et ce n’est pas fini … Dans son livre, « Ma plus belle histoire, c’est vous », Ségolène Royal accuse clairement plusieurs instituts de sondage (IFOP, PISOS, CSA, et OpinionWay (pages 177 à 190) d’avoir été très dévoués envers Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle de 2007.
En évidence, on pourrait citer d’autres exemples, plus ou moins récents, mais tous édifiants.
Alors, faisons un point rapide mais précis sur les instituts de sondage actuels qui pratiquent en France, quasiment toujours au service du pouvoir central.
1. IFOP : Première entreprise de sondages d’opinion à avoir vu le jour en France (1938), cet institut de sondage a appartenu simultanément aux grandes figures du patronat français : Jean Riboud, président de Schlumberger, Laurence Parisot, riche héritière et à une époque patronne du Medef, puis aujourd’hui à la très fortunée Famille Dentressangle qui détient à elle seule 65 % du capital de l’Ifop. Sans oublier, le richissime Pierre Pigeon qui possède 35 % des actions de ce même institut.
2. IPSOS : Comme par hasard, cette entreprise de sondages appartient également au grand patronat français. Créée en 1975 par Didier Truchot, homme d’affaires très influent auprès de tous les gouvernements français, le capital de cet institut est détenu par Euronext, un groupe mondial d’entreprises de marchés financiers, très proche des milieux politiques de gauche comme de droite.
3. CSA : Cet institut de sondages d’opinion appartient principalement au groupe Havas et donc extrêmement proche du pouvoir présidentiel. Il faut savoir que ce groupe est dirigé par Vincent Bolloré et Yannick Bolloré, très liés avec Emmanuel Macron comme ils le sont encore avec Nicolas Sarkozy.
Inutile de faire un quelconque commentaire à ce niveau : le CSA n’ira jamais à l’encontre du chef de l’État ni de son gouvernement.
4. KANTAR TNS : anciennement TNS Sofres et Sofres est un organisme de sondage largement voué à Monsieur Macron. Publiant chaque année un ouvrage intitulé « ’État de l’opinion » aux éditions du Seuil on y retrouve notamment Olivier Duhamel, homme de tous les partis et donc opportuniste. Actuellement, quiconque pourra constater à travers les faits que Monsieur Duhamel est assez lié avec le chef de l’État.
Autre constatation : le fils de Brigitte Macron travaille pour Kantar, ce qui a suscité déjà des rejets de divers sondages, notamment avec Marine Le Pen.
5. HARRIS Interactive : Rien à signaler de bien précis au sujet de cet institut de sondages né en 1995, sauf que son capital est détenu par NASDAQ, un établissement dont la fonction principale se situe dans la bourse des valeurs.
Le grand capitalisme français étant lié en grande partie à ce géant de la Bourse, Harris Interactive a de bonnes raisons de soutenir le pouvoir en place et en l’occurrence la politique de Monsieur Macron.
Ainsi, peut-on se fier aux sondages ? D’abord, il existe toujours des marges d’erreur naturelles, celles qu’il n’est pas toujours possible d’évaluer. Mais le plus inquiétant reste dans les enquêtes d’opinion faussées qui ne représentent pas la réalité de la situation.
En ce qui concerne la cote dite « officielle » de la popularité actuelle du président de la République, disons clairement qu’elle n’est pas exacte. Il suffit de questionner les gens dans les villes ou à la campagne pour saisir l’inexactitude des chiffres propulsés par l’Ifop. Bien entendu, cet organisme de sondage bien relayé par les médias, possède une parole prépondérante à celle des simples citoyens que nous sommes. Et sur ce point, nous restons les parents pauvres de la politique bien démunis dans notre pot de terre qui ne pourra jamais lutter efficacement contre le pot de fer du pouvoir.
En conclusion, nous pourrons constater tout de même que le président Macron reste néanmoins dans un énorme embarras.
Après avoir combattu pendant plusieurs semaines face aux Gilets Jaunes, en utilisant tous les moyens dont ils disposaient, légaux ou parfois illégaux, le chef de l’État s’est trouvé dépourvu. Il a pensé alors que le Grand Débat pourrait le sauver en stoppant brusquement les mouvements populaires. Mais le Grand Débat n’a pas fonctionné selon ses souhaits.
Aussi, aujourd’hui, utilise-t-il des sondages trompeurs pour essayer de faire changer l’opinion publique. En fait, il pense que sa cote de popularité grandissante en apparence, mettra un terme à des semaines de troubles et de conflits sociaux.
En clair, Monsieur Macron veut persévérer dans ses réformes destructrices, sans changer quoi que ce soit et il a toujours grand espoir d’anéantir définitivement les Gilets Jaunes et tous autres mouvements sociaux présents ou futurs.
Ayant acquis en grande partie le soutien de la droite républicaine, il n’a plus de véritables opposants politiques à l’heure d’aujourd’hui. La France Insoumise piétine et les autre partis de gauche sont inexistants. Il reste évidemment le Rassemblement National, mais pour Monsieur Macron, Marine Le Pen est la meilleure adversaire car, malgré le succès de son mouvement, il sait pertinemment que les Français ne donneront jamais la majorité à l’extrême droite.
Au final, si laREM gagne les prochaines élections européennes et si elle remporte en 2020 les élections municipales, la réélection d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2022 semble d’ores et déjà assurée. Et ces victoires, le chef de l’État les devra essentiellement aux instituts de sondage qui l’auront discrètement soutenu tout au long de ces années.
Pierre Reynaud - www.lafranceliberee.fr
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