Les stars de la gauche se sont suicidées
C’est la pleine lune, il n’a pas neigé sur Pluton mais sur Yesterday. Un long manteau blanc enveloppe mes souvenirs et de cette époque, je retiendrai la prestance de ces anciens, les valeurs, les grands personnages, Malraux, De Gaulle, Mendès, Schumann et j’en passe, des hautes personnalités formées aux humanités autant qu’à la science et aux savoirs faire. Des professeurs respectables et respectés. Des politiciens pas tous honnête mais ceux qui le furent avaient un sacré sens de l’Etat et, par extrapolation hégélienne où le fantôme de Kojève se réveille, un sens de l’humain. Qu’ils soient communistes, gaullistes, socialistes ou radicaux, ils avaient de la trempe nos anciens, de la vertu à revendre, même si leur rigidité imposa le grand basculement des années 1960. Un moment d’émancipation pour la jeunesse, promesse d’un âge nouveau, mais aussi un aggiornamento pour les élites. Un rappel au nouvel ordre. Gérer le système technicien. En 1969, les nouvelles dispositions pour l’ENA furent édictées. Moins d’humanité mais plus de technicité.
Rien ne prédestinait Michel Rocard à devenir le chantre de la taxe carbone. Rocard, énarque en 1958, formé aux humanités d’antan et maintenant un vieux sénile, en mission commandée par un pouvoir suspect, au nom de l’écologie, du réchauffement climatique. La taxe carbone, qui touchera les prolétaires, les classes moyennes, autant que les riches, est une négation des principes fondateurs de la république décidée il y a un siècle, avec un impôt progressif sur le revenu qui permet de répartir le poids de la fiscalité sur les plus aisés. Ce reniement est une véritable trahison des espérances socialistes et radicales des temps anciens, et de ce moment mitterrandien en 1981. Michel Rocard s’est suicidé sur Yesterday. Rocard, l’un des pères de la gauche s’est suicidé et nous sommes orphelins, nous les gens de gauche. Mais c’était prévisible, de la part du créateur de la CSG qui rompt avec le principe de l’impôt sur le revenu. La taxe carbone est pour le peuple. Rocard aurait-il quelque revanche à prendre sur le peuple ? Rocard n’aime pas le peuple en vérité mais il est de gauche. En fait il n’est pas de gauche mais il n’a jamais eu le courage de rompre avec sa famille. Un lâche ce Rocard, qui du reste s’est suicidé, l’un des pères de la gauche s’est suicidé mais devons nous pleurer sa mort et léguer quelque épitaphe sur sa tombe, nous de gauche qui savons maintenant quel fut ce personnage ? Rocard, ce vieillard sénile qui croit au combat contre le climat, qui nous voit en assassins de la planète, qui désigne quelques banquiers comme seuls fautifs de la crise et voudrait les pendre. Mieux vaut nous dépendre de ce Rocard et carrément le pendre bien qu’il se soit déjà pendu. Notre père est mort. Ne prions pas, il ne mérite pas d’être accueilli au paradis, lui qui commit tant de crimes contre l’esprit de gauche.
Dany fut bien de gauche, l’incarnation du grand frère de nos espérances. Déterminé, avec sa légendaire figure de poupon défiant la maréchaussée gaullienne. Que de périples et rebondissements, Dany le rouge le paria, pourchassé de nos terres par la police républicaine en pleine frénésie d’inquisition contre le gauchisme. Puis le retour en grâce et la nouvelle notoriété de Dany devenu notable européen. Dany, lui qui fustigeait les cocos, dénonçant les crapules staliniennes, Dany, revenu de ses combats, et maintenant apparatchik de la nouvelle écologie, prêt à défendre cette taxe carbone digne de l’héritage bureaucratique soviétique et de cette planification gaullienne qu’il a combattu naguère. Dany, un autre suicidé, un autre repenti des rêves gauchistes, gagné à la cause de l’infâme bureaucratie fiscale qui se dessine maintenant. Dany est mort. Notre grand frère est mort. Pourquoi s’est-il suicidé ? Une barricade en forme de madeleine de Proust nous projette vers ces années de poudre. Et nous sommes consternés. Pas d’explication. Dany est mort et nous ne savons pas pourquoi. Et nous n’avons même pas droit à une cellule psychologique. Dieu que le monde est mal fait.
Jack ? Il n’y a personne qui répond. Jack n’est plus là ? Lui aussi se serait suicidé ? Je veux pas le croire. Jack, le ministre de la Culture aussi réputé que Malraux, l’inventeur de la fête de la musique, le promoteur de la culture pour tous et sans conditions, de la diva d’opéra au moindre rappeur de banlieue, Jack, tant d’espoirs quoique, je me fais un film, Jack a fini par dévoiler son vrai visage en soutenant la loi Hadopi qui pourchasse les pauvres internautes pour remplir les poches des puissants de la chanson et du cinéma, des puissants qui n’ont rien de plus que les autres, juste un peu plus de talent et surtout la machine médiatique et capitalistes qui les supporte et qui insupporte les gens de gauche qui n’aiment pas le profit quand il n’est pas justifié et qui n’aime pas la police qui vient saisir l’ordinateur ou espionner la navigation. Jack s’est fait le complice de ce système digne des années Pétain ? Jack s’est suicidé, avec Michel et Dany, c’est pas possible mais c’est ainsi. Doit-on pleurer Jack ? Non, après tout, il n’a été qu’une pièce du système. Il n’a jamais été de gauche. Et puis, ceux qu’il a soutenus, les gens de réseaux, on ne sait pas qui, quelques (je censure mais les gens au courant savent) n’iront pas lui dresser quelque couronne, car il n’y a pas de plus ingrat que les parvenus qui croient que tout leur est dû parce qu’ils ont un peu de talent et de l’entregent et qui sont insatisfaits car leur soif de reconnaissance est interminable alors que leur carrière est achevée autant que leur talent est très limité. Jack est mort, il lègue à la société ce système des parvenus.
Et Julien ? Le socialisme s’est voulu un humanisme. Etre humain en cette ère de folie hyper moderne, c’est au minimum contrôler ses passions, ses envies, ajuster ses dépenses. Et pourtant, tel un camé en quête de drogue, Julien Dray s’est pris d’une frénésie de luxe comparable à celle d’un junkie face à sa dose. Il lui fallait des dizaines de milliers d’euros pour assouvir ce qu’on doit considérer comme des vices et dont la légitimité concerne les stars car elles ont de quoi payer. Julien s’est flingué avec sa passion des montres. Notre frère Julien n’est plus là. Nous sommes désorientés. Vers qui se tourner ?
Et Paul, le préposé à la santé. Il ne va pas bien. Pas plus tard que le 24 juillet, on peut lire une courte tribune écrite par Jean-Marie le Guen, député socialiste, responsable des questions de santé pour le PS, vice président de l’Assemblée nationale, qui dit que malgré les 96 millions de doses de vaccins, nous ne serions pas prêts à gérer la pandémie en France. Qu’il faudrait se mobiliser pour agir, informer, car la grippe A est une menace, qu’elle peut muter, qu’il peut y avoir des tas de morts. Mobilisation générale du peuple français. On se croirait en guerre. Paul est prêt de l’asile. Il a perdu la tête. Le socialisme n’a jamais eu pour vocation d’affoler les gens et de créer les dispositions pour le profit des industriels, enfin, pas le socialisme français. Le national socialisme c’était autre chose. Paul est mort mais ce n’était pas une star et il sera ressuscité par la grâce de l’esprit malsain de qui vous savez. Nous ne devons pas pleurer. Que faire ? Il n’y a plus personne.
Lionel nous a quitté un 21 avril, Jean-Luc Mélenchon s’en est allé se suicider dans une aventure sans issue, Arnaud Montebourg est sur une chaise roulante. Il ne reste plus que Martine et Ségolène. Pourquoi sont-ils morts, ces gens de gauche, ces Socialistes avec Dany ? Nous sommes orphelins, livrés à la folie d’un système. Il ne reste plus qu’une cinquième colonne à gauche, qui doit assumer la responsabilité de l’avenir des valeurs humanistes de gauche. Les frangins de mai ont cinquante ans. Ils sont les héritiers et les seuls à pouvoir maintenir quelques valeurs alors que les anciens de la gauche ont trahi et se sont suicidés. Mais la gauche doit aussi, et c’est son ressort essentiel, être portée par les aspirations citoyennes. Et franchement, avec l’âge des modes et de l’hyperconsommation et des médias de masse et de la sous-culture, le citoyen de gauche s’est dissous dans le darwinisme culturel des valeurs de merde du capitalisme de masse.
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