Les Tchadiens victimes d’eux-mêmes
Né de la logique de fragmentation des puissances européennes suivant les lignes de démarcation entre leurs sphères d’influences, le Tchad est peuplé de personnes aux traditions diverses et si divergentes qu’on ne peut parler de ce pays au singulier. L’écart entre les mœurs, les difficultés de communication et de cohabitation combinées à l’étrange perception qu’ont certains groupes d’individus de l’État ont déchaîné un monstre, la violence, qui a établi son royaume au Tchad. Aujourd’hui, les Tchadiens sont victimes d’eux-mêmes, pris dans une alternance de paix/guerre mortelle qui nuit à la stabilité de leur pays et interdit tout changement.

Il n’existe pas de vraie nation tchadienne
Dans la majorité des pays du monde, l’existence d’une société ou d’une nation a précédé celle de l’État. Ce n’est pas le cas au Tchad et l’État s’oblige de créer une conscience nationale à partir d’innombrables ethnies ayant des traditions très divergentes. Il existe plus d’une centaine de dialectes dans ce pays d’Afrique centrale. On y observe que certaines tribus se sont convaincues qu’elles ne peuvent vivre que par le glaive tandis que chez d’autres, les individus sont horrifiés et se sauvent dès qu’ils voient le sang versé. Au Tchad, les idées et idéaux qui définissent les coutumes des individus diffèrent largement d’une ethnie à l’autre. Le fossé entre les mœurs engendre de sérieux problèmes de communication qui, par combinaison avec d’autres facteurs, rendent difficile la coexistence pacifique. Les multitudes d’ethnies éprouvent de sérieuses difficultés à trouver un repère d’unité autour duquel ils peuvent unanimement s’accorder. Dans ce contexte, si vraiment la nation tchadienne existe, alors elle n’a pas le fondement d’une vraie nation comme on peut le constater ailleurs. C’est un problème majeur auquel les Tchadiens ne trouvent pas d’issue. Évidemment, de cette absence d’une vraie nation naissent les difficultés des principes étatiques et démocratiques. On peut alors constater amèrement que certains groupes d’individus profitent de ce manque pour se donner volontairement une vision erronée de l’administration centrale.
Dangereuse perception du pouvoir institutionnalisé
Au Tchad, il circule une pléiade de groupes armés incontrôlés ayant leurs propres perceptions de l’État. Tous cherchent à assouvir des besoins privés au nom de l’alternance politique bien qu’une telle revendication soit d’essence démocratique. Ressemblant davantage à la criminalité organisée, ces rébellions deviennent un mode de vie et une source de revenus pour les leaders de ces combattants. Aucun objectif politique sérieux sinon pour illusionner. Un phénomène amplement décris dans un article passé intitulé « Cirque de mort au Tchad ». La lutte que mènent les rebelles au Tchad ne porte aucune légitimité et mène ce pays vers un gouffre d’autodestruction. Au Tchad, ce sont les doigts sur la gâchette qui commandent les têtes et c’est la raison pour laquelle les Tchadiens ne parviennent à échapper aux cycles fous des guerres qu’ils se sont imposés depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’alternance paix/guerre n’a plus lieu d’être. Il est temps, pour les Tchadiens, d’élever un peu les pensées car l’État n’est pas un endroit refermant des richesses où il urge d’aller, à mains armées, faire des acquisitions privées. Être conscient des comportements qui mènent à l’échec, c’est ce qu’il y a de moindre à faire lorsqu’on envisage de changer.
Peut-on changer quelque chose ?
Le problème tchadien n’est pas uniquement un problème d’hommes comme certaines analyses tentent de le laisser croire. Il existe une croyance naïve, au Tchad, selon laquelle le changement d’un seul dirigeant pourrait assouplir la culture autoritaire actuellement en place. Si on veut changer un seul homme ou quelques hommes, va-t-on maintenir intacts les dispositifs mafieux détenant illégalement et illégitimement la réalité du pouvoir politique et économique des Tchadiens ? Comment peut-on croire que ceux-là qui suivent religieusement le parcours de Deby pourront faire mieux que Deby ? Beaucoup de Tchadiens réclament le changement sans savoir ce qui doit changer et sans se demander pourquoi est-ce que telle chose doit changer. Il y a un besoin d’apprendre et de comprendre ce qui devrait être le point de départ : la signification du changement que les Tchadiens réclament. Vouloir le changement, c’est comprendre déjà qu’il faut changer soi-même avant d’exiger la conversion des autres. Si tous les dispositifs mafieux en place changent, alors le système disparaîtra avec ses hommes, c’est-à-dire ses promoteurs redoutés. A observer les hommes armés, embrumés par haschisch, se livrant à leur activité préférée qui consiste à se massacrer, entraînant des innocents avec eux, on est tenté de dire que la boucle des violences guerrières a produit une régression mentale chez bon nombre de Tchadiens, y compris certains intellectuels qui appuient ce comportement. Les Tchadiens doivent accepter de supprimer ce qu’ils ont de plus classique : la violence.
La jeunesse tchadienne
Si la jeunesse devrait avoir recours aux références classiques tchadiennes afin de s’inspirer et de se donner une orientation, elle ne trouverait qu’une constante : la violence, un fléau ayant véritablement « colonisé » les Tchadiens. La violence est partout dans les rues, les écoles, les bureaux, au niveau politique, les mentalités, les comportements, le verbal, le non-verbal, les églises, les mosquées, les traditions... La jeunesse tchadienne n’a rien à perpétuer des idéaux de la génération précédente. Si un tel lien de conservation existe, il doit être rompu dans la mesure où nous connaissons le chaos dans lequel le Tchad se retrouve à l’instant présent en raison des choix politiques. Les choix politiques actuels ne préparent pas la génération future à vivre dans l’harmonie. La jeunesse tchadienne doit se frayer un autre chemin si elle veut sortir le Tchad de cette boucle folle de destruction massive.
La mentalité et le comportement des Tchadiens font qu’ils n’agissent plus dans leurs meilleurs intérêts. Disposés à obéir aux prêches archaïques des missionnaires et des imams, futilement orgueilleux alors qu’ils sont bassement rythmés au quotidien par la brutalité, menés par les doigts sur la gâchette plutôt que des têtes pensantes, incapables de trouver une repère de consensus autour duquel tous peuvent s’accorder, les Tchadiens ont perdu le sens de l’orientation. Si la tendance actuelle des événements n‘est pas inversée, le Tchad finira sous tutelle. Il n’est pas trop tard pour changer, mais il faut le vouloir. Aux Tchadiens de choisir.
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