Les terroristes gagnent du terrain : causes et conséquences
De quelque côté qu’on prenne le problème, une chose est évidente (y compris pour notre président !) : même si les victimes d’aujourd’hui sont nombreuses et innocentes, je crois que nous pouvons dire tous ensemble que les « prochaines victimes » (pas forcément que « physiquement ») seront à coup sur les musulmans dans leur ensemble … car comme je le disais dans mon précédent article in fine ce sont eux qui paieront les soupçons continus, le racisme, les amalgames, et jusqu’à la violence…
Maintenant que les assassins ont été mis « hors d’état de nuire » et que la marche du 11 janvier a été -quoi qu’on en pense par ailleurs- un véritable succès (pas de débordements, des témoignages d’ouverture sincères, un record d’affluence…), nous pouvons commencer à analyser plus « froidement » ce qui a pu pousser ces jeunes à l’impensable. Et à émettre des hypothèses quant aux causes de leurs parcours.
Car il y a quand même quelque chose de commun entre toutes les attaques qui ont lieu ces dernières années : tout d’abord les terroristes qui sévissent en Europe sont pour la plupart de récents convertis : qu’ils soient issus d’une famille « d’origine musulmane » (comme de nombreux Français sont issus d’une famille « d’origine catholique ») ou non , on s’aperçoit qu’ils sont souvent laissés « livrés à eux-mêmes » dans des cités en difficulté, (on s’est même aperçu qu’un des tueurs avait, en 2009, été « reçu » par Nicolas Sarkozy lors d’une conférence sur l’emploi), et commencent par la petite délinquance avant d’aller plus loin. Des gars apparemment pas encore radicalisés, mais à la recherche d’un emploi dans une zone défavorisée. Malheureusement comme en Afghanistan ou en Syrie, là où l’Etat ne fait pas son travail, comme avec la mafia en Italie ou dans les favelas du Brésil, des hommes sans scrupule « offrent une chance » (disent-ils) à ces jeunes de s’en sortir… Ensuite, c’est souvent en prison que ces jeunes rencontrent la radicalisation. Abandonnés dans un univers sans repère ils sont souvent fragiles et influençables, et se trouvent être la proie d’individus plus solides qui leur donnent l’impression qu’ils peuvent être quelqu’un, « un martyr », « un héros »… Ce que ces jeunes n’ont jamais entendu à leur sujet : on leur a toujours dit qu’ils ne valaient rien et qu’ils ne vaudraient jamais rien (il n’y a qu’à voir dans quelles conditions vivait un des terroristes durant son incarcération. Ces hommes, qui se sont toujours demandé pourquoi le monde entier leur en voulait, ont trouvé avec leur radicalisation une raison qui donne un sens à leur misérable existence sans avenir : le combat du bien contre le mal. En se radicalisant ils ont pu s’identifier aux victimes que leurs mentors leur désignaient comme tels, et haïr ceux qu’on leur a désigné comme coupables. Et comme ils ont cru les premiers, ils finissent par croire les seconds. Car il ne faut pas oublier une chose : l’âge de ces futurs monstres qui finissent par nier la vie -la leur et celle des autres. Ils sont tous pour la plupart assez jeunes, entre 25 et 35 ans il me semble. Cela signifie que ce sont tous des « enfants » du 11 septembre : en 2001 ils avaient entre 10 et 20 ans, et ont été nourris d’une part sur le net à la théorie du complot concernant ces attentats, et d’une autre part se sont assimilés (à travers leur radicalisation) en tant que victimes de la propagande et des amalgames dirigés contre les musulmans. De l’incompréhension ils ont basculé dans « le mysticisme » et la barbarie : ces esprits fragiles se sont laissés entrainer dans la violence par des « idéologues » très politiques dont l’objectif n’est sans doute ni le salut de ses disciples, ni le « retour en grâce » des musulmans auprès des « Occidentaux »…
Alors maintenant on voudrait nous faire croire que c’est l’Islam qui est pourri… Mais n’est-ce pas plutôt l’état dans lequel on a laissé notre jeunesse qui laisse à désirer ? Ces jeunes qui ne comprennent rien au conflit israélo-palestinien (et comment le pourraient-ils d’ailleurs tellement la situation est compliquée ?), qui regardent des séries violentes ou jouent à s’entretuer sans aucun recul sur la distinction nécessaire à faire entre réalité et virtualité ? Ils sont nés avec internet, avec le 11 septembre, avec la propagande islamophobe, avec la guerre, la violence et la misère partout ; ils en sont arrivés à croire qu’en tuant des gens en France ils allaient « défendre leurs frères musulmans persécutés dans le monde » ? Il ne faut pourtant quand même pas réfléchir beaucoup pour comprendre que le résultat en sera bien sûr inverse. De quel aveuglement ont-ils pu être victimes pour en venir à ces actes odieux en plus d’être stupides ? En Irak ou en Afghanistan, des enfants naissent et vivent dans des conditions infiniment plus terribles que celles de ces pourtant déjà bannis de la prospérité, et subissent la peur de mourir tous les jours en se rendant au marché, souffrent de la faim, de maladies, du manque d’électricité, de tout. Comment pourraient-ils être flattés que dans nos pays de riches, en démocratie , des jeunes délinquants en viennent à cracher dans une soupe à laquelle, eux, voudraient bien goûter ?
Il n’est d’égal à cette stupidité que celle de ceux qui dans un aveuglement comparable subissent la haine qui vient parfois après la peur, quand elle n’est pas canalisée. Ceux qui vont tirer sur des mosquées, ou réclamer la peine de mort, le renvoi des musulmans d’Europe. La haine d’un côté, la haine de l’autre. C’est tout bénéfice pour les pouvoirs en place, ici comme ailleurs : tant que les peuples se battent entre eux, ils ne pensent pas à regarder ceux qui piquent dans la caisse ou leurs vendent les armes avec lesquelles ils s’entretuent.
Mais les musulmans ne seront pas les seules victimes du terrorisme : imaginez donc qu’au nom de « la liberté » on va nous sortir -encore- une loi liberticide ! Un comble… On ne va pas se laisser faire par les terroristes car nous n’avons pas peur ? Mais celui qui se protège n’est-il pas celui qui a peur ? On nous parle de Patriot Act, de libertés non-indispensables, et nous allons devoir nous habituer à voir des hommes armés jusqu’aux dents devant nos écoles ou nos parcs ? Quand la démocratie se défend par les armes, quand la police peut vous faire enfermer sans aucune justification, quand l’Etat peut vous faire surveiller sans raison, vous juger sans avocat ou vous enfermer sans jugement, c’est que ce n’est déjà plus tout-à-fait une démocratie (même au sens où l’entendent la plupart des gens aujourd’hui). Et quand en plus on veut vous obliger à adhérer à la pensée dominante au risque que passer pour un « apologiste » du terrorisme, (plus de 54 procédures ouvertes contre des individus dont Dieudonné (il faudra un jour qu’on m’explique comment il peut à la fois soutenir les terroristes et se trouver proche du FN qui veut le retour de la peine de mort pour ces mêmes individus), ou refaire « l’école pour les parents » (comme le préconise Luc Ferry sur France-info), j’imagine pour expliquer à ces derniers ce qu’ils ont droit de penser…
Et maintenant, entend-on sur toutes les bouches, et maintenant ?
Et maintenant on pourrait croire que tout ira comme sur des roulettes : plus il y aura de policiers ou de militaires pour nous fouiller à l’entrée de chaque lieu public, moins il y aura de terroristes non ? Ou alors on peut se dire que le gouvernement, comme tous ceux qui profitent de ce drame pour continuer d’établir « l’état permanent d’exception »(on les a vu à la télé dimanche -sauf les Etats-Unis qui y sont déjà entrés depuis 2001), vont bientôt pouvoir lâcher les rennes d’une économie qu’ils retiennent en vie artificiellement depuis trop longtemps pour passer à l’étape suivante : l’autoritarisme « éclairé » par son combat mondial contre le terrorisme mondial. Et là nous pourrons tous enfin dire « les terroristes ont gagné », puisqu’aucun des objectifs de la lutte contre le terrorisme n’aura été atteint ; à moins que de considérer le monde entier comme rempli de terroristes potentiels…
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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