Depuis l'expérience des empires coloniaux des siècles passés, la notion d'empire est perçue de façon péjorative, pourtant, pour un des premiers penseurs de la renaissance, Dante Aliguieri, l'idée d'empire universel de Dante, le processus recherché n'est pas l’asservissement d'une multitude de peuples par une hyper-centralisation du processus décisionnel mais l’amélioration de l'être humain par la progression des connaissances. A l'opposé de cette vision humaniste "d'empire", se trouve la démarche des trois sorcières de Shakespeare dans la pièce Macbeth. Oui, qu'il semble étrange que les sorcières de la pièce de Shakespeare puissent servir de doublure à la figure d'un empereur est pour le moins normal, néanmoins, il convient de souligner le fait que celle-ci partage malgré tout avec l'empereur un caractéristique commune.
Petites, trapues, incapable de faire face physiquement aux guerriers écossais, les trois sorcières parviennent à dominer la volonté du fort et bien bâti MacBeth, menant ce dernier à tuer son souverain et à détruire son royaume. Comme le montre l'expression : "Fair is false, and false is fair" au début de la pièce (le vrai est faux et le faux est vrai), le pouvoir s'exprime par la capacité à induire chez autrui un comportement qui aille à l'encontre de ses intérêts immédiats afin d'établir une relation de domination.
L'empire d'aujourd'hui n'est donc pas défini par une relation de pouvoir coercitif mais plutôt par un pourvoir de persuasion. Suivant cette méthodologie, les sorcières de MacBeth modernes conçoivent que
le pouvoir social vise à créer un système de croyances qui gouverne les comportements sociaux.
Parmi les théorises contemporains de cette méthode, Peter Van Ham, directeur des recherches au global governance institute des paysbas, explique dans son écrit le pouvoir social dans la politique internationale, que à l'ère de la mondialisation le focus sur le pouvoir "dur" (hard power), ne suffit plus et doit être complété par le "pouvoir social".
Selon lui," le pouvoir social est effectif lorsqu'un acteur réussit à intégrer ses normes et valeurs à l'échelle mondiale en établissant des normes de façons à ce quelles semble légitime et désirable sans user de coercition ou de corruption. "
Ainsi, en suivant cette démarche sociologique dans les relations internationales, il convient de réaliser que la politique internationale n'est pas définie par une structure d'équilibre des forces intemporelle imposée aux Etats, institutions, multinationales, et autres acteurs non gouvernementaux, mais par "l'intersubjectivité ou la structure idéelle qui forme la façon dont les acteurs se définissent", La réalité des acteurs est donc le fruit d'une construction humaine et non d'une anarchie constante et invariable comme c'est le cas dans le Réalisme américain.
Pour
Alexander Wendt, dans son livre
la théorie sociale en politique internationale, la nature de "l'anarchie est le fruit" des interactions sociales "entre Etats"(anarchy is what states make of it). le dilème de la sécurtié auquel les etats font face n'est donc pas en lui même une vérité absolue mais une croyance partagée.
Par exemple, la logique du Réalisme offensif américain de John Mearsheimer qui consiste à maintenir un déséquilibre des forces en faveur des USA dans toutes les régions du monde où celle-ci est menacée, se trouve être une prophétie auto réalisatrice qui mène les Etats visés, comme la chine en ce moment, à rééquilibrer leurc objectifs et budgets militaires pour faire face aux craintes auto alimentées des USA. Les "pentagonnais", à la manière de macbeth, qui pensent que la montée de la Chine sur le plan économique va être inévitablement convertie en puissance militaire doivent leur interprétation à leur propre subjectivité plus qu'à une véritable intention manifeste de la Chine. Néanmoins, Il en résulte que la relation causale d'une possible guerre mondiale opposant la chine et les USA serait le fait d'une incompréhension mutuelle basée sur une même interprétations erronée des intentions d’autrui.
Dans le cas de la démarche des sorcières de Shakespeare, le fait de volontairement provoquer une telle incompréhension aurait pour but de diviser les deux puissances et de réduire leur capacités à coopérer. Mais cela ne reste que conjecture. La confrontation entre USA et Chine générée par le paradigme Réaliste serait le résultat d'une construction inter-subjective induite, reste une question ambiguë. Néanmoins, pour constater la théorie sociale en politique internationale, tournons-nous du côté du paradigme plus évident du choc des civilisations.
Dans leur écrit, repenser un mythe politique : le clash des civilisation en tant que prophétie auto réalisatrice, Chiara Bottici et Benoit Challand, démontrent le caractère socialement construit de la confrontation entre blocs culturels et religieux dont le point de départ n'est autre que le postulat de Samuel Huntington lui même, plus que d'une nature confrontationnelle réelle.