Les vacances de monsieur Bulot - Pamphlet - n° 2
Après quelques mois de chinoiserie médicale, on ne parlait plus du tout ni de pangolin, ni de chauve-souris, on invitait le troupeau à « aller se faire voir chez les Grecs » !
Certains, toutefois, émettaient, Oh ! très timidement, que ce virus qui virait au variant, tenez-vous bien, sortait d’un laboratoire trafiqué par des humains experts en virologie. L’on supputait, et de grands chercheurs et scientifiques dénonçaient à présent publiquement la nature artificielle d’un virus propagé après s’être échappé – intentionnellement – ou non ? - d’un laboratoire !
De quoi semer le trouble… Mais comme la prise de conscience de Bulot était timide, les Bulot encore très imprégnés des discours angoissants des sinistres et des sinistresses avec ce méchant virus, Enfer et Belzébuth !, le couple se demandaient ce qu’il allait advenir d’eux et de leurs compatriotes.
A la télé, qu’ils allumaient pour avoir une consultation médicale à distance et gratuite par les médecins plateau de télévision, les médecins les informèrent qu’enfin, le miracle tant attendu était là ! Un miracle qui allait faire des prouesses et guérir l’humanité toute entière, venait d’être mis sur le marché... Alors les Bulot priaient tous les soirs St-Pikouz de Bourg-la-Reine ! Oh ! Les Bulots ne tarissaient pas d’éloges sur ce Saint-là, non plus ! Un saint américain !
Christophe Colomb qui avait découvert l’Amérique, (car sans le grand Cristobal, le nouveau-monde n’existerait pas et des gens aussi intellizents que ces nouveaux saints n’existeraient pas non plus ) se précipitèrent sur cette sainte onction ! A la télé, ils virent une certaine Mauricette dans une Epahd, se faire oindre en direct. Ouf ! Les Bulots pouvaient respirer, ils étaient sauvés. Et il remercia en passant, l’inventeur de l’aiguille et la seringue ! Avec le même enthousiasme où il louait, en tant que cyclotouriste, la pompe à vélo et la rustine ! Les Bulots, très confiants, en parlèrent à leur fils au téléphone.
Or, le fils Bulot tenait un tout autre discours, car depuis des mois, un professeur émérite de médecine marseillais, avec de faux airs de barde celte, faisait la promotion d’un médoc vieux comme le monde, associé à un antibiotique. Selon le fils Bulot, depuis des lustres, ce médoc avait fait ses preuves pour les maladies respiratoires. Il était largement utilisé partout dans le monde. Il n’y avait donc aucune raison qu’un virus de pangolin lui échappât. Or, la ministresse de la Santé au regard célestin, avait fait classer la potion magique du druide, parmi les substances vénéneuses. Plus de médoc, nib, nada, le désert…des Tartares ! Il faudrait se contenter de crever sans médicaments aucun…
Tandis que la potion du druide marseillais était interdite par le gouvernement, un autre médoc, celui-là très spécial, efficace, était généralisé, autorisé, largement recommandé, soigné aux petits ognons, par le gouvernement ! Un médoc qui tutoyait les pierres tombales et le caveau familial ! Un médicament qui, une fois administré vous faisait voir de très près les anges, et surfer sur la mer de la tranquillité ! Un médicament qui avait la côte dans toutes les Epahd de France. Si efficace que les mouroirs se vidèrent de leurs résidents en deux coups de cuillère à pot, cela faisait autant de retraites à ne plus verser et autant de bouteilles de champagne à déboucher pour les fonds de pension de la miraculeuse Amérique de tonton Cristobal et Saint-Pikouz de Bourg-la-Reine !
Aussi, lorsque le téléphone retentit, avec, à nouveau au bout du fil, leur fils, enjoignant Maurice et Bernadette de prendre au sérieux le professeur marseillais et de ne plus écouter les balivernes racontées contre lui, Bulot hurla à son fils de ne plus le faire suer avec son professeur marseillais, Bernadette de renchérir : - Ah ! Ne parle pas de ton druide ! Nous on écoute que les gens sérieux, les médecins de la télé !
Même s’ils confondaient micros et stéthoscopes, eux, c’étaient des gens sérieux, en plus ils avaient les cheveux courts et zozotaient comme des gens bien élevés ! Des piquouses ! Oui ! Des médocs, Non !
Et Maurice raccrochait au nez du fils fort marri par ses deux neuneus de géniteurs.
Neuneus, les parents le devenaient de plus en plus. Le fils Bulot constatait de jour en jour l’état de décrépitude mentale de ses parents, et ça le rendait chagrin.
Après tout ce n’était pas si compliqué que cela de gouverner… Il suffisait de serrer les boulons, de souffler dans le haricot... médiatique, et d’exciter le troupeau, d’inventer des formules qui font mouche, comme la fameuse distancillation socillale, pour cause de pandémie, tout cela dit par un ministre au fort accent garonnais sentant l’ail et le fayot, si bien que vous aviez l’impression de bouffer du cassoulet à chacune de ses interventions. Et puis, l’on eût dit que la folie épidémique atteignait toute la population, et surtout les dirigeants. Alors, pour marquer le coup, ils appelèrent à l’interdiction des rassemblements. Vous aviez le droit de vous rassembler… Mais pas au-delà de 10 personnes !
Les Bulot en cauchemardaient. Leurs cauchemars, ils se les racontaient au petit-matin. De quoi que t’as rêvé, ma biche ?
- Et toi mon lapin ?
- De consignes sanitaires et c’était horrible !
- Et moi j’étais plongée en plein film d’épouvante !
- Moi j’ai rêvé que c’était fini les rassemblement à deux, trois, quatre, cinq ! Dix ! On se rassemblait tout seul… A un ! C’étaient les ordres du gouvernement !
Et des cauchemars à rallonge, Maurice en faisait désormais toutes les nuits et tous les matins, Bernadette y avait droit !
Mais comment faire lorsqu’on est marié ? Chacun dans son coin ? Les Bulots se rassemblaient donc à un tout seul et dînaient, lui, dans la cuisine, elle, dans la salle à manger. Par le passe-plat, les mets préparés étaient partagés en deux et bien sûr, les Bulots faisaient chambre à part. Ils se parlaient à distance. Pourtant, dans leurs rêves, ils rêvaient tous deux de partir en congé, de changer d’air. Partir seul ? Pas question ! En voiture ? Impossible ! Madame Bulot était la passagère. Rassemblement interdit à plus d’un, y compris en voiture, en train, en avion, un passager à la fois ! En side-car ? Impossible aussi, à moins de le scier en deux ! Histoire de respecter la « distancillation socillale » !
Et dans l’armée ? Pareil, lorsque l’adjudant hurlait : Rassembl’ment, les troufions rappliquaient un à la fois. Ce qui prenait des jours pour rassembler la troupe. Les civils, eux, étaient sommés de dormir seuls, de manger seuls, de s'accoupler… Seuls, et même les femmes qui accouchaient, qui allaitaient… Là, dilemme, la mère plus l’enfant cela faisaient deux, et ça posait un problème de non-respect de la loi. On séparait les deux, l’enfant seul dans son panier privé de tétée et la mère, privée de faire téter son lardon. Au bout de quelques semaines, la presse annonçait un retour de la mortalité infantile. Et que c’était un vrai mystère tous ces bébés retrouvés morts dans leurs paniers. Aussitôt la justice s’en mêlait et les prisons se remplissaient de pauvres mères éplorées accusées d’infanticide lactéal ! Pour leur défense elle clamaient, mais j’ai respecté les consignes sanitaires du rassemblement à Une !
Dans les écoles, la maîtresse se rassemblait toute seule et faisait la classe… seule ! Les élèves chez eux ! Rassemblement interdit pas plus d’un à la fois, pour les familles à enfant unique, c’était facile. Mais les autres, comment faire ? On les parquait chacun dans leur chambre, interdit de communiquer entre eux ! Le masque aussi ne répondait plus aux exigences sanitaires, c’est à peine s’il couvrait la poire de Maurice et Bernadette, alors ils décidèrent de porter une cagoule de montagnard et de grosses lunettes noires. Et toute la population de l’imiter, même en plein été !
Mais le pire, c’était pour faire les courses. Le vigile faisait rentrer un à un les clients, qui repartaient le panier garni, pendant que dehors des files de clients se formaient sur des dizaines de mètres. Alors les flics arrivaient à toutes sirènes hurlantes, la maréchaussée veillait au respect des consignes : rassemblement autorisé , un tout seul.
Dans les hôpitaux, ceux qui choppaient le Covid étaient invités à venir se faire soigner, mais pas plus d’un tout seul à la fois. Les autres, repartaient chez eux, calancher, seuls, bien entendu.
Et puis, petit à petit la population se raréfia, les rues furent désertées, les maisons silencieuses, les entreprises vides et les bâtiments administratifs le soir, s’éclairaient d’une fenêtre qui même elle ; respectait les consignes, esseulée au milieu de sa façade obscure. A travers les vitres, l’on voyait un rassemblé tout seul, devant son ordi, travailler parfois tardivement.
Et comme la solitude engendre la folie, parfois, on l’apercevait soliloquer, faire de grands gestes, se parler à lui-même, rire, pleurer, répondre au téléphone, gémir, boire un verre d’eau etc... Il se rassemblait. A l’étage au-dessus, une autre fenêtre s’éclairait : la femme de ménage venait avec son matériel vider l’unique poubelle de l’unique employé, balayer et repartir, seule, comme elle était venue, reprendre le métro, où les rames désertes continuaient à circuler fonçant droit sous terre, faisant trembler le sol. A travers l’intérieur des rames éclairées, des rassemblés tous seuls se tenaient à la barre de métal, masqué, l’air abruti, absent : un par rame !
Cela faisait bien deux mois que la population se rassemblait toute seule, mais aux dires de la presse, la pandémie continuait à faire des ravages. C’est drôle ce que la presse pouvait inventer de termes fleuris pour parler au bon peuple, du moment que ce dernier ouvrait ses esgourdes et ne posait surtout pas trop de questions.
Le problème des vacances de monsieur Bulot n’était pour autant pas réglé. Il y pensait de plus en plus à son séjour à Carcassonne et de ses ballades en side-car le long de la mer qu’on voit chanter le long des sables clairs, de ses vaguelettes pour faire trempette et plongette avec palmes et tuba ! Alors monsieur Bulot eut une idée de génie…
Il prit une grande scie et coupa en deux le side-car, d’un côté la moto qu’il enfourcherait et de l’autre le side-car où s’installerait itou madame Bulot… Mais il y avait un problème et pas des moindres. Comment faire avancer l’habitacle détaché de la moto ? Plusieurs solutions s’offraient à Bulot : installer des petites roues sous le side car et l’accrocher à l’arrière de la moto, deuxième option : installer un moteur pour le faire avancer ? Autant acheter une deuxième moto pour que sa bergère puisse la conduire. Mais sa bergère ne savait pas conduire de moto, n’avait pas le permis. Quoi faire ? Monsieur et madame Bulot après des heures de réflexion en vinrent à l’idée géniale de percer le fond du side-car de deux trous pour que Bernadette pût y passer ses deux quilles…. Elle n’aurait plus qu’à courir à côté ou derrière la moto, en respectant la distanciallation socillale, (avé l’accent ), monsieur Bulot irait à vitesse très réduite. De temps à autres, ils s’arrêteraient au bord du chemin et se reposeraient. Chacun éloigné de l’autre, d’au moins deux ou quatre mètres chacun… Et mangeraient ensemble… Tous seuls ! Ils rependraient la route, Maurice devant et Bernadette derrière, courant de ses deux petites gambettes musclées sur la route départementale, le soir tomberait vite à courir des kilomètres derrière une moto roulant au ralenti, si bien que l’on camperait à la belle étoile, dans l’herbe verte comme des vaches dans le pré.
Maurice Bulot se réveilla au milieu de son cauchemar, le nième, les cheveux hirsutes, trempé, en sueur. Bernadette inquiète lui fit savoir qu’il avait beaucoup crié cette nuit ! Il se prit la tension avec le tensiomètre ! 20 !
- Ca ne peut plus durer ! Je crois qu’en haut ils nous prennent vraiment pour des jambons !
- Tu crois mon lapin ?
- Oh ! Que oui ma biche ! ça fait un moment que j’ai bien compris leurs manigances !
Et puis un beau matin, vint à Bulot une de ces bouffées salvatrices qui font que tout d’un coup, la calebasse se met à tourner plus vite qu’un gyrophare et brusquement, la lumière fut !
Il balança aux ordures son masque, ses peurs du virus, des voisins, de sa femme, de ses enfants, de ses petits enfants, se précipita dans le salon attrapa à pleins bras la télévision et la jeta aux encombrants. Ensuite, il ouvrit grands les volets de la chambre conjugale, fit rentrer l’air qu’il respira à pleines bouffées, sortit sa femme du lit, et clama :
- Allez, ma biche ! Prépare-toi on part en vacances !
- Moi ? Nous deux ? Mais à la télé, ils ont dit…
- A la télé ? Je les emmerde ! Je les emmerde tous ! Il n’y a plus de télé ! Il n’y aura plus jamais de télé !
En un tour de main, bagages, Side car et tout le toutim furent prêts. Sur le parcours, les oiseaux gazouillaient, le véhicule roulait à vitesse réduite et cheveux au vent Bernadette dans son habitacle, chantait. Sa crécelle était si inspirante que Bulot repéra une petite clairière où ils pique-niquèrent. La salade de thon et de tomates avalée, les pommes dégustées, le demi de picrate bu, ils se dirent qu’ils feraient bien une petite sieste et là… A l’ombre des ramures, ils rattrapèrent le temps perdu...
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