« Les valeurs humanistes » de Microsoft ?
Ah les deux faisaient la paire, lors de la cérémonie d'accrochage de médaille : deux gros balourds ensemble, deux lourdauds à se congratuler mutuellement. Encore un peu, et le second aurait refait sa prestation scénique restée dans toutes les mémoires (1), pour saluer ce geste présidentiel surprise. Ballmer, l'obscène Ballmer (2), le grotesque Ballmer (3), recevant de Nicolas Sarkozy la légion d'honneur, il a de quoi fulminer en effet. Les deux ont des points communs, à coup sûr, notamment l'hypersudation (4) et un évident mauvais goût pour s'habiller. Ils emploient aussi même langage limité, réduit à des expression répétitives (comme "developers" (5) à la place de "remettre la poussière sous le tapis"(6)). La même façon de ressortir vingt après les mêmes idées éculées, avec la même vaine énergie guignolesque (7). Du RPR à L'UMP, c'est comme de Windows 3 à Vista (8) en définitive ; le produit a gonflé, mais la base est toujours aussi merdique. Mais au total, ce n'est pas cela qui m'a le plus choqué. Non, c'est la plutôt phrase prononcée par Nicolas Sarkozy pour justifier la remise de médaille à Ballmer et à Microsoft. Cette phrase vantant les "valeurs humanistes " de la firme : alors puisqu'il y a fait allusion, notre président des faits divers, et bien on va lui en servir, de l'humanisme revu et corrigé par Bill Gates et son VRP en chef d'un quintal !
Microsoft remercié pour son côté "humanitaire" ? Parlons en ! Il y en a un surtout, qui peut en parler de ce soi-disant aspect. C'est le responsable de la société Mandrake, devenu depuis Mandriva. L'histoire qu'il 'est venu raconter en novembre 2007, dans une lettre ouverte à Steve Ballmer (pas piquée des hannetons !), en disait long sur les pratiques de l'entreprise. Bien éloignées du but de faire le bonheur des gens, en l'occurrence ici celle des petits écoliers du Nigéria. A l'époque où ici Céphale était venu nous parler du formidable projet OLPC, Intel avait pris le train en marche, et proposé une petite machine baptisée Classmate, déclinée en quelques modèles. Le gouvernement nigérian, séduit, en avait commandé 17 000 exemplaires pour ses 200 écoles différentes. L'appareil avait la bonne idée d'être livré sans système d'exploitation, et l'offre qu'avait faite François Bancilhon, le PDG de Mandriva, avait convenu par son coût peu élevé et sa facilité d'utilisation. Linux, et ses dérivés, était en passe de devenir un système d'exploitation pour les petits portables, qui deviendront quelque temps après les premiers EEPC. Le premier de la liste étant sorti par Asus le 16 octobre 2007. Mandriva, aujourd'hui encore, propose toujours son très bon système aux scolaires, en particulier avec sa gestion de parc informatique, qui en est aujourd'hui à la version Mandriva Pulse 2 version 1.3.0 sortie le 14 janvier dernier. Et également son OS de base, en GNOME 2.30 ou en KDE 4.4.3 a de la geule, tout simplement ! Pour les petits EEPC, en tout cas, en un an et demi c'était plié, et par Microsoft : en 2008, au supermarché du coin, il ne restait déjà plus que deux engins sous Mandriva mini, dont le moins cher, le Hercules eCafe vendu 139 euros (soldé !)... tous les autres étaient passés sous XP ! Alors qu'.... autre chose était possible ! Mais que Microsoft avait laminé !
Ce que racontait alors François Bancilhon dans sa lettre ouverte était tout simplement effrayant : alors qu'il avait remporté l'offre, son logiciel système, pourtant dûment acheté, ne sera au final jamais installé. Pour des raisons propres à la conquête d'un marché que la firme de Bill Gates ne voulait absolument pas lui voir lui passer sous le nez. Car ce qu'avait signé Mandriva avec TSC (Technology Support Center ), le groupe qui avait négocié au nom de l'Education Nationale nigériane débouchait sur de plus grandes ambitions, notait GNT " TSC est le premier distributeur de Classmate PC dans l'Afrique de l'Ouest. On s'attend éventuellement à ce que 100 000 Intel Classmate soient délivrés dans les mois à venir" écrivait le site. En fait, c'est Intel qui avait défini au départ les règles du jeu pour l'équipement de ses Classmates, en préconisant l'usage de trois systèmes d'exploitation : deux Linux, ceux de Mandriva et de Metasys, mais aussi Windows XP Pro. Ce dernier paraissant surdimensionné d'emblée. Mais là où la firme responsable du déploiement, en pleine arrivée des premiers matériels, avouera s'être fait promettre 400 000 dollars si elle réussissait à faire revenir le ministère nigérian sur la décision de mettre Mandriva à bord pour le remplacer par XP... tout était bon pour faire barrage à l'extension de Linux en Afrique !
Et c'est ce qui fut fait, dans des conditions scandaleuses, Mandriva étant payé mais son logiciel remplacé par XP, dont personne n'a jamais pu savoir le coût d'installation : les appareils livrés furent donc d'abord installés avec Mandriva qui fut désinstallé pour être remplacé par XP ! Le gouvernement nigérian avait-il payé deux fois et Microsoft accordé des licences gratuites, c'était à n'y rien comprendre. Sauf, si au bout, il y avait l'argument imparable de vouloir avec tous les moyens du bord éliminer une concurrence dont s'était largement moqué Microsoft à l'apparition de Linux... (pour dire le contraire après !) et qui commençait sérieusement à entamer les nouveaux marchés émergeants auquel comme à son habitude Microsoft n'avait même pas songé à long terme ! Du dumping, ou des pratiques de mafieux, comme vous préférez, voilà les méthodes "humanitaires" développées en Afrique de l'Ouest par Microsoft ! Car économiquement, les observateurs relèvaient une chose : le Nigéria avait bien acheté deux fois le système pour mettre à bord de ses Classmate : "Ayant fait le choix de PC très économique, le Nigeria accepte ainsi de payer une licence Mandriva et une licence Microsoft pour chaque machine, soit 34 000 licences. Une aberration qui aurait valu un zéro pointé en TD de n’importe quelle école de commerce" notait Référencement-internet en n'hésitant pas à titrer "Microsoft vole un contrat à Mandriva Linux sur le marché du Nigeria". Notre matamore des faits divers, là, sait-il qu'il a remis la légion d'honneur à une entreprise qui a grugé une petite entreprise française qui a fait péniblement sa place auprès des plus grandes ? Le magicien Sarkozy sait-il que l'homme sur qui il a épinglé la légion d'honneur a failli tuer... Mandrake(soft) ? Une firme d'origine française ?
Non bien sûr : superficiel il est, superficiel il restera. Une firme qui a réussi à vendre il y a deux mois à peine encore là ou Dassault s'arrache toujours la tête : le 6 décembre 2010, Mandriva signait en effet un contrat avec le Brésil : "L'autorité du gouvernement brésilien de l'éducation a choisi les PC Intel-powered classmate sous Mandriva Linux pour un usage éducatif national. Mandriva travaille avec le fabricant de matériel et partenaire Positivo, pour proposer cette solution Open Source qui aidera les enseignants à améliorer l'éducation des élèves. Ce sera l'un des plus importants déploiement Linux au monde avec un potentiel de 1,5 millions d'unités, et confirme Linux comme le meilleur système rapport coût-efficacité pour PC. Le matériel, le système d'exploitation et le logiciel sont destinés à avoir un coût par élève environ de 200 $ US". Moins de 200 dollars (moins de 135 euros !) par tête de pipe.. alors que l'Education Nationale française continue à s'évertuer à se fournir chez... Microsoft de façon prioritaire ! Et alors qu'une simple clé USB Mandriva permet de bosser partout sous Linux, pour moins de 50 euros ! Il faut en avoir, du bagout pour refourguer de vieux XP en les présentant comme le système d'avenir des mini-portables !
Du bagout, il en a : Ballmer vend des systèmes comme des savonnettes, en répétant les mêmes sornettes, pour finir, à bout d'argument (comment voulez vous vendre autrement cet épluche-légumes qu'est Windows ?), à part les "on est toujours premiers sur tous les marchés", et "si on ne l'est pas, on bosse pour ça, tout le temps, tout le temps"... des propos martelés, qui n'on pas l'air de séduire ces proches auditeurs : la dame qui ne peut retenir un sourire devant de tels mensonges doit certainement se souvenir des aventures de Zune, l'i-Pod de Microsoft, qui n'a jamais décollé et ne décollera jamais, même au bout de quatre générations et plusieurs campagnes de publicité coûteuses. Logé à 2% du marché en 2009, l'engin est mort. Lassés, les revendeurs ont fini par trouver un usage aux stands en carton de Microsoft censés présenter l'engin : en les remplissant d'I-Pods d'Apple. L'image d'une gabegie sans nom et des prétentions habituelles de Microsoft à vouloir à tout prix prendre la place des véritables innovants. Ballmer a beau remuer sur scène comme Sarkozy en politique, ce ne sont pas eux qui feront changer les mentalités. Les utilisateurs de Vista, écœurés par un système qui marchait moins bien que le précédent, et qu'ils avaient payé plus cher, en avaient été réduits à faire des tutoriaux entre eux pour expliquer comment retirer ce chaos pour réinstaller l'ancien : une première, en informatique.
Une galère, comme d'habitude, réservées aux champions de la customisation : Microsoft n'a réussi qu'une chose en un peu moins de trente ans : transformer tous les utilisateurs en ingénieurs informaticiens (et les rendre paranos avec leurs virus à la noix qu'ils doivent trier eux-mêmes !). Microsoft a aussi réussi à inventer le "downgrading" avec Vista ! Chez eux, rien n'a jamais été fait selon les standards, il est vrai... Sarkozy, lui, a "downsizé" la vie politique : avant, le chef de l'état s'occupait d'autre chose que de la rubrique des chiens écrasés ou des faits d'hiver dans les journaux. Sarkozy, qui n'a de cesse de gonfler le torse, c'est bien le Vista de la politique : dans moins de deux ans, on réinstallera à sa place un autre système, moins gourmand en énergie et qui n'améliorait rien, sinon apportait des problèmes supplémentaires, en espérant que ce ne soit pas signé de la même firme cette fois... et que le système soit neuf, ou allégé (sans éléphants, disons, pour simplifier).
Sur le site actuel de Microsoft, on trouve toujours des traces des conditions "privilégiées" de cet accord passé entre la firme de Redmond et le ministère de l'Education français. "Grâce à l'accord cadre visant au développement de l'usage des TIC signé entre le Ministère de l'Education nationale et Microsoft France le 18 décembre 2003, de nouvelles possibilités s'offrent aux établissements du premier et du second degré classés en Zones d'Education Prioritaires (ZEP). Ce dispositif intègre les éléments suivants : "La location de la suite bureautique Microsoft Office 2007 Professionnel pour un prix moyen estimé de 3,60 euros TTC par an et par poste" et/ou "La licence de mise à jour vers Windows Vista gratuite". On remarquera la mise à jour à 8 années près...pour les "nouvelles possibilités" (sic). Vous imaginez le cadeau de Ballmer fait aux enseignants ; la GRATUITE vers un système qui devra être remplacé par son prédécesseur, si on veut que l'ordinateur tourne... ou l'achat d'une version de Windows 7... à un tarif "préférentiel" Aujourd'hui, le tarif "étudiant" de la suite Office en mise à niveau (et non en achat) est déjà à 69 euros, plus les 85,99 pour mettre le système à jour.... vous parlez d'un cadeau !
Le projet nigérian de Mandriva était formidable, il a été FLINGUE par Microsoft qui est venu y mettre son XP à la place d’une distribution Open Source en Linux. Des gouvernants ignares se sont laissés emberlificoter par Bill Gates (ou carrément par des cadeaux personnels de Microsoft !) pour ne pas les équiper de Linux : c’est un des plus gros scandales de cette planète, qui se fait dans le dos du public !!!! L’histoire de la distribution Mandriva au Nigeria est exceptionnelle dans ce sens : c'est un SCANDALE véritable et une honte complète !!! Une honte, qui vaut pourtant aujourd'hui au responsable d'être décoré de la légion d'honneur pour "humanisme".
Aujourd'hui, un président de république devenue bananière décore un mafieux ; tout est normal, donc, dans le pire des mondes ! Remarquez, ce n'est pas la première fois qu'un dirigeant français ne pige rien à l'évolution informatique, comme j'avais ici même pu déjà l'écrire en 2007. Il en est où le projet Darcos, au fait ? Aujourd'hui, déjà, la tablette Apple a tout balayé. Et encore une fois, ce gros Ballmer n'a rien vu venir. Steve Jobs n'en a plus pour longtemps à vivre, clame déjà la rumeur : Mitterrand l'avait snobé, ce n'est certainement pas Nicolas Sarkozy qui va reconnaître en lui le seul ayant fait bouger les choses depuis maintenant 27 ans... en adaptant à sa façon les thèses d'un véritable génie appelé Douglas Engelbart ! Bill Gates et Steve Jobs visiteront ensemble le parc Xerox de Palo Alto d'Engelbart. A leur sortie, Bill Gates retournera fignoler MS-DOS, largement copié de QDOS : dedans, pas d'interface et encore moins de souris. Jobs se penchera sur Lisa, la mère du premier Macintosh, qui sort d'emblée avec des disquettes 3,5 pouces, une interface graphique et une souris, et quelque temps après avec un port SCSI. IBM, qui a fait confiance à Bill Gates est déjà largué au bout de deux années de sortie de sa machine. La première publicité pour lancer le Mac s'attaque bille en tête à une façon déjà archaïque (et Orwellienne !) de faire de l'informatique. Jobs a démocratisé les idées d'Engelbart. Dans la salle du clip, bizarrement, ils ressemblaient tous à des Ballmer, en plus jeune...
(1) http://www.youtube.com/watch?v=wvsb...
(2) http://cache.gizmodo.com/assets/res...
(3) http://www.numerama.com/media/attac...
(4) http://www.sonydefenseforce.com/wp-...
(5) http://www.youtube.com/watch?v=8To-...
(6) http://www.economieetsociete.com/Ca...
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