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Les wilsoniens bottés sont en slips

Les présidents pour rire des États-Unis, de France et première ministre du Royaume-Uni cherchent à étendre les blagues du 1er avril à l’ensemble du mois. Après Skripal voici Douma. Cette fois-ci la salve de missiles-gaudriole-médiatique n’a fort heureusement tuée aucun innocent comme l’année dernière sur Al-Chaayrate. Il est fort probable, comme le déclarent les autorités russes et syriennes, que ces attaques visaient à perturber et devancer l’enquête de l’OIAC sur les opportunes allégations d’attaques au chlore du « régime de Bachar el-Assad » de la part des médias occidentaux.

 

Les tentatives des très idéalistes « wilsoniens bottés » d’imposer leur réalité virtuelle tournent de plus en plus à la farce. Moscou, à la manœuvre dans la guérilla contre-médiatique, ne s’y est pas trompée quand elle déclare que ce sont les médias qui sont responsables de l’attaque. Les organes de propagande russes sont rapidement parvenus à démystifier la supercherie en allant interviewer des témoins présents lors du tournage de la vidéo attentatoire de ces fameux casques blancs, mi-informateurs mi-djihadistes à la botte des bottés.

Ce rocambolesque épisode démontre, si besoin était, les importantes carences de fonctionnement de l’ONU. La Russie, opposée au renouvellement du mécanisme conjoint d’enquête ONU-OAIC qui s’était, selon elle, discréditée lors de l’enquête sur Khan Cheikhoun, proposa une autre résolution au Conseil de sécurité quant à l’établissement d’un organe d’enquête dédié.

Au passage on notera qu’aucune minute ou compte rendu des réunions du Conseil de sécurité n’est publiquement accessible au-delà de 2015. Et encore moins les documents présentant les propositions des diverses résolutions qui permettraient à tout un chacun, s’il le souhaite, de se forger sa propre opinion. De sorte que l’on doive passer par le filtre des organes de propagande officiels des uns et des autres avec tous les petits arrangements avec les faits que cela peut comporter.

La divergence portait sur le souhait des Américains de donner la décision finale à l’organisme d’enquête alors que les Russes souhaitaient que cette décision appartinsse, en dernier ressort, au Conseil de sécurité sur la base du rapport d’enquête. Bien évidemment, tout dépendra ici des critères de sélection des enquêteurs et de leur capacité à rester impartial tout au long de l’enquête. Ce d’autant plus qu’il y est question de guerre ou de paix et, qui plus est, entre les deux plus importants arsenaux nucléaires de la planète. Il apparaît alors au minimum irresponsable de vouloir laisser la décision finale à une simple délibération technique en évacuant le politique du champ décisionnel. Attitude malheureusement usuelle du politicien dit libéral qui constitue encore la majorité du genre et qui a pris l’habitude de se défausser sur la toute puissance du marché.

 

On observera aussi que la Chine s’est abstenue de soutenir la résolution russe. Ce qui est assez mal payé, même si elle présente des déclarations favorables à la Russie une fois la crise missilière passée. Car si la Russie travaille pour sa propre influence au Moyen-Orient, elle travaille aussi indirectement à la grandeur économique de la Chine et de ses nouvelles routes de la soie. Puissance économique à la base de toute domination en régime d’accumulation capitaliste, faudrait-il le rappeler.

D’un point de vue géostratégique cette situation semble irréelle ou les deux champions du XXième siècle rejouent un simulacre de guerre froide 2.0, sans même plus aucune opposition idéologique, pendant que le surpuissant dragon étire lentement ses anneaux, fussent-ils de perles. Non que je sois animée d’une quelconque animosité envers la Chine. Car après tout, on pourrait espérer que sa domination, de part la tempérance reconnue de ses mœurs confucéennes, ou ren, soit plus bienveillante que l’hybris frénétique occidentale ; mais il s’agit simplement de pointer ce qui apparaît comme une erreur stratégique monumentale de l’Occident américaniste. On ne pourrait reprocher, non plus, à la direction chinoise d’avoir adopter le système économique matérialiste destructeur de l’Occident. Car, pour pouvoir concurrencer militairement et technologiquement l’Occident – et ainsi échapper à sa domination -, elle était obligée de développer sa base industrielle et économique. Ce faisant, elle s’est occidentalisée en s’éloignant des trois piliers que l’on attribue généralement à la tradition philosophique chinoise – taoïsme, bouddhisme et confucianisme – qui pouvaient encore, il y a peu, la caractériser. Je fais surtout allusion ici à cette volonté de faire correspondre l’organisation de la société à la définition d’un ordre cosmique ou naturel perçu. Ce qui est à l’opposé de l’anti-cosmogonie occidentale qui cherche à abstraire les hommes et leurs sociétés de la nature ou du cosmos.

Il est fort probable qu’une fois l’économie et la quincaillerie militaire américaine dépassée, la Chine hérite d’une planète écologiquement dévastée dont les aménités qui nourrissent pourtant ce système économique destructeur se fassent de plus en plus rares. Et rien n’indique à ce jour qu’elle puisse revenir ou offrir un système d’être au monde plus vertueux.

 

Quant à savoir ce que fait la France morgenthisée – impuissantée diraient certains – dans cette galère moyen-orientale, il n’y a malheureusement pas grand chose à en dire de plus que ce qui a été dit ici ou là. Si ce n’est que l’insistance russe sur le respect du droit international doit apparaître très étrange à ces pourtant très idéalistes élites qui nous gouvernent. Comme évoqué dans un article précédent, l’intermédiation démocratique du rapport de forces entre les différentes classes sociales perd de sa validité à partir du moment ou de moins en moins des produits consommés par cette société ne sont produits par les hommes qui la composent. Foulant aux pieds depuis de nombreuses années, au moins moralement depuis 2005, son droit constitutionnel – ce peuple constitué ou au moins jadis représenté -, il n’est pas étonnant que la France fasse si peu de cas du droit international. De toute façon, on pourra bientôt aller faire des bisous sur les fesses de Montesquieu au musée Grévin, tout en selfie, alors le droit international …

De même qu’il apparaît aujourd’hui très illusoire que ces trop idéalistes élites soient capables, comme l’a par exemple récemment montrée l’Amérique de Trump avec la Chine, de rééquilibrer des relations commerciales par trop inégales de par son enchaînement à la très germanisée administrature européenne.

 

Dans un certain sens on pourrait dire que la France est à l’avant-garde de la déconstruction postmoderne. Cet avènement du néant avant même l’heure de la mort. Mais qu’il est triste de voir une nation se suicider pour des chimères, qui plus est quand c’est la sienne.

 

Chansonnette : Avanie et framboise, Boby Lapointe.

Image : Woodrow Wilson, vingt-huitième président des États-Unis.

https://commentairesengoguette.wordpress.com/


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2 réactions à cet article    


  • sls0 sls0 21 avril 2018 16:27

    La Chine était appelée l’empire du milieu.

    Le milieu, il y a la Chine et l’extérieure.
    La Chine s’occupe de la Chine en premier.
    Il ne sont pas trop expansionnistes, ils font des échanges avec l’EXTERIEUR.
    A travers les siècles ils ont souvent été gagnant en se référend à Sun Tzu, il est bon de le lire ou relire pour comprendre.
    Je ne dit pas que Sun Tzu c’est la panacée mais c’est pas mal et étudié par pas mal d’écoles militaires.
    Trump et Macron n’ont certainement pas lu Sun Tzu, la finesse de Poutine me fait penser qu’il connait ce qui lui permet de mieux comprendre les chinois et parler un language reconnu.
    Parler d’expansionnisme d’un pays de 150 millions d’habitants ça fait sourire, c’est le nombre de russe.
    A coté de la Russie c’est la Chine qui heureusement n’est pas trop expansionniste. Il est obligatoire pour Russie d’avoir de bonnes relations avec la Chine et partager les ressources convoitables de la Sibérie.

    L’occident convoite aussi les ressources russes, ils veulent employer le libéralisme et mondialisme comme outils, ce qui a fonctionné dans les années 90.
    La Chine le jour qu’ils veulent les ressources russes, ils ont le nombre avec eux, une simple émigration en millions suffit*.
    Mais des échanges c’est plus simple et pacifique et ça permet à l’empire du milieu de rester l’empire du milieu.

    *Il y a 39 millions d’habitants en Sibérie, 3,5 habitants au kilomètre carré.

    • JP94 21 avril 2018 23:10

      Oui, très bien, mais étant abonné à la newsletter du Guardian ,soi-disant à gauche et indépendant (il réclame un soutien de ses lecteurs), tout ce que vous dites sur la réalité des faits a été totalement censuré par ce média et d’autres ( ce matin sur France Culture : émission où le journaliste déclare benoîtement que la France est allée bombarder des installations de gaz chimiques en Syrie ....


      Donc les médias persistent dans le mensonge et le fake news ...quand le pouvoir exécutif français (et aussi bien américain , anglais et même italien prévoit de sanctionner les « fake news » et de censurer les médias qui en feraient sauf que c’est exactement le contraire : seul le fake news a droit de cité.

      Toutefois , je pense qu’il fait voir au-delà des journalistes et des médias les donneurs d’ordre : imaginez un journaliste dénonçant les mensonges de Macron et son bellicisme dangereux et contraire au Droit international... cela n’est pas concevable, car les médias sont contrôlés par l’Etat ou les puissances capitalistes qui contrôlent aussi l’Etat. 
      Les médias ne sont que des outils et n’ont de pouvoir que celui octroyé par « l’Etat profond » comme diraient les Américains... le Capital, pour être explicite.

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J P Frances

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