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Lettre à Jupiter. Pour une Permaculture Nation

Vous adressant au monde, vous avez dit le 29 juin à Station F, l'incubateur géant de Start Up de Xavier Niel, en anglais, face à un smartphone :

 

« We are today in Paris, in Station F, so if you want to invent, to invest, to developp your start up, you have to come here, directly to Paris, Station F, and everything will be organize for you. With a lot of competition. With a lot of energy. And now, that's the very beginning of the initiative. So please come. »

 

Traduction :

 

« Nous sommes aujourd'hui à Paris, Station F, donc si vous voulez inventer, investir, et développer votre start up, vous devez venir ici, directement à Paris, Station F, et tout sera organisé pour vous. Avec beaucoup de compétition. Avec beaucoup d'énergie. Et maintenant, c'est le tout début de l'initiative. Donc s'il vous plait, venez. »

 

Dans le même temps, Bruno Le Maire, votre ministre de l'économie, dessinait une France disruptive et innovante devant « The economic club of New York ».

 

Mais pourquoi ne proposeriez-vous pas en même temps, de faire de la France une Permaculture Nation ?

Néonicotinoides, perturbateurs endocriniens, pesticides n'appartiennent-ils pas au vieux monde ? Vouloir les conserver, les prolonger, n'est-ce pas là un honteux conservatisme ?

 

Pourtant, Stéphane Travert, votre ministre de l'agriculture, a fait savoir qu'il souhaitait revenir sur l'interdiction totale des néonicotinoïdes en 2020. Il a présenté deux motifs : l'un juridique, la non conformité de la loi française avec le droit européen ; l'autre « technique », estimant que les produits interdits sont pour l'heure irremplaçables. Quelques juristes et agronomes lui ont répondu. La précipitation et l'assurance avec laquelle il a pris position interroge, d'autant que rien n'indique dans son curriculum un intérêt ni pour la terre ni pour la santé. Cette précipitation laisse à penser que le gouvernement n'est pas insensible aux arguments de l'industrie de la chimie.

 

Il est vrai que ce dernier secteur pèse. La France étant une puissance exportatrice de médicaments et… de pesticides. Les amoureux des Droits de l'Homme comme ceux de la stricte légalité espèrent néamoins la fin des exportations d'atrazine, sous votre mandat. Ce pesticide interdit d'utilisation sur le territoire national, continue d'être exporté vers les pays pauvres. Cela constitue d'après l'association suisse Public Eye une violation de la Convention de Bamako, qui interdit l'exportation de produits jugés dangereux dans le pays de production, et dont la France est signataire. 200 000 personnes chaque année, dont 99 % vivent dans les pays en développement, sont tués par les pesticides1.

 

En plus d'être dangereux, les pesticides sont couteux pour l'économie : 340 milliards de dollars par an pour les Etats-Unis d'après une étude parue l'an passée dans la revue médicale britannique « Lancet Diabetes & Endocrinology » ! Soit 2,33 % du PIB des Etats-Unis2 ! Voilà des points de croissance facile à engranger !

 

Ensuite, une politique de développement de l'agro-écologie permettrait de créer un nombre conséquent d'emploi. En effet, une ferme biologique emploie en moyenne 2,40 personnes équivalent temps plein contre 1,52 en conventionnel3.

 

La production agricole biologique est un mouvement de fond qu'il faut accompagner.

Entre 2012 et 2016, la filière bio a gagné 32 500 emplois. Aujourd’hui, elle représente 118 000 emplois directs à temps plein. Et la croissance s'accélère. En 2016, le secteur du bio a augmenté de 11 % en seulement un an ! Actuellement, les cultures bio occupent plus de 1,5 millions d’hectares, soit 17 % de plus par rapport à 20154.

 

 

La sociologie électorale dit de vous que vous fusse le candidat des centres-villes, des hipsters et des retraités aisés. En même temps, vous vous êtes posé face à Trump en défenseur de la planète, au nom de l'éthique et des générations futures. Mais on ne vous entend jamais parler de circuits courts, pourtant incontournables pour réduire les émissions de carbone.

 

Ne seriez-vous pas tout à fait convaincu de la nécessité de changer de modèle économique ? Il est vrai que pour la Start Up Nation, il suffit de copier les modèles israéliens ou californiens, tandis qu'l n'y a pas encore de Permaculture Nation… sauf peut-être Cuba.

 

Suite à l'effondrement du bloc soviétique, ce pays a dû se passer brutalement d'intrants chimiques, de pétrole et de machines agricoles. L’État a pris en main la transition écologique par une planification sévère. Résultat : la production de légumes a augmenté de 146 % entre 1988 et 2007 et la majorité des produits cubains sont biologiques5.

 

On peut imaginer, dans un contexte moins difficile, une transition écologique par le bas, disons même libérale, grâce à une main verte invisible. Internet, déjà, démultiplie la force persuasive des initiatives locales, et favorise l'enrichissement interactif des connaissances. L’État n'est donc pas forcé de mettre en place des plans quinquennaux de la permaculture pour aider le mouvement. Il peut accomplir son rôle de catalyseur, par des encouragements fiscaux, en facilitant l'accès à la terre et au crédit, mais aussi en veillant sur les labels d'agriculture écologique et en luttant contre les privilèges de la grande distribution.

 

Sur ce point, nous espérons que les rumeurs de remise en cause du label AB par l'Union Européenne sont des fausses nouvelles. Comment pourriez-vous ensuite encore parler « d'Europe qui protège » ?

 

L’État peut faire une dernière chose, peut-être la plus importante. Le discours est le préalable de toute action, et la communication au XXIe siècle tend à se confondre avec la politique. Il faut que vous, Jupiter, jeune président et frais comme un gardon, vous commenciez par parler, avec enthousiasme si possible, de permaculture. Que vous vulgarisiez, en les intégrant dans votre pensée complexe, ce vocable, pour rendre les bottes aussi cool que la cravate.

 

Le pendant incontournable de ce tournant, c'est une nouvelle politique d'instruction. Il faut faire savoir aux enfants que demain ils auront le choix entre travailler dans un incubateur et vivre au grand air. Pour cela, on pourrait ajouter dans les programmes scolaires la pratique de terrain à la théorie du développement durable. Les élèves du secondaire pourraient se voir visiter des fermes bio, éco-villages, fermes urbaines, et en même temps, des start up et des sièges sociaux. Cela se fait déjà. Pas assez, car force est de constater que pour beaucoup d'adolescents, l'horizon professionnel souhaitable se passe dans les bureaux. C'est là le prof d'histoire-géographie (démissionnaire) qui parle. Impulser ce changement serait une chouette évolution. Que dis-je, une Révolution ! Du titre de votre ouvrage...

 

Des jeunes, certes souvent un peu moins jeunes que ceux des écoles secondaires, mais déjà réticents au salariat comme au fonctionnariat, sont là, prêts à travailler utilement. Ils pensent parfois que les développeurs d'application mobile inutiles sont eux-mêmes assez inutiles. Ces pionniers néoruraux et autres agriculteurs des villes veulent relever le défi de mieux soigner la terre pour avoir moins à se soigner. Ils aiment à se rappeler la maxime d'Hippocrate « Que ton aliment soit ton seul médicament ».

Encourager ce mouvement résorberait les « fractures territoriales » que vous avez annoncé vouloir combattre, à Rennes, le 1er juillet, lors de l'inauguration de la Ligne Grande Vitesse. On ne peut que vous féliciter de vouloir ainsi devenir le président de tous les Français.

 

Monsieur le Président, vous souhaitez faire de la France une Start Up Nation. Pourquoi pas. Mais pourquoi pas aussi faire de la France toute entière un jardin d'initiatives mellifères. Une terre où l'on peut respirer sans crainte, et déguster les produits de son sol sans inquiétude.

 

Puisse le Jupiter en vous « make our country green again ».

 

 

1 : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/la-france-exporte-un-pesticide-interdit-sur-son-sol-vers-des-pays-en-developpement_113493

 

2 : https://reporterre.net/Les-perturbateurs-endocriniens-coutent-340-milliards-de-dollars-par-an-aux

 

3 : recensement agricole de 2010

 

4 : http://www.sudouest.fr/2017/05/20/en-france-le-boom-du-bio-fait-decoller-l-emploi-et-la-consommation-3480061-4720.php

 

5 : Rosset et Al, 2011

http://www.youscribe.com/BookReader/Index/2477272?documentId=2454328

 


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3 réactions à cet article    


  • Sozenz 13 juillet 2017 11:11

    bon , macron va donner des fonds pour l initiative et l inovation . ça va faire comme pour les tunes qui ont ete données aux entreprises pour les embauches . les tunes vont aller aux potos et rien ne sera vraiment fait .
     on debloque ainsi des credits . on augmente la dette . et les tunes restent dans les memes paniers sans que des choses valables pour l ensemble ou les petits soient débloqués

    Voilà , vous avez compris le principe ? c est enfin clair  ?
    cela s appelle de la desillusion . ça permet de mieux avancer et de savoir comment voter ( ou s abstenir ) réagir , faute parfois de pouvoir vraiment agir .

    sachez que je suis profondément désolée de cette P de situation et désolée est un bien moindre mot .
    regroupez vous si vous le pouvez . .
     


    • baldis30 13 juillet 2017 12:55

      @Sozenz
      bonjour,

      donner de l’argent pour construire des éoliennes exactement comme on a donné de l’argent italien et européen à la mafia pour installer des éoliennes en Calabre...

      ben voyons pourquoi pas .....


    • foufouille foufouille 13 juillet 2017 13:23

      si tu tiens a crever de faim ............................

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