Lettre à Miossec : « Paix en ton âme »
"Poète du bout du monde, tu n'es pas de la race des matelots attirés par les sirènes. Toutefois pas celles qui sonnent le branle-bas de combat. Malgré tout, le goût du loin hante ton esprit embué par le rêve d'être sur la place publique. Etre "quelqu'un", passé de l'ombre de la modestie à la lumière artificielle. Enfant de l'Iroise, la musique est ton violon d'Ingres. Il t'empêche d'ailleurs de cancaner dans les canards du coin. Décidé à affronter les embruns et les remous du monde de la musique, tu ne te décourageras jamais.
A Brest, à la fin d'une nuit d'ivresse, dépourvu de tout. Tu jettes ta dernière « bouteille à la mer » du pont de Recouvrance. Elle conduit ton destin vers de nouveaux horizons et transforme tes rêves. Désormais, à la une du journal de Brest, le « Printemps noir » laisse la place à un été plein d'espoir. Ce jour, sous le Tonnerre de Brest, tu as fui vers les trompettes de la renommée. Elles ont sonné le glas de ta vie monotone et ténébreuse.
Pour toi commence un nouveau combat, celui de ta réputation. Tu tournes en rond dans le bocal pailleté des célèbres déshérités affectifs, en t'accrochant à toutes les berges parfois mêmes les plus effritées. Ton âme rebelle refuse de participer au canular des victoires, trophées des prédisposés à une « mort publique ». Rester le maître de ton destin sonne pour toi comme un refrain. Tes chansons sont des petits instants de la vie quotidienne enrobés de mélopées mélancoliques et bouleversantes. Elles sont les complaintes de la vie de tous les anonymes de ce monde. Comme une douche intime, tu pénètres les pores de toutes les petites âmes.
Certains d'entre nous peuvent te reprocher tes concerts ratés ou alcoolisés, tes textes un peu « crus » et souvent « directs », tes musiques sophistiquées ou insipides. Qu'ils le veuillent ou non, tu restes l'interprète des émotions tortueuses et angoissées du petit peuple. Tes mots se ressèment dans nos pensées et font germer des espoirs partagés.
Après avoir été glorieusement accueilli au pays du surréalisme par une étreinte éphémère, ton cœur se retourne à nouveau vers l'Ouest. Ce Finistère, cette contrée qui inspire tant ton côté sombre et désenchanté. Tu reviendras là où le soleil se couche pour te relever avec éclats. Eclairés par tes mots, les cieux bretons brillent à nouveau d'ardeur. De nos regards envoûtés par les océans, nos âmes se mêlent, se mélangent, se partagent sans jamais se toucher. En y plongeant, on aperçoit nos idées les plus noires et lorsque l'on émerge nous renaissons de tes douces chansons qui riment avec un espoir. Tout simplement.
Que de chemins parcourus ! Ton dernier album est une pure merveille, un bel hommage à tous ceux qui ont peur de crever. Tes textes sont un complot contre ce passage dans l'au-delà tant redouté. Tu conjures le sort de ne plus exister en l'affrontant. Désormais, ce moment est maintenant empreint d'une douce sérénité. Sois tranquille ! Va en paix. La vie est clémente pour les hommes au grand cœur qui parle de ceux qui l'aiment ici-bas, ici même ».
MB.
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