Lettre à tous ceux qui se disent socialistes
Ce texte s'adresse aux membres du parti socialiste, petits et grands. Il paraîtra peut-être terre à terre et injuste. J'espère toutefois qu'il aura le mérite de réveiller les consciences.
Commençons :
Parlons du pouvoir d'achat et du coût du logement qui grève le plus les budgets des ménages, et surtout des débutants dans la vie. Le logement est en crise depuis plus de 40 ans.
Pour loger les gens, la première idée serait de faire des maisons individuelles ou de très petits immeubles pas cher. Cela ralentirait la délinquance qui s'abrite dans certaines barres d'immeubles. On pense à la dernière proposition, UMP il est vrai. Maison à 100 K€ (dite maison écologique Borloo) ? Et la Fédération Française du Bâtiment, qui est intouchable, n'a pas montré un grand enthousiasme.
Par ailleurs, il existe trop de contraintes imposées par les normes de construction ; plus il y a de normes et de labels, plus c'est cher (un mythe servant à gonfler les factures). Et là, ni les banques, ni les assurances ne s'en plaignent. Le coût des constructions individuelles reste toujours très élevé pour une qualité médiocre. Aucun parti politique n'a mis cela à son programme.
Taxe sur le patrimoine immobilier (proposition UMP). Ah ! le patrimoine. Ca va rameuter les sans-culottes, pour sûr. Et les votes qui vont avec. On fait payer les riches, c'est très populaire et répond au "y a qu'à". Mais, lorsqu'on veut taxer les riches, il se remboursent autrement. Les riches propriétaires augmenteront les loyers pour tenir compte des taxes. L'Etat ne s'en plaindra pas trop, cela fait des rentrées d'argent. Et le locataire paiera.
Les loyers s'élèvent trop souvent jusqu'à 60% du revenu des ménages. Ce qu'il faudrait faire, ce n'est pas tant agir sur la fiscalité sous forme de taxes ou de subventions, mais faire en sorte que l'offre de logements soit si importante que les prix baissent. Mais, jamais en France où sévit le laisser-faire et les marchés du bon vieux renard libre on ne prendra une telle décision. Le logement reste une chasse gardée des professionnels qui veillent au grain (FFB, Fédération Française du Bâtiment, en contact étroit avec le Sénat afin de bien veiller au statu quo). Aucun parti politique n'a mis cela à son programme
Plus localement. La toute puissance des DDT (ex-DDE) qui contribuent activement à la désertification de départements tels la Nièvre et la Saône-et-Loire. J'habite dans ce dernier département et je viens d'assister à l'élaboration d'une carte communale proprement consternante. Avec des restriction sur le foncier constructible sur des critères nationaux qui ne s'appliquent pas à la spécificité de la Saône-et-Loire. Le malthusianisme bureaucratique est à l'oeuvre, avec des petits fonctionnaires aveugles et hyper-puissants qui font n'importe quoi pourvu qu'ils aient de l'avancement. Résultats : ici, le foncier de construction a triplé en 10 ans. Les agents immobiliers et les banquiers se frottent les mains. Merci l'Etat ! Mais le salarié, enchaîné à des prêts sur 20 ans (ou plus) vivra dans la crainte de tout perdre s'il bouscule le système. La propriété restera chère, car seuls les plus méritants y auront droit. Rien de tel que l'ordre cher aux petits propriétaires pour pérenniser ce qui est. Les sénateurs sourient de plaisir, qui puisent leurs mandats dans le grand nombre des petites communes... Aucun parti politique n'a mis cela à son programme
Pouvoir d'achat ? pour augmenter le pouvoir d'achat, il faudrait peut-être penser à faire baisser les frais fixes des ménages (c'est de l'économie d'entreprise de base, mais pas pour les ménages, pensez-donc !). ET cela en dérangerait trop, à commencer par les propriétaires, les banques (plus la construction est chère, plus on gagne, surtout avec des prêts à 30 ans !), les assurances (idem), les agents immobiliers (pareillement), et sans doute bien d'autres, dont l'Etat qui prélève allègrement ses 19,6% sut tout ce qui bouge, quoiqu'il arrive. Et l'immense influence discrète de tous ces gens-là. Adieu pouvoir d'achat par réduction des coûts. Il faudra se rabattre sur les importations des produits de consommation bon marché. Les conséquences ? On s'en fout ! On travaille dans le court-terme. A 14 mois des élections, c'est trop compliqué. Les partis politiques mettront cela à leur programme... plus tard.
On a importé du pouvoir d'achat en gommant les frontières commerciales (merci la WTO World Trade Organisation ou OMC) pour le plus grand bien des intermédiaires du commerce dont les marges explosent. En mettant à la disposition du public des produits à bas coût, le pouvoir d'achat augmente, et ainsi la pression salariale diminue, ou stagne. La France importe des produits à bas coûts en échange de l'espoir de vendre des produits à forte valeur ajoutée aux pays en développement. On fait d'une pierre deux coups, on vend des produits chers, on importe bon marché, et on limite les pressions salariales. Magique !
Si ça ne marche pas la France exportera, il est vrai, des produits agricoles subventionnés ( PAC, niches fiscales) qui ruinent la paysannerie des pays importateurs pauvres (mais, chut, c'est les autres et c'est la loi du commerce inéquitable). Triomphent les marchands de semences, de matériel agricole dernier cri et surdimensionné, et les chimistes. Mais, attention, la PAC nouvelle va arriver. On satisfera les gros agriculteurs et on jettera les petits. Les campagnes se videront encore plus. Les partis politiques mettront cela à leur programme... plus tard.
En attendant, la Chine construit de la high tech et des avions : adieu chimères.
Conséquence de ces magnifiques plans commerciaux mondiaux : Alors qu'on a détruit une bonne partie de notre tissu industriel destiné à la consommation intérieure, qu'est-ce qu'on fait avec tous ceux qui n'ont pas "fait Polytechnique" ou les grandes écoles ? L'Etat, c'est à dire le contribuable, continueront à financer la formation-qui-n'est-jamais-suffisante, vieil épouvantail brandi par le MEDEF et tous les employeurs de France et de Navarre pour justifier les bas salaires. Car la formation, dont la scolarisation n'est presque jamais payée par le Capital, est bel et bien payée par tous. 12 ans de scolarité pour offrir un employé avec un bac à un entrepreneur qui de plus fait la fine bouche et offre des emplois précaires, c'est quand-même pas mal, non ? Avec un droit du travail complètement atomisé, c'est de la redistribution d'avantages financiers par Etat interposé. Car l'Etat arbitre en faveur du Capital tout puissant, sans lequel rien ici-bas n'arrive. Et qui brandit à tout propos le spectre du chômage, ce chancre des démocraties actuelles. Et vous voulez changer ça ? Sans doute que ça serait trop compliqué et pas assez médiatique pour canaliser les suffrages. Les partis politiques mettront cela à leur programme... plus tard.
Ce Capital ivre de spéculation auquel vous voulez casser les reins. Mais vous oubliez cette chose essentielle : que le Capital est mobile et accumulable alors que le travail ne l'est pas. Dans la vieille utopie sur l'internationalisation des mouvements ouvriers, le Capital a triomphé. C'est lui qui s'est internationalisé, alors que le mouvement mondial du travail n'a jamais vraiment vu le jour. Et vous voulez, depuis la France lutter contre ça ? Rappelons un ou deux chiffres : en Dollars US, échanges quotidiens en paiement de marchandises dans le monde : 2 milliards. Echanges portant sur des flux financiers purs : 40 milliards.
Etant donné notre parlementarisme pâteux vous faites des promesses que vous ne pouvez pas tenir. Car le pouvoir de faire n'est pas entre vos mains. Vous vendez des idées molles MM. les socialistes ! Mettez cela dans vos assiettes.
Parlons du Parlement puisque personne n'ose toucher aux vaches sacrées. A quand la réforme de l'élection des sénateurs (avec le milliard d'€ de trésor de guerre dont M. Larcher se garde bien de trop parler et qui alimentent un clientélisme puissant autant que discret). Les 36.000 communes qui élisent ces représentants qui parlent au nom de 63 millions de français. Il y aurait au total environ 45.000 grands électeurs. Démocratie tout ça ? Mais, messieurs les socialistes, pourquoi se faire la guerre quand tout baigne. On en parlera plus tard.
Comment se défausser des coûts de la santé ? Assurances complémentaires santé qui engrangent des marges de 40%. Rejet vers le privé, sans aucun contrôle en faveur de l'usager, des coûts médicaux réels. La santé au quotidien n'est plus un droit, c'est un luxe pour une grande partie de la population.
Lorsque Mme Lagarde a prélevé autour d'un milliard d'Euros auprès des complémentaires pour alimenter les caisses de la Sécu., celles-ci ont immédiatement répercuté ce prélèvement sur les primes. Et hop ! Le jeu de bonnetot économique est à l'oeuvre, qui déguise les charges.
Le déficit de la Sécu ne se résorbera jamais. Pour une raison structurelle (nos amis anglo-saxons diraient systemic, mot à la mode qui élude les responsabilités). La Sécu repose sur une structure triangulaire : Le prescripteur (le corps médical iféodé à l'industrie pharmaceutique dont on sait ce qu'lle vaut), le patient et le payeur (la Sécu). Or, le prescripteur, le praticien, est aussi le bénéficiaire. On multiplie les actes dont certains sont inutiles (radios, échographies, analyses, etc. que personne ne regarde), on prescrit des médicaments qui remplissent les armoires des patients et finissent à la poubelle, et le patient reste un témoin muet. Une des solutions pour la pharmacie : les pharmaciens délivrent les quantités de médicaments, au détail, justes suffisants, comme ça se fait dans certains autres pays. Mais ni les pharmaciens, ni l'industrie du médicament n'en veulent. Et la communauté paie tout en regardant impuissante les indicateurs financiers s'affoler. Je simplifie, mais, en gros, c'est comme ça. Mais, chut, à faire trop de vagues on deviendrait impopulaires.
L'usine de soins qu'est la Générale de Santé à Chalon s/Saône s'en fout, dont les actifs sont possédés par un groupe financier italien et qui ne regardent que la "shareholder value", la valeur pour l'actionnaire. L'état se débarrasse, au nom des contraintes budgétaires et d'efficacité, des problême des soins publics. Pour résoudre les scandales des médicaments ou des produits industriels poisons, il suffit de traîner les pieds, comme on l'a vu. Allez-vous vous attaquer à la très puissante industrie pharmaceutique internationale ou au lobby des chimistes embusqués à Bruxelles ? On discute, on crée des commissions (il y en a 597 au total, tous domaines confondus - dont la dernière née : La commission d'Examen des pratiques commerciales), on donne des conseils que personne ne suit, et on privatise. Et ça a commencé depuis longtemps. Mais qui est responsable ? Personne, bien sûr. Voterai-je pour des irresponsables ? Si ça continue, pourquoi ne privateriserait-on pas l'Etat lui-même... ?
Le travail est titanesque et on passe son temps, comme le disait un député P.S., à faire des solférinades, d'en haut, avec des concepts qui n'effleurent aucune des préoccupations des français hic et nunc. Les soslférinistes et leurs solfèges vont encore nous jouer une pantomime digne de la Commedia de ll'Arte et qui inspirera les Molières d'aujourd'hui dans des médias complaisants et aveugles. Pour la plus grande joie d'un public qui n'en peut mais, et à qui on fera croire que rire de sa misère résoudra les problêmes. Les humoristes vont faire fortune. Mais ça détendra l'atmosphère, et on n' ira plus aux urnes, comme on allait autrefois à la messe, en famille. Les taux d'abstention atteindront des records, le vote déléguant les volontés et absolvant les responsabilités. Si vous votez on vous reprochera d'avoir fait un mauvais choix. De même si vous vous abstenez. Pile je gagne, face tu perds.
On ajoutera le bateau ivre européen et ses 15.000 lobbyistes à Bruxelles. L'Europe, nouvel exutoire et bouc émissaire.
Il faudrait parler aussi de l'enseignement dont le titre peu glorieux est d'avoir fourni 3,1 millions d'illettrés en France et d'innombrables sans-diplômes. Enseignement miné par son syndicalisme archaïque et tyrannique, qui n'a d'yeux que pour le quantitatif et non sur la qualité et les résultats. Gros chantier qui passerait par la refondation des syndicats de l'enseignement. Impossible. Mais c'est un autre sujet.
Sans oublier la Justice au très faible budget (23 € par habitant en France pour 43€ au Portugal et en Allemagne).
Et les retraites ? Personne, y compris les syndicats (8% des salariés, on leur pardonne) n'a au grand jamais osé parler d'augmenter les cotisations retraite, alors que l'Allemagne en parle. On voit que tout baigne en France. Omerta, quand tu nous tiens ! Etc...
En fait, je me pose la question : et si le parti socialiste n'était plus socialiste ?
Libérez-nous du despotisme républicain, et nous refonderons la démocratie. Le parti socialiste ne peut pas (plus) parler au nom de toute la gauche. Les socialistes ont souvent pratiqué une politique de compromis. A savoir la libéralisation de la finance sous Mitterrand. Les USA ont aboli le Glass-Stegall act institué sous Roosevelt ce qui a permis aux banques de dépôt d'investir dans des actifs à hauts risques, et les socialistes français leur ont emboîté le pas dans les années 80. Alors les socialistes ont beau jeu de réclamer une régulation qu'ils ont refusée alors qu'il était encore temps.
Aussi, je me souviens que M. Strauss-Kahn (paix à sa conscience) a mis une taxe sur les plus-values de l'assurance-vie au prétexte que quelques grosses fortunes bénéficiaient de cet investissement avantageux. Il a pénalisé les retraités des classes moyennes, sans distinction des revenus. Egalitarisme par le bas, c'était très "gauche". Le pactole était trop beau ! . Mais, personne n'est responsable de rien. C'est le parlementarisme auquel vous voudriez qu'on croie encore. Quand est-ce que le PS fera son auto-critique et se libérera de ses vieux démons libéraux ? Et parlera de ses erreurs, de ses compromis, de ses silences honteux ?
La république d'en haut, c'est l'assistanat parcimonieux. Elle sert aussi de courroie de transmission aux organisations, associations, groupements d'intérêts professionnels, ordres divers et lobbies avoués ou non, pour imposer aux citoyens-consommateurs les lois d'airain d'un soi-disant commerce libre qui n'est autre chose que du pillage organisé. Le libéralisme commercial est bien ancré dans les moeurs. C'est incontournable. Et les socialistes n'y feront rien.
Messieurs-Dames les socialistes, voici quelques idées jetées en vrac, et sûrement entachées d'erreurs. Mais c'est ainsi que je vois le monde et notre société qui a bien besoin de grands changements (je déteste le mot réforme, si galvaudé). Je souhaiterais que vous et vos confrères jettent un regard bienveillant sur tout cela.
Pour faire de grands changements il faut de grands pouvoirs. Cela passe ici par les urnes. Pour avoir des suffrages il ne sufffit plus de discourir et de promettre mais de faire un travail de terrain, de constituer des associations, de commanditer des actions sociales, d'établir des maillages (protéger la consommation, donner des informations pratiques, maîtriser la formation, simplifier le droit, assainir le droit du travail, exemples de solidarité, contre l'illettrisme, etc). Bref, d'avoir un idéal, un horizon avec des jalons concrets pour les atteindre. Je vois mal l'UMP se livrer à ce genre de chose, mais les partis de gauche le peuvent-ils ? La crédibilité et votre image passent par le concret. Elle est à ce prix.
« En vertu de quel principe des personnes morales, libres et égales peuvent-elles accepter que les inégalités économiques et sociales soient fortement influencées par les hasards de la vie sociale et par des contingences naturelles et historiques ? » se demandait finalement le philosophe Rawls. Et il n'était même pas socialiste !
Je rejoindrai donc les nombreux abstentionnistes, sine die.
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