Lettre à une génération de Lumières
De la nature de l’héritage dépend l’impôt futur. Le matériel et l’immatériel qui constituent la succession pèseront sur les générations de demain. La charge peut être lourde, irréversible, tant que nous paierons le tribu de lingots que nous avons abandonnés. Ils étaient là, pour une paisible éternité. Nous avons pris leur rayonnement pour acquis et les avons aujourd’hui en fardeau.
Nous, comme nos frères voisins - on aimerait l’humanité toute entière -, ne manquons d’intellectuels auto déclarés. Mais des Lumières, nous n’avons malheureusement retenu les faisceaux désintéressés, oubliés en déduction de l’assiette de l’héritage imposable.
Les Lumières qui ont offert au peuple de France le droit d’exister ont été vidées de leur cire. Nous avons si vite oublié qu’avant d’être des intellectuels, ils ont été des Hommes, d’action. Des parias d’une société qui ne voyait en leur courage et leurs idées que trahison et désobéissance. C’est sur ces fausses croyances que l’espoir renaît sans cesse de ses cendres.
Ils ont été enfants, étudiants, autodidactes puis Hommes d’un état de liberté.
L’individualisme est venu alourdir la charge, témoignage d’un patrimoine oublié. Les cercles des poètes ont disparu du grand public, convaincus que ce monde de lumière – des projecteurs et d’unité de mesure du rythme de vie, celle-là - n’était plus le leur.
Les générations se succèdent. La nôtre suit la précédente sur le toboggan de l’image. Nous voulons être beaux, grands et forts. Et s’il faut se ridiculiser ou user de déloyauté pour se faire, qu’à cela ne tienne.
Nous sommes nés avec les mêmes organes que les Lumières et avons sur les bancs de nos écoles, de nos universités et partout des banlieues aux centres villes de nos métropoles, les ingrédients de ne pas tout gâcher.
Pourtant j’ai, à mon tour, cette inconfortable sensation de ne pas avoir les mêmes priorités que celle d’un monde qui nous échappe. La lumière, je préfère la voir projetée que sur mon visage. Mais j’ai rencontré un grand nombre de jeunes et de moins jeunes, qui se veulent engagés. Ils ont mon âge, ont des idées et se font remarquer avant tout parce qu’ils veulent se placer. L’immatérialité de l’opportunisme – un pragmatisme générationnel – est en train de s’inscrire profondément dans notre héritage.
Alors, à quoi bon montrer une nouvelle fois notre opposition à ce qui semble se dessiner pour notre pays, notre génération et celles de nos enfants ? Parce que le risque de carton rouge n’y change finalement pas grand-chose, dans les actes. A quoi bon, alors, si ce n’est pour s’enfoncer dans le nihilisme mouvant, en train de devenir un mode de pensée à part entière ? Parce que nous sommes également responsables.
Nous devons faire plus que le jeu des politiques d’aujourd’hui qui continuent de penser que l’important est d’exister – après tout, ce n’est pas de leur faute s’ils n’ont pas les moyens – qu’importe le sort de ceux qui y croient, malgré tout.
Le terrain est instable mais suffisamment établi pour que l'on y installe les fondations de demain. Celles d'hier, les plus fragiles, partent avec les secousses. Les autres résistent. Ce sont celles des droits de l'homme, parmi lesquelles la liberté – d'expression – mais liberté d'abord. Demain, ces fondations d'hier auront besoin de celles d'aujourd'hui.
Rousseau commençait son Contrat social en rappelant que « l'homme est né libre, et partout il est dans les fers. » L'écrit et la parole sont les armes de l'Homme pour vaincre la force que ceux qui se veulent seul souverain imposent. Parce que nous n’avons de limite que notre imagination, dont la limite est un symbole mathématique que l'on appelle infini. La parole émancipe.
Nous devons incarner cette France que l'on rêve pour demain. Ne nous laissons jamais mettre quelque fer que ce soit. Partageons nos idées au-delà de nos intérêts personnels. Acceptons les critiques. Elles nous permettront d'assurer nos convictions, sans égard aux risques que cela engendre pour notre place dans un quelconque appareil. C’est de l’ombre que viennent les plus belles lumières.
J’ai découvert, en ce beau dimanche de décembre, sur quels rails certaines personnes ont pensé pouvoir mettre la France et notre destin commun. Je ne retiendrai de cette journée que le redoux venu tempérer trois jours de froid glacial. La plus belle réponse est celle des actes, aussi minimes soient-ils. Nous n'avons plus le droit de garder nos idées pour nous, nous n’avons plus non plus le droit de nous laisser dicter nos prises de parole par une génération qui en oubliant le corps de la pensée a décidé de passer son tour.
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