Lettre au Président de la République
Monsieur Macron, assumerez-vous des morts ?
Depuis le 9 Avril, les violents combats n'ont pas cessé sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. En effet, la trêve annoncée officiellement n'a pas fait taire les grenades lacrymogènes, assourdissantes et de désencerclement ces dernières semaines. La tension n'est pas retombée, la peur et le réel danger de mutilation n'a pas quitté les gens, dans cette zone. Vous le savez. Vous êtes le chef des armées en France. Je l'ai appris en cours de Géographie en 4 ème et, d'après mes informations, même si « je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », cela n'a pas changé depuis. Vous êtes donc aux manettes. Vous donnez ces ordres. Vous organisez cette stratégie de guerre sur notre sol. Je suis allé personnellement constater les faits sur place plusieurs fois, et j'ai eu peur. J'ai aidé à prendre en charge des blessés. J'ai couru pour éviter d'être à la retombée des grenades lancées par vos chars. J'ai tremblé après avoir entendu leurs explosions si proches. J'ai pleuré en pensant que les éclats reçus par ces quidams auraient tout aussi bien pu toucher un endroit vital. J'ai été en colère en entendant la communication de votre Général Lizurey étouffant ces scènes de guerre contre des compatriotes.
Vous assumez l'ordre de lancer les grenades par salves au milieu de la foule en sachant bien que la mort pourrait subvenir, qu'espérez-vous faire si la faucheuse vous rapporte l'un d'entre nous ? J'ai deux enfants, un garçon de 6 ans et une fille de 4 ans. Quand je pars sur cette zone pour soutenir et rendre compte très modestement, ils savent où je vais et pourquoi. Sans leur mentir pour autant, je fais tout pour qu'ils ne s'inquiètent pas. Et si c'était moi ? Je suis allé plusieurs fois au sein des affrontements afin de pouvoir voir cette violence d'état de mes propres yeux, je n'ai participé à aucun acte violent mais j'ai été dans la masse visée par ces pluies de grenades aveugles et mortelles. Et si je ne revenais pas, la prochaine fois ? La préservation de la nature, puisqu'il s'agit bel et bien de cela, la biodiversité, la protection de notre terre nourricière font partie des valeurs les plus fortement ancrées en moi, donc il y aura une prochaine fois. « Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente, d'accord, mais de mort lente »...
Et si c'était un autre, serait-ce meilleur ou pire ? Ferez-vous le déplacement vous-même pour annoncer à une mère qu'elle ne reverra son fils, un peu trop amoureux de la liberté, que dans une boîte en bois ? Celui-là même dont il avait construit sa cabane, celui qui devait l'abriter d'un monde trop hostile pour ses frêles années et qui l'abritera finalement pour l'éternité. Serez-vous alors capable d'entendre :
« Vous demandez pardon de n'avoir pas compris
Ce qu'était notre amour, [Monsieur].
Vous n'aviez que ce fils, vous aviez peur pour lui
Et vous l'avez gardé, [Monsieur].
Ne me demandez pas ce qu'a été ma vie
Quand vous me l'avez pris, [Monsieur].
Je me suis toujours tu, ce n'est pas aujourd'hui
Que je vous le dirai, [Monsieur]. » ?
Vos actes parlent pour vous, vous y êtes insensible. Les hautes sphères du pouvoir ne s'abaissent pas à tripoter la terre. Pourtant vous en êtes personnellement responsable, car notre monde a été acheté, l'humain a décidé qu'il serait divisé en pays, auto-déclarés propriétaires de ces terres. Et vous êtes le Président d'un de ces pays. Ces « ZADistes » sont vos meilleurs alliés dans cette tâche. Rappelez-vous qu'ils n'ont pas annexé ce territoire comme Poutine a annexé la Crimée, ils sont venus défendre une terre qui ne pouvait se défendre seule contre la folie « progressiste » humaine. Ils se sont retrouvés moralement obligés de rester et d'habiter, de prendre soin d'un coin dont ils avaient maintenant la responsabilité. Et ceci fut fait. Il suffit de s'y rendre pour le constater. L'écologie est maîtresse en ces lieux, c'est le principal liant de tout ce qu'il s'y passe, la valeur commune par excellence. Ces gens, ce qui est tout à leur honneur, n'ont pu accepter que cet oasis de biodiversité soit bétonné, ils ne peuvent maintenant se résoudre à le laisser tomber entre les mains d'experts du rendement à court terme, faisant perdre inexorablement sa fertilité à une terre agonisante. C'est là leur seul crime. Le vôtre, hypothétique mais rôdant chaque jour, serait inexcusable. Pensez-y.
« "Et si c'était ton fils qu'était couché par terre - Le nez dans sa misère" répond l'jeune pour finir. »
Daniel Reyssat
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