Lettre aux âmes purificatrices d’Outreau
« Les enfants Delay ne mentent pas, ils se trompent. Les images, les flashs, ce sont des souvenirs reconstruits. .. Je vous demande d'acquitter Daniel Legrand non parce qu'il y a des doutes mais parce que Daniel Legrand est innocent, parce qu'il n'a rien fait !... Je veux que dans votre motif, il apparaisse clairement qu'il est innocent.. », a lancé l’avocat général Stéphane Cantero aux six jurés jeudi 4 juin 2015, lors de son réquisitoire concernant le 3eme procès d’Outreau.
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« Encore une justice au service du complot international » ne tarderont pas à crier très probablement les organisations qui sont à l’origine de cette nouvelle torture infligée aux innocents d’Outreau et plus particulièrement au plus jeune d’entre eux, Daniel Legrand qui, dans son malheur, a dû subir la double peine car il était encore mineur au début de l’affaire et que ces prétendus faits dont on l’accusait n’avaient pas été jugés.
Alors après un tel réquisitoire d’un avocat général aux assises et au renoncement des avocats de la défense de plaider, prenons toute la hauteur nécessaire face aux âmes purificatrices du fiasco d'Outreau, aux super-héros de la défense de l’innocence en danger, aux Batman de la chasse aux pédophiles, aux nettoyeurs des réseaux complotistes !
Demain (ou après-demain) à l’heure du laitier, lorsque vous entendrez la sirène de la voiture de police dans votre quartier, vous sauterez du lit pour voir quel voisin est embarqué, piégé dans le réseau international de pédos que vous dénoncez depuis tant d’années...
Vous n’aurez que le temps d’être ébloui par le clignotement du gyrophare avant de vous rendre compte que c’est vous qu’ils embarquent.
Une erreur certainement !
« Demain, ils s’excuseront de s’être trompés de porte ! » penserez-vous à l’arrière de la voiture.
Non !
Assis sur une chaise en fer rouillé, face à l’OPJ, vous crierez encore plus fort à l’erreur sur la personne lorsque vous entendrez l’infâme accusation : « Agression sexuelle dénoncée par un enfant de l’école voisine que vous protégez tous les jours contre le réseau de pédos qui sévit partout ! »
Après le « C’est pas possible... » de ce qui vous semblera être une plaisanterie ou un mauvais cauchemar, vous sortirez votre CV, blindé comme un cerisier juste avant la récolte : horreur des pédos, amour des enfants, activisme dans votre association de protection de l’enfance en danger, informations à tout va sur l’autre vérité, la vôtre, la seule objective face au complot international.
Les références, ce n’est pas ce qui vous manque !
Vous tomberez des nues lorsque vous entendrez l’OPJ vous répondre froidement :
« L’un n’empêche pas l’autre ! »
Coincé(e) pendant 48 heures au fond d’une cellule crasseuse, vous connaîtrez alors les affres de la garde à vue et de la torture psychologique. De l’erreur de personne dont vous étiez certain(e) au départ de votre maison, vous passerez successivement au statut d’accusé(e) puis à celui de présumé(e) coupable avant celui de mis(e) en examen.
Devant une brochette d’enquêteurs, d’experts et de magistrats, tous plus compétents les uns que les autres pour détailler votre vie, vous ferez appel au raisonnement, au bon sens, à la logique, à la colère et parfois à la déraison tant ce monde vous semblera fou.
Rien n’y fera !
C’est la porte de la tôle qui se refermera derrière vous.
Bientôt vous entendrez sourdre au pied des barreaux qui vous enferment la rumeur qui se fait de plus en plus effrayante dans l’opinion publique et plus particulièrement au sein de l’association de vos anciens camarades de combat.
« Une brebis galeuse était parmi nous. Il faut la tuer. Mort aux pédos ! »
N’oubliez pas que l’accusation est grave, portée par un enfant de surcroît !
Vous le savez bien pour l’avoir répété suffisamment contre tous ces voleurs d’innocence : « Toute accusation de la part d’un enfant doit être jugée ! »
Alors vous serez jugé(e).
Au fond de vous, vous savez que vous n’avez jamais fait le moindre mal à un enfant.
Vous allez vous battre pour faire reconnaître cette innocence !
Il en va de votre vie.
Et, peut-être, si votre destin le permet, vous obtiendrez le soulagement de l’acquittement tant attendu !
Mais vous vous souviendrez alors de vos cris avant cette histoire : « Acquitté(e) ne veut pas dire innocenté(e) ! Lavé(e) du soupçon ne signifie pas vierge de toute tache ! »
Ah ! Comme vous étiez fier(e) et sûr(e) de vous lorsque vous portiez ces paroles, gonfalon de l’innocence en danger !
Alors, acquitté(e) mais pas innocenté(e), lavé(e) de soupçons mais pas vierge de taches, vous traînerez derrière vous les affres de la souffrance, noyé(e) dans les sueurs froides de vos cauchemars.
Mais, malgré le malheur et les humiliations qu’on vous a infligés, malgré les gélules de lexomil pour oublier le mal qu’on vous aura fait, vous penserez que vous en avez fini avec les arcanes judiciaires.
Erreur !
Il restait une petite chicane de procédure dans laquelle se sont engouffrés vos anciens amis protecteurs de l’innocence en danger, promoteurs de la lessive judiciaire « Lave plus blanc que blanc ».
Il faut que vous repassiez à la barre !
Alors une fois de plus, vous allez pleurer votre malheur, crier votre malchance, hurler votre bonne foi !
Mais rien ne fera changer d’avis vos anciens camarades de combat.
Pour eux vous faites désormais partie du complot international de la mafia pédophile.
Un point, c’est tout !
Vos lamentations ne seront que chialeries de façade dans leurs commentaires ironiques sur votre comportement.
Il vous resterait bien la corde, le train ou la balle pour leur faire un dernier bras d’honneur et retrouver votre liberté, l’éternelle.
Mais même cela, ils ne le respecteront pas et ne sauraient le comprendre.
« A-t-on déjà vu un innocent se suicider ! Il fallait qu’il(elle) soit vraiment coupable pour se détester à ce point là ! » hurlera sans la moindre compassion la caravane de ceux qui aboient.
Non, camarade, la mort n’est pas la bonne solution !
Dans ce monde de fous dans lequel une bande d’incompétents vous a plongé(e), il ne vous reste qu’une seule direction pour survivre !
Prendre de la distance, s’envoler sur les ailes d’un oiseau et de là-haut, avec la dérision qu’il convient, regarder vos anciens camarades retourner leurs fantasmes dans tous les sens sauf dans le bon !
Mais attention !
Au moment où ils vous apercevront planer bien au-dessus de leurs petites têtes, vous les entendrez hurler au ras du sol.
Mains propres, têtes hautes et couteaux entre les dents, ils n’hésiteront pas à s’armer de fusils en criant :
« Insupportable ! C’est à vomir ! Avec ses déjections, ce goujat (cette goujate) pollue notre jardin aux allées si bien entretenues. Si cela continue, il (elle) finira par faire crever notre cerisier ! Tirons plusieurs balles sur l’infâme avant qu’il ne soit trop tard ! »
De là-haut, sourire aux lèvres, blindé(e) contre leurs balles, vous n’aurez qu’une seule réponse à leur accorder !
« Soyez patients ! Votre tour viendra sur l’échiquier du malheur. Le hasard vous attend au coin de la rue. Il ne regarde jamais le CV de la proie qu’il attaque car il a autour de lui une meute qu’il doit nourrir à tout prix ! »
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