Lettre aux responsables musulmans
Ah, tristes sires, imams de pacotille, chefs religieux et chefs d'État, alignés ou non !
À force de parler de Dieu et de Mahomet comme si vous les aviez inventés, comme si vous en étiez propriétaires, vous finissez par lasser.
Mon pays a souffert de l'intolérance religieuse durant des siècles. Ma famille a payé le prix du sang sous la domination catholique.
Peu importe aujourd'hui ! Les Protestants peuvent dire tout le mal qu’ils pensent du catholicisme sans risquer de se faire égorger au coin d’une sombre ruelle.
Les catholiques peuvent dire pis que pendre du protestantisme et de l’orthodoxie sans provoquer de heurt autre que verbal.
Je peux, moi, protestant depuis les galères, me gausser de la doctrine Romaine, de ses saints, de ses frasques, de ses ors et de cette idiote soumission au dogme.
Mais pas un catholique ne songera à me défenestrer, comme cela est arrivé une nuit du mois d’août, à la Saint Barthélemy.
J’ai même la liberté de dire tout le mal possible de Calvaire et Lutin… pardon de Calvin et Luther, pourtant les fondateurs de ma famille spirituelle, sans être excommunié, rejeté, vilipendé, bafoué… voire tué.
Je peux penser ce que je veux de mes frères en la foi, de ces pasteurs engoncés dans leurs certitudes, de ces institutions protestantes, œcuméniques et autres simagrées qui font semblant de prendre le parti du faible pour se donner enfin l’impression d’exister…
Je peux penser tout cela, et plus encore sans courir de risque. Je peux même, j’en ai la liberté, sans avoir de compte à rendre à personne d’autre qu’à Dieu, renoncer à ma foi sans être condamné à mort.
Je peux même blasphémer sans risque, si l'envie m'en prenait.
Pourquoi ? Parce que chacune de ces écoles de pensée a su opérer sa propre réforme.
Certes, le Catholicisme a tué en grand nombre et cette antinomie est indéfendable.
Certes, un mort pour ses convictions est un mort de trop. Mais l’Eglise a su demander pardon. Elle a demandé pardon au peuple juif de l’avoir si souvent persécuté.
Elle a demandé pardon au monde d’avoir songé un seul instant à convertir de force. Elle s’est excusée d’avoir mélangé, plus souvent qu’à son tour, le temporel et le spirituel.
Même si le trust Catholique Romain & Inc n’a pas su se débarrasser à temps de ses mauvais démons, il ne songe plus à régner par le glaive sur le monde. Du moins, plus maintenant !
L’église, la Catholique et Romaine, a appris, certes de façon encore trop modeste, à se remettre en question. Il lui manquait encore de se croire inutile pour que vienne le véritable amour.
De façon trop modeste et peut-être trop tardive…la torture comme moyen de conversion n’a été officiellement supprimée qu’en 1951. 6 ans après la fin de la dernière grande boucherie !
Il lui manquait encore de donner toute leur place aux femmes. Pour ne pas voir la tentation, le Catholicisme ne voyait la femme que vierge… ou pute….Pour ne pas lui donner la parole, l’église lui a réservé le 15 août et la confite dévotion des pèlerinages.
Tiens, j’y pense, un Protestant, un incroyant, même un musulman peut se rendre à Lourdes ou à Fatima sans avoir à montrer ses papiers d’identité, sans avoir à prouver qu’il est bien catholique.
Un Protestant, un Juif, un catholique peut-il se rendre à la Mecque sans risquer la mort ?
Désormais, on peut railler le Christ et Dieu sans crainte d’être embastillé.
Ces railleries sont autant de blessures qu’encaissent les croyants, non ceux qui font profession d’être chrétien aux seules fêtes carillonnées, non ceux qui se servent du terme « chrétien » pour justifier leurs actions barbares, mais ceux qui croient, humblement, timidement, au fond de leur cuisine.
Ceux-là se feraient tuer plutôt que d’attenter ne serait-ce qu’une seule fois à la dignité ou à la vie d’autres êtres humains.
Ces blessures, ils les encaissent comme ils déplorent souvent que le christianisme soit, dans son ensemble, bien mal représenté.
À part deux ou trois crétins abîmés dans leurs serviles bigoteries, ceux qui placent une bombe incendiaire dans un cinéma parisien, ceux qui tentent de faire interdire Costa Gavras sous prétexte de blasphème !
Mais ici, il ne s’agit pas du petit peuple des croyants.
Les plus hautes autorités musulmanes, partout de par le monde, exigent des excuses, crient au scandale, menacent de rompre leurs relations diplomatiques pour un simple dessin, et talentueux de surcroît.
Le Diable n'est pas dans le film "L'innocence des Musulmans" ni sur la couverture de Charlie.
Il est, s'il existe, dans la volonté hystérique d'interdire la propagation d'idées autres que les siennes.
Mais où vous croyez-vous, pantins sinistres et pathétiques ?
Du CFCM aux oulémas d’Algérie, du FLN au Hamas, de l’Indonésie au Maroc, ce ne sont que levée de boucliers, ultimatums, chantage à la mort.
N’avez-vous pas eu votre ration de sang lorsque quelques dessinateurs danois ont osé représenter votre prophète d’une manière qui ne vous convenait apparemment pas ?
N’êtes-vous pas rassasié en contemplant ce que Sunnites et Chiites s’infligent mutuellement et quotidiennement dans les bas-fonds d’un Irak supplicié ?
N’avez-vous pas votre content de violence dans la Syrie d’aujourd’hui ?
N’avez-vous pas d’autre motif de vous plaindre que la couverture d'un hebdomadaire satirique ?
La prospérité, l'éducation règnent-elles à ce point chez vous que vous puissiez vous consacrer à la propagation de la haine ?
Manquez-vous à ce point d’assurance, de témérité intellectuelle pour aussitôt attenter à la liberté la plus élémentaire, celle de penser ?
Savez-vous seulement que le dialogue n’est pas l’insulte, que la critique n’est pas le mépris, mais le simple et juste exercice d’une conscience éclairée ?
Ignorez-vous, sous-doués du culte, combien de talents peut générer la liberté bien comprise ?
Vous ai-je entendu lorsque vos frères en la foi massacrent au Darfour ?
Vous ai-je entendu condamner les attentats contre des civils ?
Vous ai-je entendu lorsque les avions heurtaient les tours ?
Et où puis-je vous entendre lorsque vos frères et vos filles, sortant de vos mosquées à Londres, au Trocadéro à Paris, appellent au massacre de tout être humain sauf les musulmans ?
Ou puis-je vous entendre lorsque, au nom de votre foi, vos responsables religieux enseignent que la femme est inférieure, tout juste bonne à être excisée ou lapidée ?
Ou êtes-vous, leaders chéris, lorsque vos coreligionnaires dansent de joie devant l'irréel spectacle des voitures, des tours, des trains, des bus et donc des corps calcinés et noircis par la fantaisie de quelques "évangélistes" décidément trop zélés ?
Vous exigez des excuses ?
Mes excuses, je vais les garder, avec au cœur, l’immense et belle idée que la foi n’est décidément pas la religion et que la laïcité reste l'un des seuls trésors pour lequel je me battrai un jour.
J'aurais aussi, chevillé au coeur, la certitude que, si nous avons su résister à une institution "chrétienne" et ses inquisitions, ses massacres et ses dragonnades, ce n'est pas pour nous laisser emm.... aujourd'hui par un dogme encore plus meurtrier et anachronique.
J'aurai aussi en moi la colère de voir que vous exploitez sans vergogne le besoin qu’ont certaines personnes de croire en Dieu, celles que vous maintenez dans la misère malgré vos incalculables richesses, pour vendre vos infectes salades.
Gardez donc votre Dieu s’il n’est que violence. Conservez-le dans la naphtaline, le formol, dans tout autre produit, du moment qu’il n’est pas inflammable ou explosif.
Gardez donc votre Prophète et sa descendance, celle qui n'a pas trouvé le moyen de lui succéder sans tromperie ni meurtre.
Gardez tout cela si vous n'êtes pas capables, malgré votre prétendue sagesse séculaire, de supporter la moindre égratignure à vos convictions les mieux établies.
Mais on le sait, lorsque la guerre que vous espérez tant, celle qui vous fera gagner votre paradis aux milliers de vierges, adviendra, il y aura, parmi le milliard et demi d’êtres humains dont vous revendiquez la soumission, une forte majorité pour pleurer des larmes de sang à la seule idée qu’ils aient pu, un jour ou l’autre, vous confier la direction de leurs esprits.
Ce jour-là, vous aurez gagné… mais vous aurez aussi perdu.
Nous, nous serons morts. Alors, quitte à mourir, autant dire aux Musulmans qui laissent faire, qui ne disent rien, toute notre colère.
Et Merde à ceux qui manifestent contre un film ou un dessin. Comme disait Pierre Desproges, "vivons heureux en attendant la mort".
Paul Lémand
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