Lettre d’une mère à un jeune député
Olivier Dussopt, plus jeune député (de l’Ardèche) de l’assemblée nationale a déclaré en commission le 25 Janvier 2011, à propos du dépistage de la trisomie « Quand j’entends que “malheureusement” 96 % des grossesses pour lesquelles la trisomie 21 est repérée se terminent par une interruption de grossesse, la vraie question que je me pose c’est pourquoi il en reste 4 %. »
J’aurais voulu écrire quelque chose sur le caractère terrifiant de ce genre d’affirmation, au pays des droits de l’Homme (de l’Homme : avec 2, ou 3 Chromosomes sur la paire 21…). Et puis je suis tombé sur cette lettre que lui a écrit une mère d'enfant trisomique.
Des mots de Mère, qui valent tous les articles sur le sujet …
« Monsieur le député,
Maman d'un des 4 % d'enfants survivants, je pense pouvoir vous aider à répondre aux questions que vous vous poser à propos de ces 4% .
Vous craignez que si les femmes rencontrent une famille avec un membre possédant la même maladie, ceux ci lui fassent croire que c'est merveilleux d'avoir un enfant handicapé ou atteint d'une pathologie lourde... Vous imaginez une maman d'enfant trisomique racontant à une autre comme c'est merveilleux d'avoir un enfant trisomique !!!
C'est une plaisanterie Monsieur le député ?
Savez vous que les parents d'enfants trisomiques ne sont pas atteints dans leur intelligence, non, ils ne sont pas mongols et ne vont pas raconter partout comme c'est merveilleux d'avoir un enfant trisomique...
Avoir un enfant trisomique, c'est comme avoir un enfant bisomique : il y a des hauts et des bas, ni plus, ni moins...
Les parents d'enfants trisomiques sont cependant les seuls qui puissent parler de la réalité de la trisomie et non fantasmer dessus comme vous le faites... Plus même que les médecins qui eux ne sont pas gênés pour faire pression sur les mères et leur expliquer que leurs enfants seront des légumes... et que la vie avec eux sera impossible.
Il est un fait que pour le moment les pressions vont toutes dans le même sens : il est normal d'éliminer un enfant trisomique et si vous voulez qu'il vive, si vous voulez choisir la vie, vous devez vous justifier à chaque étape !
Vous vous demandez quelles sont les motivations des parents des 4% de survivants (je crains par ailleurs que votre question ne soit purement rhétorique, elle laisse planer un malaise, laissant soupçonner que les parents d'enfants trisomiques sont forcément coupables de je ne sais trop quoi et en tous cas incapables de prendre une décision intelligente...) .
Je ne peux vous répondre sur les motivations des autres parents, je peux néanmoins vous parler des miennes : Plus vous avez d'enfants, plus vous avancez en âge, plus vous vous émerveillez devant un bébé. Un bébé normal, parfait avec tous ses doigts, son nez au milieu du visage, deux mains et deux jambes... c'est un cadeau incroyable et merveilleux mais naturel qu'on prend comme un dû quand on est jeune...
Mais réfléchissez, chaque fois que vous mettez un enfant au monde, vous prenez un risque , le risque qu'il soit un jour handicapé, au chômage, sdf, assassiné par un chauffard... mais aussi tout bêtement dépressif, malheureux après un chagrin d'amour... et que sais-je encore ?
La motivation qui m'a poussé à garder mon enfant est que la vie est plus forte que la mort : je trouve particulièrement injuste d'avoir toujours à me justifier d'avoir laissé vivre mon enfant alors que si je l'avais éliminé personne ne me demanderait mes motivations. Parce qu'il est évident que mes motivations seraient humaines et généreuses ! Voyons, surtout il faut lui éviter de souffrir...
Mais vous en connaissez, vous des vies sans souffrance ?..
Il est bête ? L'intelligence n'est pas la seule qualité humaine.
Il est bête ? Mais il a une intelligence de cœur que vous ne soupçonnez même pas !!!
Il est un légume ? Il y a des légumes heureux, ils ne demandent qu'à être aimés, les légumes, comme vous et moi d'ailleurs !!!
Je ne vous souhaite qu'une seule chose, Monsieur le député, c'est de rencontrer un trisomique et de faire sa connaissance mais vraiment, pas seulement en surface, le côtoyer, le connaître. Et alors vous constaterez que sa vie n'a pas de prix puisque justement elle témoigne de ce que le faible, l'inutile, le non productif, est nécessaire et indispensable pour faire de notre monde autre chose que le meilleur des mondes. »
CG Maman de T., trisomique de 9 ans.
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