Lettre ouverte à Carla Bruni : rencontre avec le Dalaï-Lama

Mme Carla Bruni-Sarkozy

Madame la présidente,

Connaissant bien la Chine, le Tibet et le bouddhisme par mes recherches et mon vécu dans ce pays, et au regard des débats suscités par la visite du Dalaï-Lama en France (qui est très médiatisé sur un sujet parfois polémique), permettez-moi, à cette occasion, de communiquer respectueusement avec vous, puisque vous devez le rencontrer prochainement.

C’est la raison pour laquelle je me permets de vous adresser ce courrier personnel.

Actuellement, il existe plusieurs opinions sur l’impact spirituel et politique du Dalaï-Lama, mais, globalement, "deux visions différentes", souvent mal interprétées de part et d’autre, s’opposent entre l’Asie, la Chine et l’Occident :

La première, c’est la vision occidentale, spirituelle, médiatisée, idéalisée et hollywoodienne sur la perception du Dalaï-Lama en Europe et en France (Cf. Film : Sept ans au Tibet).

La seconde vision est plus politique et moins alléchante : celle du Dalaï-Lama, certes un des leaders du bouddhisme, mais revendiquant un grand territoire au nom d’un gouvernement en exil, un nouvel « Etat religieux », avec un projet de Constitution peu démocratique.

Voici ce que j’aimerais exprimer et les arguments que j’aimerais développer auprès de vous :

· Le pouvoir religieux passé du Dalaï-Lama

- un régime théocratique : le dieu-roi, un chef d’Etat tout-puissant ;

- le servage et l’esclavage de « sous-hommes » et l’interdiction aux femmes de le toucher ;

- des peines telles que : couper la langue, sectionner un membre… ;

- des enfants enfermés dans les temples.

· Quelques concepts de son gouvernement actuel

- derrière un discours de paix et d’harmonie, contradictoire, des prises de position contre la liberté des autres religions comme les bouddhistes du Dorjé Shugden interdits dans les magasins, hôpitaux… victimes de racisme, d’exclusions radicales et de menaces religieuses ;

- des jeunes « éduqués » dans ses temples, des prises de positions contre l’homosexualité et les mariages mixtes, pour « le sang pur » dont on connaît les dérives passées en Europe ;

- un projet de Constitution qui ne pourra s’opposer, en aucun cas, au chef religieux.

Souvent les médias confondent la région autonome du Tibet, le petit Tibet de l’ancien Dalaï-Lama (nommé auparavant avec l’accord de l’empereur de Chine) et le grand Tibet ; ces territoires multiples comme d’autres, appartiennent à la Chine depuis le XIIIe siècle.

Il y a aussi sa représentation religieuse en Asie, en Chine en Inde et au Tibet. Le Dalaï-Lama ne représente qu’un infime courant de pensée parmi les autres religions bouddhistes : son mouvement représente moins de 2 % des bouddhistes du monde entier.

Il nous faut considérer le point de vue de très nombreux bouddhistes d’autres pays dans le monde. Ils ne partagent pas la position du Dalaï-Lama, sur son fonctionnement, passé, son implication à la fois politique et religieuse contraire à l’esprit du bouddhisme.

Ce chef est avant tout un responsable politique, qui s’est mis lui-même volontairement en exil. Des accords avaient été signés dans le passé avec le gouvernement Chinois, acceptés par lui-même. Il n’a jamais accepté de revenir en tant que leader spirituel en Chine (invité en tant que tel par la Chine) car il revendique un territoire politique et religieux.

La campagne médiatique de «  Reporter sans frontières » ne tient pas compte des réalités.

Les manifestations à Lhassa furent le fruit d’une attaque violente de moines armés et d’une minorité de jeunes créant meurtres, violences et insécurités dans la ville. Ils s’en sont pris aux pauvres gens et aux autorités chinoises avec ensuite la riposte de l’armée (la police n’est pas armée en Chine) qui devait ramener la sécurité du peuple et des Tibétains eux-mêmes.

Dans beaucoup de pays, tout le monde sait que la politique du Dalaï-Lama, c’est plus qu’une religion. C’est un organe idéologique d’un chef unique, l’équivalent d’un roi : le Dieu-Roi, qui avec son assemblée de fortunés et de moines ont droit de vie et de mort sur leur peuple.

La Chine a sans doute fait des erreurs dans le passé, comme nous-mêmes avant, mais, aujourd’hui, elle a su donner de vrais droits équitables et des vrais « droits de l’homme  » au Tibet y compris le respect de la prière, des cultes, l’éducation, le respect de la langue tibétaine, de ses coutumes, la restauration des temples, le droit d’avoir plus d’enfants…

Je comprends que vous le rencontriez, du fait des contrevérités, d’idées reçues, de l’incompréhension de personnes dans le monde, par une désinformation face à un Tibet fermé jusqu’à peu. Mais maintenant que les journalistes peuvent y accéder, la vérité sur le vrai visage du Dalaï-Lama va apparaître (Cf. Reportage France 24 du 8 août 2008).

Les bouddhistes d’autres pays (Thaïlande, Japon, Inde…) ne partagent pas la position du Dalaï-Lama, sur son fonctionnement passé, son enjeu à la fois politique et religieux.

Le fait de le rencontrer ne mettra pas fin à nos amitiés franco-chinoises, avec les Chinois et le vrai peuple tibétain : mais ils ne nous comprendront pas, durcissant leurs relations avec nous (par exemple, 70 % de touristes chinois en moins en France). Suite à ma rencontre avec un responsable de la Chambre de commerce chinoise, cela durcira nos échanges économiques.

Aujourd’hui, les visas des hommes d’affaires français sont difficiles à obtenir, voire pas du tout. Nos échanges doivent se maintenir avec cette grande puissance, quand on sait qu’en 2025 elle aura le plus haut PIB. De nombreuses entreprises françaises ont perdu des marchés, suite au passage de la flamme à Paris et le service de l’ambassade de France à Pékin ne peut pas retourner seule cette situation confuse où certains médias idéalisent ce leader.

Les Chinois et les ethnies comme les Tibétains sont des peuples d’accueil. Si nous les respectons, ils aimeront encore plus la France et vous-même, première dame de France.

Recevez Madame la présidente, l’expression de ma très haute considération.

Geoffroy Bruno-Gerdi


Crédit photo : GQ