Lettre ouverte à Didier Daeninckx
Omar me dit que Jean-Édern ainsi que Besson ont reçu une espèce de tract qu’il soupçonne avoir été rédigé par Olivier Mathieu contre L’Idiot... Presque un an après ! Reprochant les infiltrations communistes au journal et attaquant durement les trois « têtes » : Hallier, Besson et moi. Patrick est traité d’antisémite et moi de « crypto-communiste » ! Ce prospectus a été envoyé à toutes les rédactions des journaux. Ça semble les inquiéter un peu. Quelle importance ? L’Idiot n’est plus rien. C’est ça qu’ils ne veulent pas s’avouer.
Marc-Édouard Nabe, Kamikaze, Journal intime, tome quatre, mardi 11 septembre 1990
Je viens de relire l’article sur la mouvance "rouges-bruns" que vous aviez écrit en 1999 pour le numéro 5 de la revue Mauvais temps, puis fait publier en 2005 sur un site qui se vantait en 2001 de n’avoir jamais été contesté sur le fond : Amnistia.net. Il y a un début à tout.
Vous vous étonnerez sans doute que je ne cite pas certaines de mes mes sources dans cette lettre ouverte. En voici la raison : je sais qu’elles sont fiables mais aussi qu’il n’y a aucune raison que je vous fasse profiter du long travail de recherches et de recoupements que j’ai effectué si vous souhaitez vérifier par vous même l’exactitude de ce que j’avance avant d’éventuellement me répondre. Je ne les rendrai publiques que si vous m’accusez de diffamation.
Votre texte incrimine notamment Marc-Édouard Nabe. À vrai dire, peu me chaut que vous l’aimiez ou pas. Je n’ai absolument rien d’un adepte des thèses de la nouvelle droite mais je me moque de savoir qu’il a dîné un soir en compagnie de Spaggiari et d’Alain de Benoist, considérant qu’un écrivain, et qui plus est un écrivain qui publiait à l’époque son journal intime, se doit de ne pas rater de telles expériences. Je suis d’ailleurs certain que s’il en avait eu l’occasion à l’époque, il n’aurait pas non plus dédaigné partager une table avec vous, rien que pour le plaisir de vous croquer sur le vif. Vous avez une autre conception de votre métier : c’est votre droit le plus strict et je m’en moque tout autant. Ce dont je ne moque pas en revanche, c’est de la teneur de vos arguments visant insidieusement et/ou fallacieusement à enrôler Nabe dans des mouvances en lesquelles il ne s’est jamais reconnu.
Aussi, je me vois dans l’obligation me faire volontairement le disciple zélé mais documenté de la rigueur dont vous osez vous targuer afin de réfuter ce dont vous l’accusez. Je vais donc revenir point par point sur la solidité de vos arguments et surtout sur les nombreux anachronismes qui vous ont fait tordre d’incontestables vérités historiques uniquement sur la base de vos présupposés idéologiques. Connaissant par ailleurs votre juste combat contre ceux qui se nomment révisionnistes, ces quelques arguments devraient logiquement vous conduire à la publication d’un mea culpa signé Didier Daeninckx :
Nabe et Limonov, même combat ?
Vous déclarez avoir été partie prenante d’une vaste campagne de solidarité envers Edward Limonov dès la fin des années 80 « quand le gouvernement traînait les pieds pour lui accorder la protection de la nationalité française ». Limonov l’obtint effectivement en 1987. À cette époque, il avait déjà publié Le poète russe préfère les grands Nègres, le Journal d’un raté, Autoportrait d’un bandit dans son adolescence, Salade niçoise en 1986 au Dilettante (Nabe y entrera cette année-là), Oscar et les femmes ainsi qu’Écrivain international (au Dilettante aussi, en 1987). Rien de bien « rouge-brun » à ma connaissance. Mais si c’était le cas, il ne tiendrait qu’à vous de vous accuser d’avoir manqué de vigilance en le soutenant. À moins que vous ne vous soyez basé sur ce qu’en disait Christian Terras, co-auteur avec vous de Négationnistes : les chiffonniers de l’histoire, ouvrage publié en mars 1997 aux éditions Golias : Christian Terras lit dans Tohu-bohu que le 31 mai 1985, Nabe rencontre pour la première fois José Benhamou (co-fondateur des éditions du Dilettante avec Léon Aichelbaum, Alain Bastier, Dominique Gaultier et Olivier Rubinstein). Nabe rapporte qu’il a entendu ce jour-là que Benhamou parlait avec Jackie Berroyer « des "taupes" du révisionnisme d’ultra gauche ». Christian Terras sous-entend, en se fondant sur une interprétation bancale du texte que Nabe fut dès ce jour au courant du soutien du journal La Guerre sociale à Faurisson, et que Benhamou en avait fait partie. Ce qui lui permet d’affirmer que Nabe décrit le Dilettante comme « un repaire des "taupes du révisionnisme" ». Un peu tiré par les cheveux, vous en conviendrez... Si vous doutez encore de la malveillance de monsieur Terras, reportez-vous aussi à cet autre passage de son texte dans lequel il affirme que Benhamou écrit le mot Dieu « avec une minuscule "pour rabaisser la caquet de l’Enflure céleste" » en cachant soigneusement que c’est par Nabe qu’il l’apprend lorsqu’il relate la correction des épreuves de Chacun mes goûts en compagnie de ce dernier et qu’il lui fait rétablir la majuscule. Ils commencent toujours par torturer les mots, disiez-vous ?
Vous affirmez ensuite que Nabe et Jean-Édern Hallier collaboraient à L’Idiot international lorsque ce dernier écrivit dans le numéro 46 du 30 janvier 1991 l’éditorial dont vous signalez la condamnation pour provocation à la haine raciale. Outre que vous vous abstenez lors de cet article de dénoncer les saillies déjà arabophobes du témoin à charge Alain Finkielkraut lors du procès, outre que vous omettez de préciser que le Régal des vermines dont vous citez des extraits par la suite ne fut jamais condamné, c’est faux ! Le dernier texte que Nabe écrivit pour L’Idiot fut publié dans le numéro 37 du 14 février 1990. Postérieurement à cette dernière collaboration, Nabe relate dans son Journal intime ce qui le conduira à ne plus souhaiter participer à l’aventure. Dès l’été 1991, il écrira d’ailleurs pour L’Imbécile de Paris, concurrent déclaré de L’Idiot malgré la présence de son nom dans l’ours de ce dernier jusqu’en mars 1992 et la republication de deux de ses anciens textes par Jean-Édern Hallier .
Mais peut-être ne lui reprochez-vous « que » d’avoir écrit dans L’Idiot en même temps que Limonov, que vous incriminez plus haut dans votre article ?
Voyons voir : sur la période où Nabe collabora à L’Idiot, Jean-Édern Hallier publia une dizaine d’articles de Limonov : des textes sur les droits de l’homme qui n’ont pas évolué au regard des nouvelles technologies, sur les pétitionnaires, sur l’Europe de l’est, sur les 26e rencontres internationales des écrivains à Belgrade dont il compare l’ambiance à celle qu’il y avait quelques jours plus tard au Carrefour des littératures européennes à Strasbourg, un appel à l’insurrection, un texte dans lequel il raille le nationalisme, un autre sur un voyage dans son pays d’origine, etc. Des avis discutables ou pas, mais là encore, rien de spécialement « rouge-brun ». Les appréciations de Nabe sur ces textes, lorsqu’elles avaient lieu, variant dans son Journal intime d’« incompréhensible » à « excellent ». Avant votre « prise de conscience » de la fin des années 80 (je vous laisse la responsabilité de ce flou chronologique), Nabe dans son Journal n’avait donc pas moins de raisons de considérer Limonov autrement que comme un « Russe funky » que vous de le soutenir, puisque ce dernier ne participa à la fondation du Parti National Bolchévique qu’en 1992.
En revanche, vous auriez pu savoir, si vous vous étiez intéressé à l’épopée de L’Idiot autrement qu’en idéologue, qu’en 1989, Françoise Verny fit publier La Grande époque de Limonov chez Flammarion. Or, L’Idiot publia dans son numéro 17 du 6 septembre 1989 un texte mettant en scène Alexandre Jardin et cette dernière. Elle n’apprécia pas du tout. Limonov prit peur et exigea que L’Idiot publie une réponse pour se désolidariser du texte de Nabe, le qualifiant de nihiliste et menaçant L’Idiot de le « déserter ». Jean-Édern Hallier s’y refusa et préféra même enfoncer le clou en rajoutant quelques amabilités sur Françoise Verny dans un texte publié dans le numéro 19 du 27 septembre 1989, et ce, plutôt que de laisser à Nabe le soin de blanchir Limonov aux yeux de Flammarion. L’avenir de Limonov chez cet éditeur étant désormais plus que compromis par ce « dégât collatéral », il se résigna finalement à se contenter de L’Idiot. On peut donc se demander ce que serait devenu Limonov si Nabe ne lui avait pas involontairement barré le chemin qui mène aux succès éditoriaux.
À ce propos, pourquoi avoir tu l’atlantisme et le pro-croatisme et d’Alain Sanders lorsque vous avez évoqué sa présence dans les colonnes de L’idiot, puisque vous insistiez tant sur le pro-serbisme de Limonov ?
Ceci pour vous éclairer sur la nature des relations qui régnaient à cette époque dans la rédaction de L’Idiot. Nous sommes donc plus proches d’une Cour des miracles que du grand laboratoire rouge-brun et serbolâtre qui vous fait tant fantasmer. J’ajoute que l’autre texte du numéro 26 du 8 novembre 1989, que vous signalez souvent comme antisémite est signé Milena Cohen-Yankovitch et que contrairement à vous, j’y vois plutôt un texte de nature à servir de modèle à la rhétorique des ultras du sionisme à la Guy Millière. Vous en avez d’ailleurs expurgé la signature et les passages antipalestiniens lorsque vous l’avez reproduit dans Nazis dans le métro, édité un mois après l’avoir recopié in extenso dans L’Obscène alliance des contraires dont vous déclarez avoir mis « la dernière main » fin décembre 1995 dans Le Jeune poulpe contre la Vieille taupe : chronologie d’un combat des profondeurs... Pourquoi ? Auriez-vous entre temps pris conscience qu’au regard de l’intégralité du texte, quelque chose clochait dans vos accusations ? N’ayant pas trouvé d’autres traces de la signataire de ce texte, il est néanmoins possible que vous le considériez comme antisémite dans la mesure où sa nature serait similaire à celle du Protocole des sages de Sion. Mais dans ce cas, c’est à vous de le prouver. Si vous vous révélez incapable de le faire, vous nous prouvez tout simplement que vous êtes idéologiquement incapable d’imaginer que de telles insanités antipalestiniennes puissent être produites par des sionistes. À ce propos, comment pouvez-vous ignorer que l’un d’entre eux, imitant les méthodes de Matveï Golovinski, enchaîna de force feu Martin Luther King à sa cause ? J’attends toujours qu’Amnistia.net le dénonce.
Au fait, Monsieur Daeninckx, vous reprochez en 2005 à des anciens de L’Idiot comme Francis Combes d’avoir signé une pétition contre le traité constitutionnel européen en compagnie de gens comme Claude Karnoouh ou Jean-Paul Cruse, sous prétexte qu’« une fois, ce peut être une faute d’inattention. Deux fois, ne reste que la faute ». Or, vous déclarez en 2004 lors d’une interview pour la revue Mauvais genres avoir violemment réagi « dès 1989, aux premières manifestations de collusion » rouge-brune. Soit. Mais alors, comment le grand vigilant que vous êtes peut-il s’être laissé berner par la suite, en partageant avec Limonov en juin 1991, les colonnes du dossier « création » d’un numéro spécial « culture-idées » du magazine Révolution ?
Au Régal des vermines, antisémite ?
Vous citez par la suite un extrait du Régal des vermines qui atteste avec honnêteté de la censure éditoriale de Barrault sur certains passages concernant les Juifs et dans lequel Nabe explique qu’il ne comprend pas qu’on se permette de faire la promotion des quolibets sur les Noirs, les Corses ou les Bretons tout en interdisant ceux sur les Juifs. Je ne vois personnellement pas ce que l’évocation d’ « un yiddish barbu à petites couettes en train d’enculer un cochon » pourrait avoir d’antisémite mais si c’est le cas, c’est alors tout aussi bien dans Hara-kiri que dans les sketches de Michel Leeb sur les Suisses, les Chinois ou les Africains qu’il faut trouver une source à l’antisémitisme non allusif dont vous gratifiez Nabe. Ce qui risque de vous donner beaucoup plus de travail que prévu en amont... Vous pourriez même remonter jusqu’aux parentés à plaisanteries africaines.
Sur les passages suivants du Régal des vermines que vous citez, vous nous prouvez que contrairement à ceux qui reprennent vos « arguments », vous l’avez au moins lu. Ça change aussi de ceux qui se contentent de recopier le réquisitoire de Gérard Miller. Mais c’est encore pire puisqu’à moins que vous ne soyez bêtement bégueule au point de ne pas supporter la simple graphie du mot « bicot », vous lui avez fait dire tout comme Miller le contraire de ce que je pourrais lui faire dire en décontextualisant tout autant que vous un extrait tiré du même chapitre :
« C’est là que Céline était resté antidreyfusard, et puis c’est tout. Pour lui, le Juif, c’était Satan. En fait, c’est Dieu. Le Juif est l’inférieur ? C’est le Supérieur. Il perd le monde ! La vérité est qu’il le sauve. »
Alors un peu de sérieux, Monsieur Daeninckx ! Nabe n’a pas plus de raison de rougir de ce qu’il écrivit à cette époque que de s’en rembrunir. Laissez au moins aux causes que vous défendez la liberté de ne pas vivre assujetties à ce que je considère comme rien de plus qu’une bête rage d’auteur lorsqu’il se retrouve face à un texte d’écrivain. Jérôme Garcin, que vous citez par la suite comme étant l’un des seuls à avoir eu « le courage de dire ce qu’il pensait du livre » (il faisait en réalité partie de la majorité des gens de lettres) s’est d’ailleurs ravisé par la suite sur ce qu’il pensait de Nabe. Avec un peu d’humilité et d’honnêteté, vous-même comme votre œuvre gagneriez à suivre son chemin.
Vous vous posez ensuite cette question : pour quelle raison Bernard Pivot invita-t-il Nabe lors de son Apostrophes de 1985 ? Question à laquelle vous ne répondez d’ailleurs pas (ne serait-ce pas justement à cause de ces fameuses raisons de style que vous reprochez à ceux qui ont osé le « défendre » ?). Puis vous semblez saluer le geste de Georges-Marc Bénamou qui se déplaça dans les studios d’Antenne 2 afin de lui infliger un coup de poing (et non une gifle) après l’émission. Il est en effet assez amusant de constater qu’en 2007, à la veille de devenir pour un temps conseiller spécial de Nicolas Sarkozy (un pro-israélien amateur de Céline) cet ancien confident préféré de Mitterrrand considérait que ce coup avait permis à Nabe « de ne pas devenir complètement fasciste ». C’est bas, c’est mesquin, les bras m’en tombent, mais même pour en arriver là, vous avez encore du chemin à faire, Monsieur Daeninckx.
Nabe aurait-il écrit dans Aujourd’hui ?
Pour terminer d’accabler totalement Nabe, vous l’accusez de ne pas avoir reproché à Céline ses pamphlets, arguant du fait que celui-ci aurait désigné Robert Desnos aux nazis le 17 mars 1941 à la suite de la mauvaise critique que ce dernier fit des Beaux Draps dans un Aujourd’hui du 3 de ce mois. Là encore, vous recouvrez de votre idéologie la stricte vérité historique :
D’abord parce que si la réponse de Céline a effectivement permis de soupçonner que Desnos cachait des origines juives (ce que ce dernier a pu facilement démentir), il n’en reste pas moins que Céline n’hésitait pas non plus à affirmer en 1944 face à un Otto Abetz sidéré que les nazis étaient tellement nuls qu’ils ne s’étaient même pas aperçu que les Juifs avaient tué Hitler pour le remplacer par l’un des leurs. Ce qui relativise beaucoup l’anecdote.
Ensuite, vous tordez encore la vérité lorsque vous omettez de signaler que le journal pour lequel Desnos écrivit -à l’instar de beaucoup de critiques collaborationnistes- cet avis négatif sur Les Beaux draps était à cette époque dirigé par un certain Georges Suarez, à tel point ouvertement collabo qu’il fut le premier journaliste condamné à mort lors de l’épuration en novembre 1944. Certes, Desnos fut en effet arrêté le 22 février 1944 pour avoir fait partie du réseau AGIR auquel il transmettait des informations confidentielles parvenues au journal, tout en fabriquant par ailleurs de faux papiers pour des Juifs ou des résistants en difficulté (son appartenance à ce réseau n’est confirmée qu’à partir de l’été 1942, soit peu après que les services de la SS furent chargés de rechercher, d’arrêter et de déporter tous les Juifs de France, qu’ils aient été précédemment internés ou pas par l’État français depuis octobre 1940). Mais nous ne pouvons que constater que les accusations de Céline n’eurent jamais les conséquences que vous insinuez sur son sort puisqu’elles précèdent de près de trois ans cette arrestation. Remarquez aussi que Robert Denoël, éditeur de Céline, fut convoqué par le lieutenant Weber, représentant des autorités allemandes chez Hachette à propos de la mise en vente de ce pamphlet une semaine après la publication de l’article de Desnos. Ce qui me permettrait, si j’utilisais vous méthodes, d’insinuer à mon tour que Desnos ne fut pas pour rien dans cette convocation.
D’ailleurs, même avant le jour ou Henri Jeanson, créateur d’Aujourd’hui en aout 1940 (avec l’accord des autorités allemandes) démissionna de la direction du journal pour laisser sa place à Suarez (biographe officiel de Pétain), Desnos y rédigeait des billets d’humeur dans lesquels il s’inquiétait de savoir que des gens pouvaient en menacer d’autres d’aller se plaindre à la Kommandantur pour de simples problèmes de voisinage, sous prétexte qu’elle devait « avoir des occupations plus sérieuses », ou qu’elle avait « tout autre chose à faire que de s’occuper de leurs petites querelles, autre chose à faire que de les recevoir ». Pas de quoi en faire selon moi le roi des collabos. Pas non plus de quoi en déduire que ce serait lui qui aurait prévenu la Kommandantur qu’un pamphlet de Céline est une occupation plus sérieuse, mais reconnaissez au moins qu’il aurait pu se passer de ces propos dignes d’un Philippe Bouvard de l’époque, qui n’eut pourtant jamais accès aux colonnes de L’Idiot international. Aujourd’hui, de braves gens, probablement de bonne foi, tel Rodolphe Urbs, libraire de son état, peuvent tranquillement affirmer lors d’interviews, sous couvert de Michel Bounan dont il ne sait pas d’où il tient ses sources que « c’est Céline qui a balancé Desnos à la Kommandantur ».
À ce propos, pourquoi nous cachez-vous que Desnos, que vous n’élevez que pour rabaisser Céline, écrivit aussi dès 1925 un Pamphlet contre Jérusalem que vous ne pourriez selon vos critères que juger comme antisémite, ne serait-ce que parce qu’il nie l’être et y parle des Juifs comme d’une race ? Par peur du ridicule qui vous conduirait alors à dénoncer Aragon comme révisionniste sous prétexte qu’il a écrit un poème à la gloire de Desnos ? Assumez jusqu’au bout vos biais et raccourcis, Monsieur Daeninckx ! Soyez ridicule si tel est votre bon plaisir, mais restez au moins cohérent dans le ridicule, que diable !
Au fait, puisque nous en sommes à des questions de cohérence, il ne tiendrait qu’à moi de vous accuser d’avoir collaboré avec Tardi entre 1997 et 1999 pour les bandes dessinées La Der des ders, puis Varlot soldat puisqu’en 1989, Tardi illustra Casse-pipe de Céline dont (circonstance certainement aggravante à vos yeux) la rédaction fut concomitante à celle de Bagatelles pour un massacre, que le ministre de la justice Paul Marchandeau fit interdire en mai 1939 par décret. Ce qui ne l’empêcha pas de voter un peu plus d’un an plus tard les pleins pouvoirs à Pétain dont le gouvernement fit interdire Les Beaux draps en zone dite libre dès décembre 1941. Cet aparté pour vous faire comprendre que le régime de Vichy, qui ne s’est pas gêné pour organiser l’internement, puis pour collaborer à la déportation des Juifs pouvait être tout aussi allergique que vous aux écrits de Céline. Dois-je en déduire que vous êtes pétainiste ou que l’histoire est plus complexe que ce qu’il vous arrange de laisser croire ? Je vous laisse le choix. Mais quoi qu’il en soit, vous qui vous piquez tant d’avoir une « connaissance intime de l’histoire des années 30 » léguée par votre grand-père, il va falloir vous résoudre à ce que d’autres en aient une peut-être pas aussi intime, mais bien plus précise que la vôtre.
Nabe négationniste ?
Enfin, Le 17 juillet 2001, Enrico Porsia annonce sur le site Amnistia.net (dont il est le directeur) que celui de Marc-Édouard Nabe est passé « à un stade supérieur » en appelant à « fonder un commando pour faire exploser la tête de cet enculé » (NDR : de Daeninckx). Cette révélation précédée comme il se doit d’une phrase indiquant que la cause d’un tel appel est due au fait que « Didier Daeninckx est la cible de l’extrême-droite antisémite en raison de son combat contre le négationnisme »... Monsieur Daeninckx, votre directeur Enrico Porsia serait-il quant à lui négationniste au point de nier jusqu’à la réponse, pourtant de notoriété publique depuis au moins août 1996, que cette façon d’usurper l’histoire inspira à Nabe ? En fait, vous êtes les parfaits symétriques d’Olivier Mathieu qui écrivait à L’Idiot pour traiter Sollers, Hallier, Besson et Nabe d’enjuivés. Quant à la phrase suivante, elle affirme que « le 15 juin 2001 un groupe appartenant à la mouvance de "l’ultragauche" parisienne est passé à l’acte au "festival du polar", place de la Bastille à Paris ». Parmi les personnes ayant composé ce groupe qui se contenta en réalité de vous chahuter, vos services en relèvent quatre : Serge Quadruppani, Hervé Delouche, Thierry Jonquet et Gérard Delteil. Monsieur Daeninckx, pouvez-vous affirmer sérieusement que ces quatre chevaliers de votre apocalypse vous furent envoyés par Marc-Édouard Nabe depuis l’île de Patmos pendant qu’il écrivait Alain Zannini ?
Vers fin 2002 - début 2003, votre directeur annonce dans le numéro 26 d’Enquêtes interdites que la rédaction a porté plainte en avril 2001 après que des « "menaces de mort" explicites » contre Daeninckx ont été lancées depuis le site « de l’écrivain d’extrême-droite Marc-Édouard Nabe ». Le site qui lui était dédié à cette époque et qui était tenu par Frédéric Vignale dura au moins jusqu’à septembre 2001. Il a aujourd’hui disparu et je n’ai donc ni les moyens de vérifier l’authenticité de ces menaces, ni ceux de les réfuter. Mais je n’ai à ce jour pas non plus entendu parler des conséquences de cette plainte. Je ne doute pas en revanche qu’après de telles affirmations, Monsieur Porsia soit en mesure de produire des éléments probants (copies-écran, scans de procès verbaux etc.) de ce qu’il avance. Mais revenons un instant sur la structure de cet article : Enrico Porsia y parle de Nabe dans un texte consacré à la mouvance Unité Radicale dont Maxime Brunerie qui tenta d’assassiner Jacques Chirac le 14 juillet 2002 faisait partie. Nabe n’a bien sûr jamais eu aucun rapport avec ce groupe. Mieux : lors d’une interview pour le numéro 7 de la revue Cancer !, il ne parle pas de Brunerie comme d’un adepte de sa prose mais de celle de Maurice-G. Dantec. Suite à la dissolution du groupe consécutive à cette tentative d’homicide, deux de ses dirigeants fondèrent le Bloc Identitaire avec lequel Dantec entretint début 2004 une correspondance publique nous apprenant en substance qu’il serait prêt à les soutenir moyennant quelques accommodements idéologiques avec les politiques des U.S.A. et d’Israël. Je viens à l’instant de vérifier le nombre d’occurrences sur Dantec dans votre site via son moteur de recherche : bredouille. Ceci expliquerait-il cela ?
Entendons-nous bien : mon propos dans cette lettre ouverte ne vise qu’à rétablir Marc-Édouard Nabe et exclusivement Marc-Édouard Nabe dans un honneur que vous avez sali. Les autres personnes citées par moi dans cette lettre ne l’ont été que parce que vous les aviez citées vous-même ou pour les nécessités de ma démonstration sur l’inconsistance de vos méthodes. Aussi, si vous profitez de votre éventuelle réponse pour tenter de noyer le poisson en déviant sur d’autres aspects de ces personnes, sans rapport avec Nabe, je ne me sentirai pas concerné et vous renverrai vers des gens qui les connaissent plus en détail que moi. Les sites dans lesquels de fins connaisseurs interviennent ne manquent pas sur le Net.
En revanche, et toujours si vous me répondez, je souhaite que vous soyez à votre tour aussi précis et exhaustif que je pense l’avoir été. Si j’estime que vous n’avez pas répondu ne serait-ce qu’à une seule de mes réfutations, soit pour la réfuter à votre tour, soit pour l’admettre, je vous la rappellerai jusqu’à ce que vous ayez fait le tour complet de la question. Ce n’est qu’à ce prix que je continuerai notre conversation publique.
En ce qui concerne le pseudonymat que vous pourriez me reprocher, sachez que tout comme je ne reprocherai jamais à un auteur de profiter d’une identité qui lui permet de tirer des dividendes sur la notoriété, vous voudrez bien comprendre de votre coté que puisque je n’en ai aucune, je suis en droit de considérer que seule compte la vérité de mon propos qui ne me semble ni insultant ni diffamatoire.
Une petite anecdote pour conclure : dans son Journal, Nabe rapporte que Limonov lui avait dit avoir beaucoup apprécié un entretien qu’il eut avec Patrick Besson à propos de Brasillach. Voici ce que Nabe en disait : « Qu’on cesse d’en faire un martyr pour petits fachos ou un grand méchant loup pour petits chaperons roses, et il n’en restera rien ». Quitte à ne pas apprécier Nabe, vous auriez pourtant gagné à vous contenter de reprendre cette formulation à son égard. Elle pourrait d’ailleurs s’appliquer parfaitement à vous si je me contentais d’en permuter les termes.
Avec la certitude que ma missive vous aura bien plus surement explosé la tête que les menaces dont vous fûtes l’objet selon Monsieur Porsia, veuillez agréer, Monsieur Daeninckx, l’expression de mon impatience à lire votre réponse.
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