Lettre ouverte à Gabriel Attal sur le travaaaail
Monsieur Attal, à peine nommé 1er ministre, vous vous êtes rendu auprès des sinistrés du Pas de Calais. Une occasion de plus pour vous de parler de la France laborieuse. Sans grand rapport d’ailleurs, car le problème de cette pauvre dame était surtout d’avoir les pieds dans l’eau, en grande partie par la faute des pouvoirs publics que vous incarnez et qui n’ont pas su organiser le travail nécessaire d’entretien des divers rivières et fossés qui aurait à minima permis de limiter les dégâts.
Qu’à cela ne tienne, cela m’a permis une fois de plus d’entendre votre attachement à la France qui travaaaaaille. Comme la plupart de vos collègues politiciens qui pour la plupart n’ont que ce mot à la bouche, en parlant bien évidemment de celui des autres. Le leur n’a pas l’air de beaucoup les fatiguer. Si je vous mettais au défi de me citer un seul politicien qui aurait fait un burn out ou serait décédé avant 80 ans, vous seriez bien en peine d’y répondre.
D’un certain côté, je devrais m’en sentir flatté. Cela fait 33 ans que je travaille beaucoup : 35 heures en deux jours, des semaines de plus de 100 heures, 9 semaines d’affilées sans le moindre jour de repos, près de 20 ans sans pouvoir prendre la totalité de mes 5 semaines de congé annuels,…
Comme dit Maître Renard, tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Dès lors, lorsque je vous entends flatter les travailleurs dont je suis, je deviens méfiant et m’interroge sur à quel fromage vous vous attaquez.
En clair, au-delà de vos grands discours (il serait amusant de compiler toutes les interventions où vous prononcez le mot travaaaaail), qu’est-ce que la macronie, et ses prédécesseurs, ont fait pour nous, ceux qui bossent ?
A peine élu en 2017, M. Macron s’est empressé de faciliter la procédure pour les employeurs qui voulaient se débarrasser de nous, s’empressant également de compliquer ou décourager les procédures prud’hommales.
Qu’à cela ne tienne. En tant que salarié, je cotise et suis protégé si jamais je perds mon emploi. Le serais-je d’autant plus que les licenciements ont été facilités ? Que nenni. Au contraire, vous avez diminué la durée d’indemnisation chômage de 6 mois, 9 mois pour les séniors.
Pour le même prix d’ailleurs, alors que là où nos droits ont diminué de 25%, les cotisations y ouvrant droit ont été maintenues au même niveau.
Pour nous récompenser de toute une vie de labeur, vous nous avez rajouté deux ans de plus en 2023 malgré nos protestations. Ces deux ans ne font que se rajouter à ceux que nous avaient déjà imposés Nicolas Sarkozy, aux 6 mois de Mme Tourraine, et une ou deux autres réformes que je ne sais même plus à qui attribuer. En tout, 4 ans de plus sur l’âge légal de départ à la retraite, et 6.5 ans de plus sur la durée de cotisation. Excusez du peu. Depuis 33 ans que je suis en emploi, et malgré l’accroissement du taux de chômage, vous me demandez de travailler 2000 heures de plus sur une vie, en ayant d’ailleurs le culot d’affirmer que c’est la réduction du temps de travaaaail qui est responsable de tous les maux.
Gonflé de la part d’un gouvernement qui vise un taux d’emplois des 64 ans de 75 % d’ici 2030 (contre 36 actuellement) de nous demander de travailler deux ans de plus avec 25% de chances d’être au chômage pendant cette période. Au mieux.
J’en profite pour remettre l’article que j’avais écrit à l’occasion de la dernière réforme des retraites : Une autre vision de la question des retraites - AgoraVox le média citoyen
J’ai beaucoup apprécié votre argumentation sur la loi immigration et sur la nécessité de faire passer une loi qui était demandée par une majorité de Français. A l’occasion de la réforme des retraites, vous avez été beaucoup moins à l’écoute de notre opinion. Auriez-vous la démocratie à géométrie variable ?
Enfin soit, je n’ai pas d’autre choix que de faire les efforts supplémentaires que vous m’imposez. Après tout, je me dois d’être patient. Cela va bien ruisseler un jour. Nous n’entendons d’ailleurs plus parler de ce fameux ruissellement. Il faut dire que dans un pays où la pauvreté a augmenté alors que la fortune des plus riches a explosé, un tel discours aurait du mal à rester crédible.
Au moins puis-je espérer que mes conditions de travaaaail s’améliorent.
Vraiment ?
Mon salaire relatif par rapport au coût de la vie a-t-il progressé ? Non, au contraire. Le simple prix du carburant nécessaire à mes 60 Km quotidiens pour aller travailler a explosé. Sans parler du reste.
Ai-je plus de facilité à recruter un collègue pour me donner un coup de main en cas de besoin ? Pas plus. Je suis obligé de faire un volume d’heures supplémentaires conséquent pour pallier au fait que nous n’ayons pas réussi à remplacer mon collègue démissionnaire malgré qu’il y ait encore des millions de chômeurs. Encore une question que vous n’avez pas réussi à régler. Pourtant, s’il y a un mérite qu’on peut reconnaître à M. Macron, c’est d’avoir réussi à tenir la promesse de François Hollande d’inverser la courbe du chômage. Dommage, elle était pourtant repartie à la baisse. Et encore, on pourrait se pencher sur la pertinence des chiffres que vous utilisez pour vanter vos exploits.
Peut-être au moins mes efforts ont-ils été payants dans ma vie de tous les jours.
Mon accès à la santé a-t-il été facilité ? Bien évidemment non. Désertification médicale oblige, j’ai renoncé à mon détartrage annuel faute de dentiste. Ne parlons pas des délais d’attente qui s’allongent si je dois passer aux urgences. Après les carences révélées par la crise COVID, vous avez réussi l’exploit de fermer 7000 lits supplémentaires en 2022.
La sécurité ? J’ai eu une voiture fracturée lors des 40 premières années de ma vie. Sur les 14 dernières, ce nombre est passé à trois et mon logement lui-même a été cambriolé.
L’école de mes enfants ? Des classes surchargées, et encore heureux si l’équipe d’enseignement est au complet. Et quels enseignants ? Une partie d’eux recrutés par speed dating. Mesquins que vous êtes, vous mettez sur le dos des grandes vacances, trop longues à votre goût, la responsabilité des mauvais résultats scolaires. C’est oublier qu’il y a quelques décennies elles étaient moitié plus longues et le niveau scolaire était pourtant bien meilleur. Mais ça c’était avant que vous ne sabotiez l’attractivité du métier d’enseignant.
Alors, je vous le dis sans ambage, au lieu de vanter incessamment nos qualités de travailleurs, foutez-nous la paix. Cessez de nous passer de la pommade dans le dos pour dans le même temps nous faire travailler toujours plus, nous faire payer toujours plus, et pour nous donner toujours moins. Il vaut mieux que vous gardiez vos flatteries pour vous et que vous preniez conscience de la réalité de ce qu’est le travaaaail avant de le mettre sur un piédestal comme vous le faites. Tiens, d’ailleurs, une petite suggestion : si vous alliez travailler pour voir ce que ça fait ?
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