Lettre ouverte à Jean-Marie Cavada
Jean-Marie Cavada a choisi de se présenter sur une liste UMP plutôt que MoDem à Paris. Un militant UDF-MoDem désolé de ce choix lui écrit une lettre ouverte et évoque la liberté de parler chère au Mouvement Démocrate dans un parallèlisme évocateur avec un des personnages fameux de l’Iliade d’Homère.
Cher Jean-Marie Cavada,
C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris votre ralliement à la liste UMP à Paris. Je regrette profondément que vous choisissiez de vous présenter sur la liste d’un mouvement politique dont nous récusons, au MoDem, le programme politique, tout du moins, en l’état.
Il est vrai que plusieurs démocrates parisiens demandaient des primaires, mais justement, Mairelle de Sarnez a décidé de mettre en place un comité d’investiture dont le spectre politique (au sein du MoDem) est assez large.
Croyez-bien que si l’on demande leur avis aux adhérents parisiens, vous pouvez être certains qu’ils ne seront pas d’accord avec vous : pas d’accord pour rejoindre une liste UMP sans même avoir essayé de savoir ce que nous valons, car c’est cela qui nous donne notre force.
Aussi, nous ferons bloc autour de Marielle de Sarnez à Paris, pour soutenir l’émergence d’un MoDem fort à Paris.
En dépit de nos divergences, vous n’êtes pas notre ennemi, et, à devoir choisir, si vous êtes présent au second tour contre une liste autre que MoDem, je vous préfère à n’importe quel socialiste parisien (quand je dis vous, c’est vous, Jean-Marie Cavada, pas vos co-listiers !).
Vous n’êtes pas notre ennemi, et je condamne fermement ceux qui vous accusent d’aller à la soupe, car si tel était votre désir, vous auriez pu avoir une large part de la marmite depuis longtemps.
Cela dit, vous n’en portez pas moins un large tort au MoDem, en donnant un très mauvais exemple aux cadres de notre mouvement. Je ne souhaite pas votre exclusion et, si vous êtes élu, je continuerai à vous considérer comme un élu MoDem, mais vous, vous expérimenterez que ce sera à l’UMP que vous devrez votre élection, et à quel point cela pèsera sur votre liberté de parole.
Vous savez, il y a un rhéteur grec fameux dans l’Antiquité, du nom de Libanios, qui a vécu au IVe siècle après Jésus-Christ. Et ce rhéteur, qui était aussi avocat, avait mis au point toute une série d’exercices pour ses élèves afin de leur apprendre à argumenter.
Pour la beauté de l’art, il a choisi, dans un discours de démonstration, de prendre la défense d’un avorton dont il n’est question que 61 lignes dans l’Iliade d’Homère : il s’agit d’un être contrefait et boiteux du nom de Thersite, qui vocifère contre les principaux chefs grecs, Agamemnon, Achille et Ulysse.
Sa présence dans l’histoire se finit par quelques glapissemens et pleurs après avoir pris quelques solides coups de bâton d’Ulysse.
Mais le génial Libanios a eu une idée de génie : il a renversé les apparences en montrant comment Thersite, en choisissant d’attaquer de front Agamemnon, le roi des rois, qui s’arrogeait une large part du butin (le paquet fiscal de l’époque ?), et de tenir tête à Achille (le meilleur guerrier) et Ulysse (le plus astucieux) avait en réalité fait preuve d’un grand courage et avait usé de ce que les Grecs appelaient la παρρήσια que l’on traduit par liberté de parler.
Eh bien voilà, nous sommes sans doute tous des Thersite, au MoDem, nous sommes petits, boiteux, laids et contrefaits, mais il y a une chose à laquelle nous ne renoncerons jamais, c’est notre liberté de parler, notre parrhésia. Et vous, en choisissant de vous présenter sur la liste de l’UMP, vous l’avez largement hypothéquée.
NDLR : la traduction de l’Eloge de Thersite disponible sur le site du Portique.
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