Lettre ouverte aux électeurs de Mélenchon (et leurs amis)
L’espoir de porter au second tour de la présidentielle une force politique proposant un programme cohérent centré sur l’écologie, le partage des richesses, la refonte des institutions démocratiques et une diplomatie indépendante et respectueuse de la souveraineté des nations a été douché par une défaite amère.
Depuis le soir du premier tour, votre porte-parole et candidat a dû faire des choix difficiles (j’y reviendrais), que certains d’entre vous n’ont peut-être pas compris ou approuvés, mais qui s’inscrivent eux aussi dans une stratégie cohérente.
Ces choix ont valu à Jean-Luc Mélenchon, aux militants de la France insoumise et électeurs, de vives critiques dont le but semblait avant tout de casser une dynamique électorale et citoyenne.
Cette manœuvre, compréhensible de la part des partis politiques concurrents, a été amplifié par un matraquage médiatique visant principallement à démobiliser l’électorat « insoumis ». Le Monde Diplomatique, Acrimed, Marianne et de nombreux autres journalistes peu médiatisés témoignent de façon irréfutable du parti pris unilatéral des « grands médias » contre l’avenir en commun et son porte-parole actuel, Jean-Luc Mélenchon.
Bien entendu, Mélenchon a ses défauts. Certains éléments de langage sont regrettables, et nuisent à la diffusion des idées humanistes et écologistes contenues dans le programme. Ce n’est pas une raison suffisante pour tourner le dos à ces idées !
Ceci se veut donc un appel à la remobilisation. Ne laissez pas le doute et le désespoir vous empêcher de voter pour un candidat soutenu par la France Insoumise aux législatives. Au contraire, tâcher de convaincre vos proches d’en faire autant !
D’abord pour défendre les idées qui avaient reçu votre adhésion aux présidentielles. Seule une présence significative à l’Assemblée nationale permettra de faire entendre des propositions alternatives aux mesures du gouvernement Macron. Sans cela, l’opposition sera inexistante, contradictoire et réduite à dire « non » sans pouvoir formuler d’alternative.
Pour défendre la démocratie ensuite. Le parti LR et le parti socialiste ont déjà déclaré qu’ils ne se positionneront pas dans l’opposition et souhaitaient travailler avec le gouvernement. En clair, sans députés insoumis, sans groupe parlementaire, pas de réelle opposition et pas de démocratie.
Outre l’importance d’envoyer des députés à l’Assemblée, il faut adresser un message politique fort. Chaque voix fera gonfler le score national, chaque bulletin générera le droit à un euro de financement public supplémentaire pour les cinq années à venir, chaque « triangulaire » donnera plus de poids au mouvement, et donc aux idées. C’est pour ces raisons qu’il faut se déplacer le 11 juin, même si votre circonscription semble « perdue d’avance ».
De même, ne dispersez pas les votes au premier tour ! Le mode de scrutin nécessite (compte tenu de l’abstention) que le candidat termine dans les deux premières places ou recueille entre 20 et 25 % des voix pour participer au second tour. Et votez ! L’abstention favorise les gros candidats et empêche les forces intermédiaires d’accéder au second tour.
A l’inverse, les députés investis par En Marche risquent d’offrir une majorité absolue au président. 90 % des candidats sont « CSP+ » (et appartiennent donc aux 10 % les plus fortunés de notre pays). Leurs intérêts financiers et ceux des milieux dont ils sont issus risquent de ne pas être représentatifs de ceux de l’ensemble des concitoyens. Marianne a recensé pas moins de 17 lobbyistes de profession et 90 cadres supérieurs des grandes entreprises cotées en bourse parmi les investitures. Macron ne s’en cache pas, son projet à pour but de défaire le modèle social à travers la loi travail, qui va permettre de baisser VOS salaires, d’augmenter VOTRE temps de travail, de réduire VOTRE protection sociale et d’augmenter pour tous les risques de catastrophe industrielle.
La démocratie est en péril, défendons là !
C’est là mon message principal. La suite de ce billet fait un inventaire des principales critiques adressées à la France Insoumise et propose des réponses, dans le but de réconcilier les électeurs déçus de Mélenchon et de déconstruire le matraquage médiatique.
Réponses aux principales critiques à l’encontre de Mélenchon et de la France Insoumise :
1) Le refus d’appeler à voter pour Emmanuel Macron dans l’entre-deux tours
Ce refus est avant tout stratégique et s’inscrit dans une vision de long terme, à titre personnel Jean Luc Mélenchon a implicitement (mais clairement) indiqué voter pour Macron. Son absence de consigne devait permettre de respecter le choix des électeurs (consultés via le site internet comme annoncé un an auparavant) et de pouvoir ensuite offrir une alternative au FN dans les prochaines élections. Un appel en faveur de Macron condamnait la FI à rejoindre le système et aurait détruit tous les efforts de terrain qui ont permis un recul historique du FN. Je m’en explique en détail ici et là.
Notons enfin qu’en 2002 Jospin non plus n’avait pas appelé à voter Chirac
Le système médiatique et politique a pourtant largement déformé les faits en présentant la consultation des militants comme « une preuve du penchant fasciste » de JLM, en confondant volontairement l’absence de consigne de vote pour Macron comme une absence de consigne tout court (il y en avait pourtant une : pas une voix pour le FN) voir avec le Ni-Ni (le ni-ni signifie qu’il faut uniquement voter blanc, alors que JLM jugeait le vote Macron aussi respectable que le vote blanc).
2) L’absence d’union à gauche serait la faute de Mélenchon
Non. Au mieux, c’est une faute partagé entre les différents partis. Au pire, comme l’argumente ici un journaliste, c’est la faute des autres partis dit « de gauche ».
On rappellera simplement quelques faits :
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Le président du PCF avait indiqué dès janvier dans l’humanité qu’il n’y aurait « aucun accord » aux législatives. Le PCF a ensuite tenté de porter les électeurs à confusion en baptisant son programme « La France en Commun », en utilisant la photo de Mélenchon sur des affiches électorales et en reprenant le signe « front de gauche » (entité juridique datant de 2012 et n’existant plus depuis 2014)
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EELV a signé un accord électoral avec le PS en mars 2017, puis a fait campagne contre la France insoumise, qualifiant ce mouvement de « totalitaire » et « dangereux ». Le parti socialiste (allié d’EELV) avait publié la veille du premier tour un communiqué appelant à faire barrage à Mélenchon (et pas à Madame Le Pen !).
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Benoit Hamon souhaite créer un nouveau parti à gauche, mais seulement après les législatives ! En gros, on sauve les meubles en prenant les électeurs pour des idiots, et on prend les risques politiques ensuite.
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La charte législative de la France Insoumise permet de rejoindre la campagne sans quitter son parti d’origine (contrairement à En Marche) et de récupérer les financements vers le parti d’origine, réglant ainsi les problèmes d’argents et d’étiquette.
Donc, certes JLM a dit vouloir remplacer le PS (peut-on regretter ce fait quand on sait que ce parti veut travailler avec Macron, d’après son président Mr Cambadélis ?) mais pour autant est-ce uniquement la faute de JLM si l’alliance n’a pas eu lieu au niveau national ?
3) Mélenchon est un parachuté qui se présente à Marseille contre le PS et pas contre le FN
Le terme de parachutage n’a pas lieu d’être. Mélenchon est né en Algérie et a vécu dans de nombreuses régions de France, où devait-il se présenter ? De plus, il s’agit d’une élection uniquement nationale, le député n’a aucun pouvoir local. Enfin, aucun autre candidat n’a été traité de parachuté il me semble (pourtant Marine Le Pen est de la trinité-sur-mer [Bretagne] et se présente à Hénin-Beaumont [Nord]). Il s’agit donc d’une forme d’hypocrisie de la part de ceux qui emploient ce terme.
De même, ce n’est pas contre le PS qu’il va à Marseille (les sondages donnent Mennuci 3e à 11 %) mais contre la candidate d’En Marche (donnée à 25 % au 1er tour et 47 % au second).
4) Mélenchon ne chercherait pas à lutter contre le FN
Historiquement, Mélenchon s’était rangé du côté de ceux qui voulaient faire interdire ce parti (début 2002) sur la base que puisqu’il est considéré antirépublicain, il devrait être interdit (logique, non ?). Ensuite, en 2012, Mélenchon était allé se frotter à Marine Le Pen dans la circonscription où elle s’était « parachutée » du fait de son score très élevé. Le PS y avait fait campagne contre Mélenchon. Pendant la campagne 2017, ce dernier fut parmi les plus virulents opposants à Marine Le Pen, la citant souvent dans ses meetings pour combattre ses idées (cf cette vidéo émouvante) et l’avait maintes fois interpellée pendant les débats TV, sacrifiant ainsi du temps de parole et prenant le risque d’apparaître pour un excité.
Ensuite, il se trouve qu’à Marseille une championne du monde de boxe de 25 ans, par ailleurs doctorante en droit criminel, est déjà en campagne contre le FN pour la FI.
Enfin, les mêmes journalistes qui accusent Mélenchon de renoncer au combat contre le FN invitent les représentants du FN sur leurs plateaux TV et radios, alors qu’aucune loi ne les y oblige ! Ce qui prouve bien le niveau d’hypocrisie...
5) Mélenchon serait un politicien comme les autres qui se présente pour avoir un poste.
C’est un choix stratégique. Pour pouvoir peser dans le débat public et à l’Assemblée nationale. Peut être que s’il n’avait pas été candidat, il n’aurait pas attiré autant de critiques. Mais pour prétendre à gouverner ou à incarner l’opposition, il faut bien se soumettre au suffrage. S’ils ne s’était pas porté candidat, on l’aurait accusé de lâcheté.
6) La polémique autour de Cazeneuve et Rémi Fraisse
Mélenchon a glissé dans un meeting la phrase « Cazeneuve, celui qui a organisé l’assassinat de Rémi Fraisse ». Et pour cette phrase qu’il a reconnu malheureuse (il aurait dû dire « homicide ») il s’est fait taillé en pièce. Pendant ce temps, Rémi Fraisse est bien mort suite à un coup de grenade reçu sur la tête lors d’une manifestation écologique (personne ne conteste ce fait). Les journalistes ayant enquêté sur l’affaire concluent que la responsabilité est du côté du ministre.
Faites-vous votre propre opinion en regardant le contexte de cette phrase ou Mélenchon parle sans notes et avec le débit d’un rappeur (ici), puis regardez comment il explique avec émotion ce dérapage dans cette vidéo.
7) Mélenchon serait convoqué par la justice dans l’affaire des Panama papers
Alors s’il vous fallait un exemple du parti pris des médias, en voilà un beau. Tapez « Mélenchon + panama papers » sur google et vous apprendrez que JLM est convoqué dans cette affaire. JLM auteur de fraude fiscale ?
Non, la vérité c’est que la Société Générale, une des 11 banques mondiales jugées « too big to fail » attaque en justice un homme politique en pleine campagne pour des propos qu’il a tenus il y a un an, lorsque le directeur de la banque en question avait déclaré à l’Assemblée nationale que la SoGé n’avait rien fait dans l’affaire des panamas papers (ce qui serait à priori un mensonge, selon JLM).
8) Mélenchon serait « agressif »
En sortant des mots de leur contexte, certains médias et hommes politiques tentent de faire passer JLM pour un fou furieux. Cet exemple vous donnera une idée de l’ampleur de la supercherie.
Conclusion
Si vous avez soutenu Mélenchon aux présidentielles, il n’y a aucune raison objective de baisser les bras maintenant, ni de continuer à convaincre autour de vous. Même si dans votre circonscription le candidat FI n’a aucune chance de gagner, chaque vote renforce le mouvement et garantit la diffusion de ses idées. Compte tenu de la forte abstention anticipée, si chaque électeur de Mélenchon vote de nouveau aux législatives, la France Insoumise peut remporter plus de cent députés, voire gouverner le pays. Ce scénario est peu probable, mais il ne tient qu’à vous de le concrétiser en allant voter et en convaincant tous vos proches ayant votés JLM de le faire une fois de plus.
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