Lettre ouverte d’un mathématicien à Cédric Villani sur la rationalité dans le contexte pandémique actuel
Le 22 avril 2020
Monsieur le député Cédric Villani,
Je viens de prendre connaissance de votre intervention sur Radio Classique, qui date de ce lundi dernier [1]. Un passage m'a laissé interdit, stupéfait. Interrogé par Guillaume Durand sur l'attitude à avoir vis-à-vis des propositions thérapeutiques du Professeur Raoult, vous répondez en citant Poincaré, qui met en complémentarité intuition et rigueur, ou disons rationalité. Et ceci pour placer Raoult au niveau de l'intuition, et les
autorités de santé au niveau de la rationalité !
Certains auditeurs auront peut-être interprété votre intervention comme manifestant un certain équilibre, une certaine réserve, voire même un compliment au Professeur Raoult. Ce n'est
certainement pas mon cas.
Car comment est-il possible de sous-entendre qu'il n'y a pas de rationalité dans l'attitude du Professeur Raoult, médecin, chercheur, homme de responsabilités à la tête d'un établissement de 800 personnes, chercheurs, doctorants, soignants, administrateurs, et de multiples autres fonctions, établissement qui sous ses instructions a mené à bien le "testing" de plus de 35.000 personnes sur Marseille et a appliqué son protocole à 3.000 d'entre eux, pendant que dans le même temps d'autres équipes à Marseille elles aussi finalement ont suivi ses préconisations, avec des résultats probants, comme les comparaisons avec d'autres
métropoles le démontrent.
Il ne s'agit pas d'« intuition » là, il s'agit d'action. D'actionsalvatrice.
En « face » (hélas !), vous semblez voir la rationalité. En tant que mathématicien, professeur des universités, je suis censé avoir une certaine familiarité avec la rationalité. Mais où est-elle, cette « rationalité », dans la prise de mesures interdisant aux médecins de prescrire une molécule connue depuis 70 ans, l'une des plus utilisées de toute la pharmacopée de
l'après-guerre ? On sait qu'on peut tuer avec 10g de paracétamol et on peut aussi tuer (à ce que je lis) avec quelques grammes de chloroquine. Mais le dosage recommandé par Raoult (pour l'hydroxychloroquine réputée 3 fois moins toxique que la chloroquine) n'est pas bien supérieur à celui que l'on prescrit de manière chronique à des patients atteints de lupus ou polyarthrite rhumatoïde. Des dizaines de sources le confirment.
Si Raoult a raison, ce sont des milliers de vies qui auraient pu être sauvées en France ces deux derniers mois. Pour combien d'accidents cardiaques ? Une étude de l'Agence nationale de sécurité du médicament rapporte 312 cas d'effets indésirables, dont 21 cardiovasculaires, sur les ventes de 3.987.854 de boîtes entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, comprenant chacune 30 comprimés dosés à 200 mg. [2]
Où est la rationalité de ces chercheurs qui s'arcboutent sur des protocoles expérimentaux élaborés pour, par exemple, l'étude de l'impact de la testostérone sur le chute des cheveux ? Leur position, avec à leur tête Madame Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel, me semble en totale opposition à l'éthique la plus élémentaire : les statistiques italiennes nous le font savoir
depuis deux mois, au-delà de 80 ans et traité au paracétamol c'est au minimum 10% de létalité.
La Science va en sortir totalement décrédibilisée. On accuse le Professeur Raoult de ne pas monter des protocoles consistant de manière certaine à sacrifier des dizaines de vies, mais en parallèle on lance un essai clinique Discovery qui a incorporé de manière dénaturée le protocole Raoult. Ceci est bien documenté inutile de m'appesantir. C'est presque une blague tellement c'est incroyable.
Le décret [3] en deux temps du 26 mars 2020 qui a, on ne sait apparemment même pas sous l'autorité de qui exactement en ce qui concerne sa formulation précise, restreint l'emploi compassionnel du protocole Raoult non seulement au seul milieu hospitalier mais surtout uniquement à des patients « oxygéno-requérants », apparaît comme une atteinte extrêmement profonde à la liberté des médecins de tenter de sauver leurs patients, et d'une manière générale nous donne l'image d'un État indifférent aux vies humaines. Et inutile
de parler des pauvres pions au bout de la chaîne, ces petites fourmis insignifiantes, les êtres humains qui se trouvent interdits de tenter quoi que ce soit pour sauver leur peau.
Nous autres mathématiciens ne sommes certainement pas d'une bien grande utilité à l'Humanité en comparaison à des figures (qui ont eu certainement leurs défauts, mais qu'importe ?) telles que Pasteur, Koch, Fleming et peut-être maintenant dans le contexte de
cette pandémie de Covid-19 le Professeur Raoult. Veillons à ne pas basculer dans le camp des monstres à sang froid, aux liens avérés avec les industriels du médicament, et qui se montent du col en s'imaginant incarner la rigueur scientifique, là où en fait ne réside plus qu'une inhumanité effrayante. Et une profonde irrationalité, pour eux qui sont censés être garants du bien-être humain.
Veuillez agréer, monsieur le député, l’expression de mon profond
respect.
[1] L'invité de Guillaume Durand, Radio Classique, lundi 20 avril
2020
https://www.radioclassique.fr/radio/emissions/matinale-de-radio-classique/linvite-de-guillaume-durand/#livePlayer
[2] Un collectif de médecins cite une étude de l'Agence du
médicament pour prôner l'usage de la chloroquine
https://www.lci.fr/sante/covid-coronavirus-un-collectif-de-medecins-cite-une-etude-de-l-agence-du-medicament-pour-proner-l-usage-de-la-chloroquine-2150600.html
[3] Décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n°
2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales
nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre
de l'état d'urgence sanitaire
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041759437&categorieLien=id
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