Leurres du sarkozisme : l’argent
"L’argent ne doit pas être un problème", est une des règles du sarkozisme. A l"inverse du christianisme pour lequel la main droite doit ignorer ce que fait la main gauche, les opérations d’argent ne doivent pas être dissimulées. Bien au contraire. Il faut qu’il y ait décomplexion et levée des tabous sur ces questions, quitte à forcer les esprits encore réticents à s’accommoder à cette manière de voir.
L’exemple emblématque est le séjour clinquant du président sur le yacht de l’ami milliardaire juste après les fastes du Fouquet’s célébrant l’élection. Puis l’auto augmentation de salaire de plus de 300 %. Il s’agit ici de crever l’abcès une bonne fois pour toutes en suscitant une telle indignation que celle-ci finira par retomber, se banaliser, bref à devenir inefficace et pour que s’établisse la pensée de l’argent dans les moeurs politiques. Plus récemment, l’attribution de sommes colossales et non méritées à Bernard Tapie par une commission arbitrale sous les ordres de l’Elysée, participe de la même stratégie politique de décomplexion et d’acquiescement progressif.
Pour faire passer ce type de décision, le sarkozisme a recours à un argument populiste : l’esprit de justice. Cette soif de justice est inhérente à toute revendication populaire. Il suffit de l’employer à bon escient par des déclarations du genre "Quoi ? Parce que je suis président, je n’aurais pas le droit de..." puis d’instiller les notions de légitimité, d’équité, d’égalité, des valeurs qui sont évidemment ici faussées puisque personne ou presque n’a le pouvoir de s’auto augmenter. Cette même invocation du "droit de" a servi à tenter de justifier l’emploi optimal des forces de police et du test ADN en vue de retrouver le scooter du fiston.Parfois les choses sont dites clairement : "Quoi, parce qu’on est mon ami, on aurait pas droit de bénéficier des attentions de la justice ("affaire Christian Clavier). Là aussi, on sait très bien que tout autre qu’un ami proche n’aurait pu obtenir une action publique aussi prompte sur simple coup de téléphone à l’hôte de l’Elysée. Mais l’argument fait mouche. Et il n’est rien de plus normal, puisque les citoyens sont touchés dans leur sens de la justice, du moins dans ce qu’il perçoivent comme étant la justice : la défense de ses intérêts propres et la comparaison avec le voisin qui "en reçoit toujours plus que soi".
C’est l’invocation opportune de la transparence. Cette transparence a bon dos. Invoquée ici, elle est écarté là. Ainsi n’entendrons-nous plus jamais parler de l’affaire immobilière sur laquelle le candidat Sarkozy avait juré de faire toute la lumière. Car l’usage de la transparence suit la même logique que toutes les choses pour le sarkozisme : il doit servir l’action du moment. Pareil pour les problèmes : ils n’existent que si l’on a besoin d’eux. Quand ils ne servent plus, ils n’existent plus. Les banlieues à feu et à sang regorgeant de racaille, de terroristes et de haut gangstérisme, cela existait avant l’élection. Cela n’existe plus aujourd’hui puisque ce nest plus utile et même ce serait néfaste au gouvernement que de les montrer. Pour que le problème existe, il faut décider qu’il existe puis laisser les médias en parler beaucoup. On a bien vu pour 2002 et l’élection de Chirac, la diffusion quasi 24 heures sur 24 d’images de voitures qui brûlent et de jeunes issus de l’immigration. Sarkozy a bien compris la méthode et l’emploie sans réserve. TF1 n’a pas hésité à briser la glace en déclarant durant sa campagne qu’évidemment la chaîne roulait pour Sarkozy et luttait contre les autres candidats. De façon générale, les médias suivent le mouvement impulsé par l’Elysée. Les seul problèmes dont il faut se faire l’écho sont ceux que l’Elysée et que son puissant service de communication voudront porter sur la place publique, soit ostensiblement soit en laissant fuiter l’information. Le maximum d’écho doit ensuite être donné à l’évènement même s’il est insignifiant.
La pénurie d’argent qui existait cruellement lors qu’il s’agissait de voter le mode de financement du RSA, n’est plus du tout un problème pour les centaines de miliards qu’il faut donner très vite aux financiers. On voit bien donc que tout problème apparaît ou disparaît au gré de l’opportunisme gouvernemental, pour les besoins du pragmatisme, dit-on. Mais ce pragmatisme n’est autre que le synonyme de servitude aux intérêts privés de l’oligarchie financière ou des courtisans et amis.
Dans les opérations de mise en scène, l’exhibition est mise en avant comme étant la transparence. Mais c’est une erreur de confondre les deux choses. Dans le premier cas, il s’agit purement et simplement de communication, voire de propagande gouvernementale. Et nous en revenons ainsi au coeur du sujet de cet article qui est le sarkozisme et l’argent. C’est que l’exhibition remplit aussi un rôle. Elle jette sous les projecteurs une question dans un but carthatique : il faut crever l’abcès une bonne fois pour toutes pour ne plus susciter l’indignation des foules. Faire diversion pour faire passer une mesure impopulaire ou mener une action discrète, fait aussi partie des procédés devenus habituels. Il peut s’agir d’autres fois de simplement exploiter l’évènement qui se présente. Ainsi, la crise et son effet d’aubaine.
Entre Sarkozy et l’argent, il y a un lien très fort qui peut aller jusqu’à l’aveuglement, une histoire d’amour partagée qui a conduit à la réussite d’un homme, devenu le premier représentant de l’aristocratie de l’argent en France, et qui exige de lui des services et des contreparties qu’il doit consentir en donnant le sentiment que c’est pour la juste cause, pour des raisons d’urgence, ou pour les véritables problèmes qui demandent à être traités en priorité, par la voie rapide et donc "personnelle". Le nombre de fois où le président a légitimé les mesures par la nécessité de s’occuper personnellement d’un dossier, est le signe inquiétant de la personnalisation du pouvoir et du succès de la stratégie sarkoziste.
Les leurres du sakozisme sont nombreux et nous ne sommes jamais assez vigilants sur les multiples formes qu’il peut adopter. Et surtout, nous n’en mesurons pas encore tous les effets dévastateurs à long terme...
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