Leurres du sarkozisme : les références historiques
Le 8 mai, célébrant la victoire de 1945 sur le nazisme, bientôt supprimé des commémorations officielles ? C’est ce que propose le très sarkoziste Jean-Pierre Jouyet. Cette position rappelle combien 1945 fait très peu partie des références historiques du sarkozisme. En revanche, certains faits montrent que le sarkozisme se rattache davantage à l’esprit de 1940.
Le sarkozisme préfère 1940 à 1945.
1945, une date répudiée par le sarkozisme :
Selon Le Journal du dimanche du 9 novembre, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, s’apprêterait à proposer la suppression du 8 Mai, comme célébration de la victoire sur l’Allemagne nazie. Ce jour serait remplacé par une journée européenne le 9 mai.
Cette offensive menée contre l’année 1945 n’est pas une surprise. Le sarkozisme s’est depuis longtemps éloigné du programme du comité de la Résistance. Quelques exemples : ce programme recommande sur le plan économique et social : "l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie" et "une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général". Mais aussi "le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques", "la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine".Or, on constate une opposition frontale entre le sarkozisme et ces idées.
Examinons point par point :
- L’intérêt général ne prévaut pas à la politique gouvermentale : on voit plutôt fleurir les cadeaux (bouclier fiscal, cadeau à Tapie, niche fiscale il y a quelques jours pour Bolloré, soutien financier colossal et inconditionnel aux banquiers, sous financement des politiques sociales, etc.)
- Les nationalisations n’ont pas la cote : Alors que le Royaume-Uni ou le Benelux, voire les Etats-Unis, la pratiquent comme remède à la crise financière, le sarkozsime, très attaché aux intérêts privés des riches possédants et financiers, les rejettent. Sarkozy et Fillon ont prononcé le mot récemment à propos des banquiers défaillants dans le crédit aux entreprises, mais ce n’était qu’un mot-épouvantail pour mieux écarter définitivement toute idée de nationalisation des banques. Le chef de l’Etat a été très clair là-dessus.
- La garantie du salaire et du traitement non ajustés à la perte de pouvoir d’achat : Là aussi, le sarkozisme s’oppose à l’esprit du Comité. Les salaires ne sont pas revalorisés pour compenser la perte de pouvoir d’achat, les traitements des fonctionnaires non plus.
Rappelons aussi pour mémoire les attaques fréquentes de Sarkozy contre l’Ordonnance sur l’enfance délinquante qui est aussi une oeuvre de la Libération, les coups de boutoir contre notre système de protection sociale créé en 1945, la suppression des réunions de la conférence de la famille instituée aussi en 1945.
Tous ces exemples montrent un sarkozisme très peu attaché au symbole de l’année 1945 et au gaullisme. En revanche, Vichy et 1940 reviennent en force.
Le retour de Vichy :
L’esprit de Vichy sort de l’ombre avec la présence tapageuse de Brice Hortefeux au sommet de l’intégration dans cette ville. Un appel du pied à l’extrême-droite ? Possible. La création du ministère de l’Identité nationale était déjà une concession de taille aux électeurs du FN. En tous les cas, ce choix est tout sauf un hasard au plan des symboles. Il s’agit de montrer le visage d’une droite décomplexée qui valorise les valeurs de Vichy : "Travail, famille, patrie". Sauf que l’un des éléments, la famille, n’est pas repris par le sarkozisme. Reprenons les trois termes de cette devise :
- Le travail : Le slogan "travailler plus pour gagner plus" signifie aux ouvriers, en gros, "débrouillez-vous tout seuls pour gagner plus, l’Etat n’ajustera pas les salaires pour les rendre plus décents." La remise en cause du repos dominical entre aussi en droite ligne de l’exaltation du travail.
- La patrie : La création du ministère de l’Identité nationale est à ce titre éloquent, ainsi que l’invocation de personnages historiques comme Jean Jaurès, Léon Blum et Guy Möquet, dans l’esprit de représenter la patrie dans ses diverses composantes. Mais la tenue du sommet de l’intégration dans la ville de Vichy vient célébrer une inquiétante conception de la patrie et instiller un état d’esprit bien particulier, du même goût que celui qui a conduit certains fonctionnaires à la délation d’immigrés sans papiers. Ces fonctionnaires n’ont fait qu’appliquer l’esprit du sarkozisme qui encourage la stigmatisation et la délation.
- Et La famille ? Eh bien, elle est ignorée ! La suppression des réunions de la conférence de la famille, instituée en 1945, est un symbole fort du délaissement de l’aspect familial dans la politique du oguvenrement. Tandis que le Travail et la Patrie sont remis à l’honneur, souvent excessivement, le gouvernement oublie la famille. Il n’a pas mis en place de politique familiale. Si 1940 revient en force, c’est seulement pour deux termes de la devise pétainiste. Les étendards du travail et de la patrie sont portés fièrement mais celui de la politique familiale reste en berne. On peut même dire que la politique familiale n’existe plus. En effet, le gouvernement ne mène aucune politique familiale au sens où on l’entend habituellement. La question de la famille est traitée de façon très parcellaire et dispersée dans divers textes de loi : loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 (articles 71 et 72), projet de loi de finances pour 2009...
Quand il y a conflit entre la valeur famille et une autre valeur de la devise, le gouvernement tranche nettement en faveur de la seconde. Ainsi, avec le travail dominical, la famille passera au second plan. Si le gouvernement se montre actif en matière familiale, c’est uniquement sur certains aspects : ceux qui touchent aux modes de garde. Il s’agit de permettre aux mères de travailler plus, y compris le dimanche, et de faire garder leurs enfants. De même, l’allocation parent isolé, qui sera supprimée et remplacée par le RSA, poussera les mères de famille à rechercher activement un emploi.
Tout laisse à penser que les dispositions en faveur de la famille se contentent d’essayer d’anticiper la casse que produiront les décisions économiques du gouvernement. Colmater ne fait pas une politique familiale ambitieuse !
Dans d’autres domaines du social, la politique du gouvernement est plus organisée : En matière d’insertion, il y a le RSA auquel tout le monde s’intéresse. La politique des personnes âgées se manifeste par le plan Alzheimer, si cher au président, le projet de cinquième risque, le plan bientraitance. La petite enfance semble choyée avec le futur droit de garde opposable. Mais ici les moyens en baisse constante ne permettront pas de rendre effectif ce droit opposable.
Point de politique de la famille digne de ce nom ! Mais allons plus loin ! La propagande aujourd’hui ne cherche-t-elle pas à rayer des mémoires toute date symbole de libération ? Ainsi 1968 dont Sarkozy voulait "liquider" tout héritage, 1968 qui fut, quoi qu’on dise, une année de grande libération d’énergie, un réveil de la société civile. Dans les apparences, le président Sarkozy semble avoir accepté l’héritage de 1968 sous bénéfice d’inventaire puisqu’il reprend très souvent le terme de "Grenelle" pour les réunions thématiques nationales (insertion, environnement). Mais il n’en est rien. Il s’agit là d’un des leurres de langage sur lesquels nous reviendrons dans un prochain papier de cette série sur les leurres du sarkozisme.
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