LGV Est : l’événement vécu « de l’intérieur » par un voyageur lambda
Depuis le temps que le thème du TGV Est occupe (en partie) la scène médiatique, il n’y en a eu jusqu’ici que pour les techniciens (construction, record du monde de vitesse sur rail...), puis les experts économistes (coûts, retombées attendues...) et, enfin, les politiques. Il était temps de donner la parole à ceux pour qui cette nouvelle ligne fera vraiment partie de leur vie.
La ligne Paris-Strasbourg, je la pratique depuis belle lurette. Normal, puisque mon épouse est de nationalité allemande (résidant juste de l’autre côté du Rhin, pas trop loin heureusement !) et que j’ai conservé mon job à Paris, par la grâce d’internet. Reste à assurer les indispensables allers et retours. Je connaissais donc par coeur les moindres coins et détours de l’ancienne ligne, même si de temps à autre j’avais le nez dans un bouquin ou sur mon clavier. Honnêtement, ce premier voyage n’était pas prévu avant le 18 et c’est un peu par l’effet du hasard et d’un coup de chance que je me suis retrouvé ce 10 juin à la mi-journée gare de l’Est à Paris, ma valise à roulettes dans une main et mon ticket à 15 euros (imprimé par mes soins) dans l’autre ! Direction Strasbourg avant de filer vers l’Allemagne.
Comme ce n’est pas la première liaison de la journée, les fanfares et les flonflons sont déjà partis mais il n’en règne pas moins une atmosphère inhabituelle dans ce lieu qui m’est plus que familier (et encore partiellement en travaux à ce jour, plus pour longtemps j’espère). Déjà, voir côte à côte (voies 3 et 4) un train ICE blanc crème/rouge et notre TGV bleu-blanc dans une gare française, c’est de l’inédit (il fallait pour cela aller en Suisse, pays carrefour des trains à grande vitesse européens). Et les conducteurs et personnels navigants de la Deutsche Bahn qui déambulent dans le hall principal ont l’air franchement contents d’être à Paris !
Puisque j’ai un peu de temps avant le départ, je déambule moi aussi en traînant ma valise. Pour découvrir que les trains Corail ont apparemment déserté les voies. Certes, on savait depuis plusieurs mois que la liaison Paris-Strasbourg par voie classique serait abandonnée dès le premier jour mais il y a toutes les autres, non concernées par la grande vitesse. En lieu et place, ce sont des rames automotrices du genre de celles que l’on voit couramment en province. Même lorsque sur le tableau (enfin, sur les nouveaux et très lisibles écrans plasma, ça aussi c’est tout bon !) il y a marqué "train corail intercités".
Mais l’heure tourne et mon numéro de voie est enfin affiché. Sur ce point, rien n’a changé et je ne peux que confirmer tout le bien que je pense des nouvelles rames TGV Est qui ont été déployées sur les voies classiques depuis plusieurs mois. Par chance, j’ai une place côté fenêtre. En temps normal, je réserve systématiquement côté couloir vu que je ne tiens pas en place et que j’ai horreur d’être bloqué par quelqu’un qui dort, mais aujourd’hui c’est spécial, et je ne veux rien perdre du paysage !
Le départ est prévu à 14 h 24 et c’est avec seulement 3 minutes de retard que notre TGV (n° 2365) prend son élan. Evidemment, pour la ligne à grande vitesse, il faut encore patienter quelques minutes. Mais une fois la gare derrière nous, on sent que ça ne va pas traîner ! Est-ce une simple illusion ? En tout cas, les gares de la grande banlieue Est défilent plus vite que jamais. A ma gauche (je suis assis de ce côté, dans le sens de la marche), sur des voies de garage, les vieilles limaces de la SNCF font grise mine. Les fameuses motrices de type BB (électriques) et CC (diesel), avec leur profil taillé à la serpe... vont-elles poursuivre leur carrière ailleurs ou se voir radiées du service ?
Mais foin de nostalgie, le regard scotché à la vitre, je scrute le panneau Vaires-sur-Marne, point de départ de la LGV. Le TGV s’incline légèrement et continue d’accélérer, laissant largement sur sa droite la voie classique par laquelle je suis revenu à Paris il y a seulement quelques jours. Enfin, nous y sommes ! Alors évidemment, ce n’est pas (loin de là même...) ma première expérience en TGV, dont j’ai déjà l’expérience sur les lignes Sud-Est, Atlantique et Nord (y compris le tunnel sous la Manche). Mais cette ligne a quelque chose de spécial, sans doute parce qu’elle contribue à rapprocher des régions perçues comme lointaines du fait d’un relatif éloignement géographique. Sans doute faudra-t-il encore un peu de temps avant d’assimiler cette "contraction de l’espace". Ce qui est sûr, c’est que d’un point de vue purement technique, cette LGV toute neuve est une vraie réussite. Le train semble glisser sur les rails et avoir arraché au ciel les sensations ouatées que l’on peut expérimenter dans un avion. Il n’y a pas d’annonce par haut-parleur (sauf celle de la voiture-bar !) mais il est évident que nous sommes à 320 km/h, soit la vitesse d’une F1. Le vacarme en moins... Tandis que sur l’autoroute A4 dont le tracé est quasiment parallèle, les voitures semblent presque à l’arrêt ! Quelques commentaires admiratifs dans la rame. Tandis que la dame à côté de moi, qui va jusqu’à Colmar, ne décolle pas les yeux de sa grille de mots fléchés. Bizarre quand même...
Autre évidence : nous sommes l’attraction du jour ! Sur les chemins qui bordent la voie, sur les ponts qui la surplombent, nombreux sont ceux venus "voir passer le TGV" ! Et qui font un petit bonjour de la main... A peine trois quarts d’heures de voyage et la cathédrale de Reims se profile à l’horizon. Première nouvelle gare : celle de Champagne-Ardenne. Ne me demandez pas de la décrire, je n’ai eu qu’une dizaine de secondes pour l’apercevoir ! Sur ce parcours, aucun arrêt n’est prévu avant Strasbourg. Je n’en verrai pas plus pour les deux autres nouvelles gares TGV, celles de la Meuse (à 1 heure de Paris) et de la Lorraine (à 1 h 15...), construites au milieu de nulle part. A défaut de construire les villes à la campagne, on peut au moins installer des gares en plein champ. Des distractions supplémentaires pour les vaches ? Même pas. Le passage de notre train ne leur fait pas lever la tête ! Mais ça ne devrait pas me surprendre, je l’avais remarqué dès les années 1980 et ses TGV orange (ça voit les couleurs, une vache ?)...
A peine la gare de Lorraine disparue derrière nous, il faut déjà décélérer et retrouver les voies classiques. En attendant que la LGV Est soit prolongée au-delà de Baudrecourt et fasse tomber le temps de trajet Paris-Strasbourg en dessous des 2 heures. Mais le trajet intermédiaire entre la LGV et la ligne classique Sarrebourg-Strasbourg, c’est aussi de l’inédit. Un petit bout de Lorraine inconnu (en tout cas pour moi...), avec des noms de lieux dont j’ignorais jusqu’à l’existence ! J’enregistre au passage ceux de Bénestroff et Berthelming. Enchanté ! C’est moins spectaculaire que l’expérience de la grande vitesse mais le paysage ne manque pas de charme. Et même si je m’y attendais, cela fait tout bizarre, après Réding, de se retrouver en territoire connu avec la traversée de l’extrémité nord des Vosges et de la vallée de la Zorn. Sur les quatre heures de trajet "d’avant", c’était mon passage préféré et j’ai encore quelques années pour en profiter.
Le voyage touche à sa fin : nous franchissons Saverne avant l’égrènement des petites gares qui précèdent Strasbourg : Mommenheim, Vendenheim, Mundolsheim... Avant d’apercevoir la brasserie de Schiltigheim et, enfin, la cathédrale. Le TGV entre en gare pile à l’heure du billet, à 16 h 43. Contrat rempli ! J’ai quatre minutes pour descendre car le train continue jusqu’à Mulhouse, alors qu’avant, la plupart des liaisons avaient ici leur terminus. Les prochaines fois, il faudra prendre garde à ne pas s’endormir !
PS - Malgré la longueur de ce texte (c’est du vécu !), je ne saurais faire abstraction de quelques détails pratiques. J’ai accompli ce voyage en 2de classe et, franchement, à moins de bénéficier d’une place soldée en 1e (ce qui est possible et parfois moins cher), ça ne vaut pas le coup de payer plus cher.
Tout simplement parce que la 2de est déjà très confortable, notamment au niveau espace pour les jambes, et qu’on n’en a pas beaucoup plus en 1e (je l’ai déjà essayée lors d’un voyage sur la ligne classique, de Strasbourg à Paris). En outre, bizarrement, il n’y a plus les espaces bagages en milieu de voiture, si pratiques. Enfin, les sièges sont affligés d’un désagréable mouvement de balancier longitudinal. On se croirait dans un rocking chair ! Impossible de se concentrer si on veut travailler sur l’ordinateur... Et si c’est juste pour bénéficier de la prise électrique, normalement, la plupart des micros atteignent les 2 heures d’autonomie, voire plus. Sur ce point, la LGV rend la 1e classe quasi inutile.
Reste l’avantage, dans le sens du retour, d’espérer arriver en début de quai à Paris. En théorie, les voitures de 1e classe sont en tête de train. Dans la pratique, il n’est pas rare de voir la rame inversée... Je l’ai déjà vu deux fois ces dernières semaines et ce genre de facétie semble fréquent à la SNCF (cela m’est déjà arrivé sur la ligne Atlantique au départ de Toulouse). Mieux vaut donc prendre un billet de 2de et comme ça, on peut espérer avoir la bonne surprise de se retrouver tout devant ! En plus, il y a davantage de filles mignonnes en 2de, c’est un fait vérifiable et vérifié !
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