
L’Arado, je vous l'ai déjà expliqué, est un avion que pas un autre avion à hélice, à l’époque, ne peut rattraper avec ses 742 km/h : il survolera ainsi impunément le 2 août 1944, l’avancée du débarquement allié pour ramener des photos au QG allemand. Le Gloster Meteor anglais à réaction qui pourrait le poursuivre, déployé en Hollande début 1945, aura interdiction de survoler l’Allemagne, de peur d’y être abattu. Son rayon d’action de 800 km (sans réservoirs supplémentaires lui permet d’atteindre le Danemark ou la Norvège. L’avion n’avait eu le temps d’être produit qu’à 38 exemplaires. L’Arado fut en effet utilisé en 1945 par l’ Einsatzkommando 1/FAGr 5, installé à Sola / Stavanger, qui put en utiliser trois seulement au départ. Les 9V+AH (détruit sur panne moteur), le 9V+BH et le 9V+CH. Le 5 mai 1945, la plupart des Arados existants sont détournés vers la Norvège, venus de la base de Leck (les unités KG 76 et 1.(F)/123), où l'on trouvait plutôt des He-162. La distance Sola-Berlin est certes de 855 km exactement, mais beaucoup plus intéressant, le trajet Berlin-Leck ne fait que 385 km, dans le rayonde l'Arado donc ! Plus étrange encore : le 8 mai, quand les allemands capitulent, il y a
10 Arados 234 sur place, soit le 1/4 de
toute la production allemande ! Etrange regroupement ! Qui abonderait dans le sens de la thèse de la fuite vers la Norvège, l'appareil n'étant pas vraiment un avion d'attaque. L’avion mythique sera abondamment désossé et étudié par les alliés, et plusieurs exemplaires
testés aux Etats-Unis (on l'a vu lors des épisodes "Lusty"). La théorie d’une dernière escapade possible se tient, donc, à part que jamais le pilote attitré d'Hitler, Johann Peter
« Hans » Baur, n'a jamais été vu aux commandes d'un avion a réaction (mais d'un tout autre avion, comme nous le verrons plus tard, si vous le voulez bien) : fort mauvais point pour la théorie. Leck, outre les He-162, utilisait d’autres Arado, des
Modèles 96, qui servaient à l’entraînement de la Luftwaffe, que les français convoyèrent à 56 exmplaires jusque Cognac pour tenter de refaire une école de l’air en 1946. Bref, la fugace vision du mitrailleur de Ju52 peut largement encore pendant des années entretenir le mythe d'un Hitler ayant rejoint un sous-marin... direction l'Argentine. Autant vous dire tout de go que j'y crois difficilement mais bon, car il y a a d'autres possibilités de fuite, en effet, examinons donc d'abord tous les attenants du problème pour juger. Ce qui est avant tout indéniable, en dehors de ce timing ou non de transfert en Arado, historiquement, c'est qu'effectivement, des sous-marins ont bien rejoint l'Argentine, et deux sont mêmes arrivés... après la fin officielle des hostilités ! Les deux partis de... Norvège. Selon des documents découverts plus tardivement, sur les transferts d'or notamment, le circuit des u-boot vers l'Argentine se serait intensifié dès 1943, et plus d'une dizaine auraient fui dans les dernières semaines de la guerre en Europe.
Avant eux, il y a eu tout d'abord un débarquement d'espions : le 3 juillet 1944, en effet, un bateau à voiles, le
Santa Barbara, parti de France le 16 avril 1944, d'Arcachon, précisément, avait accosté près de
Punta Mogotes, la plage de Mar del Plata, pour y débarquer deux espions de l'Abwehr et en reprendre trois autres : visiblement, sur place il y avait déjà des gens pour organiser cela. Au retour, le débarquement en cours empêchera sa remontée vers la Manche, et il s'arrêtera à Vigo en Espagne. L'Allemagne installait-elle déjà toute une organisation sur place ? Aujourd'hui, que l'on découvre l'ampleur de la présence nazie dans le pays, on est fort tenté de le croire. Le
yawl avait fait plusieurs aller-retours, semble-t-il, partant du Golfe de Gascogne mais allant également vers l'embouchure de l'Orénoque (au Venezuela, donc, où une colonie nazie était également installée).

Le premier sous-marin à apparaître à la fin du conflit est l'U-530, un
Type IXC/40 , un tout nouveau "class3" de 76 mètres de long, déplaçant 1 232 tonnes, parti de Lorient le 22 mai 1944 sous le commandement du capitaine Kurt Lange pour son rendez-vous prévu au Cap Vert avec le sous-marin japonais I-52, contenant une cargaison d'or (voir nos épisodes précédents !), sur lequel les hommes de l'U-530 vont monter un radar Naxos. Or ce sous-marin japonais de 2,500 tonnes sera attaqué par le
Bogue (CVE-9), et sera coulé... près de son lieu de ravitaillement. On découvrira son épave avec à bord de l'or, sans nul doute, mais aussi autre chose (voir notre épisode à ce sijet). L'U-530 repart de
Kristiansand,
en Norvège, le 3 mars 1945 avec un autre commandant, cette fois, direction toujours le Cap Vert. Son commandant, Oberleutnant Otto Wermuth, qu
i paraissait si jeune (il n'avait en effet que 24 ans !), apprenant la fin de la guerre, décide llico de filer vers Mar del Plata, en Argentine (en fait dans les sous-marins allemands on vote, pour ce genre de décision importante !), ce qui laisse penser que cette solution de repli avait été élaborée depuis longtemps (mise au point par les espions de l'Abwehr ?). Il n'a pas voulu écouter le message de son amiral lui demandant de se rendre (l'ordre "
Regenbogen", arc-en-ciel). Le sous-marin y abordera le 10 juillet 1945 seulement, soit près de deux mois après ayant entre temps jeté par dessus bord son canon, pour des raisons inconnues (ou pour signifier sa nouvelle "neutralité" lors d'un passage d'avion ?). Arrivé à Mar del Plata, tout de suite la rumeur se répandra que deux passagers particuliers auraient été débarqués : Hitler et Eva Braun ! Or, personne n'a vérifié sa date de départ ni par où il est passé, alors que les deux rendent l'hypothèse plus qu'hasardeuse. Les hésitations de l'U-Boot sur la fin de son trajet laissent perplexes en effet. Les marins seront transférés aux Etats-Unis, et le sous-marin promptement détruit le 28 novembre 1947 par un tir de torpille du SS-422 Toro. Bref, c'était "no comment" sur ce qui avait pu se passer exactement à bord.

La seconde histoire incroyable est celle de l'U-977, lancé à Hambourg le 31 mars 1943 et mis en service le 6 mai 1943 : autrement dit, c'est un des plus classiques, un type VII-C, déplaçant 500 tonnes. Bref, il n'avait rien d'exceptionnel. Endommagé lors de ses essais en Baltique, ce sous-marin avait été requalifié comme sous-marin d'entraînement, sa coque abîmée ne pouvant supporter désormais les grandes profondeurs. Personne ne s'attendait donc à le voir entrer dans l'histoire, et pourtant. De sa base norvégienne de Kristiansand, il va appareiller le lendemain pile de l'annonce de la mort officielle du Führer, ce qui est déjà pour intriguer. A l'annonce de la fin de la guerre, le 8 mai, les occupants de l'U-Boot se retrouvent divisés : il y a ceux qui l'acceptent, et veulent rejoindre leur famille au plus vite, et... les fanatiques, qui se disent que le Reich promis pour 1 000 ans ne peut pas s'effondrer en aussi peu de temps. Une partie est donc débarquée à bord de ces grands canots gonflables que possédait la Kriegsmarine : ils accostent à Holsenöy près de Bergen, pour se rendre aux alliés. Arrêtés, ils déclarent que l'U-Boot d'où ils sont sortis a été coulé par une mine. Pendant ce temps, les 32 membres restants de l'équipage de l'U-977 ont continué leur route, une route bien connue, qui les conduit directement au Cap-Vert, où les U-Boot avaient leurs habitudes, on le sait, pour ravitailler. Le 23 juillet, ils passent déjà l'Equateur. Le 7 août 1945, alors que la bombe d'Hirsoshima vient d'exploser (la veille) ; ils arrivent en Argentine, après 107 jours de navigation et avoir parcouru la bagatelle de 7 644 miles nautiques (soit 14 156 km !). Le sous-marin est toujours complet, avec ses 10 torpilles chargées, mais il ne lui reste plus que 5 tonnes de fuel à bord sur les 85 de départ. Il est intercepté à l'entrée de Mar del Plata, par une équipe de surveillance argentine (comprenant le dragueur de mine ARA Py et le sous-marin ARA Salta). Une équipe conduite par le lieutenant Rodolfo Brave Sáenz. Le sous-marin, étrangement, est alors remis aux USA, avec son équipage : il arrive ainsi à Boston, dûment remorqué, le 13 novembre 1945. Encore de quoi alimenter les partisans des choses dissimulées, notamment le contenu de l'U-Boot.

A son propos, on ira même jusqu'à dire que sur le trajet, l'U-Boot s'était offert une cible facile au passage : le petit paquebot brésilien, qui avait coulé le 4 juillet 1945, alors que on explosion à bord avait été entièrement accidentelle : lors d'un exercice de tir antiaérien, l'un des tireurs avait pris pour cible un lot de charges de profondeur disposé sur le pont... Bref, il n'avait pas cherché à attaquer, mais à fuir : le problème, c'est qu'on ne savait pas ce qu'il pouvait bien transporter. Ce n'est qu'en 2004 que l'on ravive son histoire et celle d'autres sous-marins eux-aussi partis se réfugier en Argentine. Un film documentaire, intitulé "
Oro Nazi en Argentina" annonce clairement la couleur : c'est bien de l'or que ces fameux sous-marins transportaien ! Des tonnes d'or ! Les auteurs du film ont reçu les confidences de Wilfred von Oven, qui avait travaillé avec Joseph Goebbels, et le producteur, Rodolfo "Rolo" Pereyra, avait insisté sur la fameuse
"route des rats", accusant clairement Pie XII d'avoir aidé la fuite des nazis, une fuite organisée, on l'a vu, par l'évêque Alois Hudal, un pro-Nazi violemment antisémite tel que Santa Maria dell'Anima, mais également monseigneur Krunoslav Draganovic. Tous ceux que j'avais cité dans ma série des "petits trous" , avec en prime Alberto Dodero et les banquiers suisses, blanchisseurs de l'argent, ou plutôt... de l'or de Peron. Draganovic, dont j'avais ici décrit le rôle en ces termes
: "le père franciscain cité, Krusnolav Draganović, était bien le pilier du trafic, appointé par le Vatican qui ne pouvait donc ignorer ses activités. Ses feuilles de paye et ses défraiements l’attestent : l’homme travaillait bien pour la CIA en 1959. "

Et ce que révèle les archives trouvées par le réalisateur d'
Oro Nazi en Argentina est gravissime, puisqu'il implique autant le Vatican que le président Juan Peron, qui a bénéficié directement des lingots d'or apportés, nous apprenait également
The Independent, voici 7 ans déjà. Au milieu du réseau, l'improbable Krunoslav Draganović, autant lié au Vatican qu'à la CIA et membre lui-même des Oustachis. "
Selon les dossiers de renseignement britanniques disponibles aux Archives nationales de Kew, l'institut Draganovic s'était spécialisé dans la falsification de documents sur les Croates fascistes, les oustachis, pour aider 7 250 d'entre eux à prendre le chemin de l'Argentine en 1946-1948. Le tarif retenu était de 1000 dollars par personne, ou de 1400 pour les officiers. Draganovic a signé lui-même un faux document de la Croix Rouge, émis au nom d'Altmann, qui a été remis à Klaus Barbie, le "Boucher de Lyon" de la Gestapo. Barbie a ensuite été extradé de Bolivie pour faire face à la justice en France. Dans son livre"Peron y Los Alemanes" ("Peron et les Allemands"), l'auteur, UkiGoni, raconte comment Draganovic a réceptionné Barbie des mains des agents de renseignements américains à la gare de Gênes et l'a piloté jusqu'à un navire argentin en Mars 1951.
Quand Barbie a demandé pourquoi il l'aidait à s'enfuir, Draganovic, qui avait également aidé Pavelic pour les opérations de nettoyage ethnique en Croatie, a répondu : "Nous devons préserver une sorte de réserve qui nous nourrira à l'avenir." De voir aujourd'hui un pape qui dans sa jeunesse a fait partie des jeunesses hitlériennes venir annoncer à cette même Croatie qu'elle est un des derniers remparts du catholocisme sonne soudain de façon très étrange, en ce mois de juin 2011. La Croatie détient toujours quelque part des fichiers sur la filière des Oustachis, qui pourraient s'avérer bien plus compromettant pour lui et l'Eglise que les révélations sur la pédophilie.
Comme je l'avais déjà écrit en effet, l'Argentine avait accueilli à bras ouverts les nazis. En créant pour le grand public une image bien lisse avec son égérie
Evita, célébrée par Madonna :
"le véritable Odessa" fabriqué à distance et sur place, précise Uki Gonï.
"L’Argentine de Juan Peron était effectivement infestée de nazis ou de collaborateurs Vichystes :"Certaines de ces personnes avait un rôle important chez Peron en Argentine. Le vichyste français Jacques de Mahieu, qui était à la rédaction des textes doctrinaux du mouvement péroniste, est devenu un mentor idéologique important des groupes catholiques de jeunes nationalistes français dans les années 1960. (Pierre) Daye (rexiste) est devenu le rédacteur en chef de l'un des magazines péroniste ; l'entreprises commerciale de Ludwig Freude a prospéré, et son fils Rodolfo était le chef des services secrets présidentiels au cours de la première présidence de Perón ". L’Argentine était donc devenue un véritable paradis pour nazis au seuil des années 50 :
"En ces jours-là l'Argentine a été une sorte de paradis pour nous", se souvenait le criminel de guerre nazi Erich Priebke en 1991". Jacques de Mahieu était aussi un ancien de la sinistre division Charlemagne, adepte des pires thèses raciales et eugénistes hitlériennes. Dans son délire purement racial, il en était arrivé à affirmer que les Vikings étaient allés jusqu’en Patagonie, à force de montages photos et de faux "décryptages" de dessins indiens : le moyen pour lui d’affilier le régime de Peron à une prétendue descendance nordique. Totalement illuminé, il récidivera plus tard avec les Templiers. Ses dires abracadabrantesques servent de fonds de commerce à la moitié au moins des sites néo-nazis actuels (tapez son nom dans un moteur de recherches, vous le constaterez, c’est effarant !). En 1989, on le retrouva comme par hasard derrière Carlos Menem lors de sa campagne électorale. Peron, mort, avait fait hélas des petits." Mahieu ayant dirigé durant tout le temps où il était en Argentine le groupe neo-nazi hispanisant CEDADE (pour
Círculo Español de Amigos de Europa). Un mouvement qui a compté
Otto Skorzeny et
Léon Degrelle comme dirigeants et comme adhérent actif un dénommé Klaus Georg Barbie, le fils de l'autre ! Dissous en 1993, il est devenu le
Democracia Nacional en Espagne : un autre FN.

En dépouillant les archives de l'Office national de l'immigration à Buenos Aires,
Uki Gonï va découvrir, écrit noir sur blanc, ce dont on se doutait mais que l'on n'avait pas encore vu de visu : que tout avait été géré à distance, d'Allemagne ou de Suisse, et que tout avait été noté. Mais qu'une bonne partie a été détruite sur ordre.
"J'ai découvert que chaque immigrant avait un livret et que chaque consultation du dossier a été enregistrée avec la date sur le fichier. J'ai donc trouvé la date des arrivées de Mengele, d'Eichmann, de Priebke, et j'ai demandé pour consulter les fichiers. On m'a dit qu'ils avaient disparu. Ils avaient été nettoyés. Cela a soulevé un grand scandale, et un jour, un officier m'a dit, "que désirez-vous ? Que j'avoue que ce qu'ils nous ont dit de brûler en 1996 ? Ne jamais l'admettre !" Pourtant, il y avait de précieux renseignements. Par exemple, les documents d'immigration de Mengele et Priebke ont des numéros consécutifs, ce qui montre qu'ils ont été enregistrés par la même personne, en même temps. Cela arrive très souvent, pour plusieurs criminels de guerre. Il semble également clair que l'année la plus active a été 1948, lorsque le capitaine SS Carlos Fuldner était alors en Suisse. Par exemple, c'est par cette année que débute le fichier d'Eichmann, qui arrive pourtant en 1950"... Eichman, qui restera donc 9 ans impuni, avant d'être retrouvé par les services secrets israélien au sortir de l'usine Mercedes (ça ne s'invente pas !) où il avait trouvé travail et... cachette. Bref, tout était conçu et organisé par les nazis eux-mêmes ! Qui utilisaient leur trésor en or pour financer les expatriations.
Bref, notre chasseur de sous-marin en goguette en Argentine était tombé sur un nid de frelons nazis. Demain, nous verrons que les frelons bâtissaient de bien étranges abris, avec l'or apporté sur place. Que pouvaient donc faire tous ces nazis à la fois sur place ? Continuer ce qu'ils avaient commencé en Allemagne ?
Le documentaire cité (passionnant !) est ici (en espagnol) : dans l'épisode 5, on peut voir les investissements fabuleux des nazis en Argentine. Propriétés immenses, manoirs, etc. "En toute impunité", dit le commentaire. On attend toujours une diffusion sous-titrée en France. Uki Gonï intervient à plusieurs reprises dans cet édifiant reportage.