Libération de la Corse
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" La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France." ( Charles de Gaulle - 8 octobre 1943 - Ajaccio )
Pendant soixante dix ans, jusque dans les livres d’Histoire, on a passé sous silence la libération de la Corse en septembre 43, neuf mois avant le débarquement allié en Normandie. Le 4 octobre prochain, François Hollande célèbrera, enfin, cet évènement en Corse en compagnie du roi du Maroc. Le 30 septembre au matin, une chaine de télévision nationale explique ainsi la présence de ce dernier : “ C’est un épisode peu connu de la Seconde Guerre Mondiale : les Goumiers et les Tabors marocains ont activement participé à la libération de la Corse en septembre 43 […] Débarqués à Ajaccio, ils vont remonter la Corse d’Ajaccio à Bastia pour chasser les Allemands de l’île“. La suite du reportage est à l’avenant et, enfin, au terme de cette séquence de cinq minutes, une phrase de quelques secondes : “Il y a aussi la Résistance corse qui a beaucoup œuvré pour l’arrivée de ce débarquement et un peu désorganisé l’ennemi.“ Un peu…
Comme toujours, à propos de la Corse, la désinformation est à l’œuvre.
Aussi, loin de moi l’intention de minimiser l’importante contribution des Goumiers à la libération de la Corse. Ils se sont battus dans des conditions difficiles et nombre d’entre eux y ont laissé la vie ; ils méritent notre respect. Mais de là à porter à leur seul crédit la libération de l’île c’est, pour le moins, aller un peu vite en besogne et continuer à occulter injustement le rôle prépondérant des résistants et des maquisards corses.
Dès l'appel du général de Gaulle en juin 40, un embryon de résistance corse se forme.
En novembre 42, l'île est envahie par 80 000 soldats italiens et 10 000 allemands, soit près d’un occupant pour deux habitants. Les réseaux de résistants prennent alors des proportions exceptionnelles et s'unissent en un Front National qui prend le maquis. ( terme dérivé du vocable corse "machja" , mot à mot : tache, désignant les zones de végétation dense ) En décembre, le sous marin Casabianca du Commandant L’Herminier leur livre des armes.
Aux 90 000 occupants s'ajoutent à l'été 43, 32 000 hommes des Divisions Blindées allemandes. Le 17 juin, l’assassinat des résistants Giusti et Mondoloni à la terrasse de la Brasserie Nouvelle d’Ajaccio par la milice provoque le sursaut salutaire. Du 3 au 25 août, les réunions des 12 000 maquisards corses se multiplient pour préparer l’insurrection envisagée depuis le 3 mai. Le 8 septembre, la capitulation de l’Italie en donne le signal. Le lendemain, 9 septembre, sous l’égide du Capitaine Colonna d’Istria et de Maurice Choury, la Résistance corse provoque à Ajaccio un soulèvement qui, rapidement, se propage à l'île toute entière où les maquisards installent des hommes à eux à la tête des municipalités reprises une à une. De très durs combats sont livrés notamment dans le Sartenais et le nord de la Corse. Dès le 10 septembre, les Résistants investissent Sartène que les Allemands abandonneront le 14. A Ajaccio, ils repoussent la contre attaque allemande et du sud au nord bloquent les convois qui remontent sur Bastia, empêchant la 90ème Panzer Division de rejoindre le Front italien, et assurant ainsi le succès du débarquement du Général Martin à Ajaccio pour préparer la bataille de Bastia.
Le 12 septembre, quelques unités des troupes italiennes – et non toute l’armée d’occupation comme il est dit dans le reportage - se rallient aux combattants corses. Le 19 les Tabors marocains viennent à leur tour leur prêter main forte pour, notamment, un des engagements les plus acharnés, au col de Teghime, près de Bastia. Le 20, ils sont rejoints par les 109 hommes du Bataillon de Choc, unité commando de l’Armée Française. Les combats se poursuivent jusqu’au 4 octobre où les troupes entrent dans Bastia, la Corse est libérée.
Dans les jours qui suivent, le Front National annonce son ralliement à la France combattante.
Epilogue, et non des moindres, cette libération anticipée permit aux Américains d’installer sur la côte est de l’île les bases avancées de leurs bombardiers en Europe.
Le 8 octobre, à Ajaccio, le Général de Gaulle, déclarera :
“ Nous devons, sur-le-champ, tirer la leçon qui se dégage de la page d'Histoire que vient d'écrire la Corse française. La Corse, que l'héroïsme de sa population et la valeur de nos soldats, de nos marins, de nos aviateurs, viennent d'arracher à l'envahisseur. Au cours de la grande bataille que les Alliés mènent en ce moment, la Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France. Il est prouvé que, pas un jour, la Corse n'a cru à la défaite. Il est prouvé qu'elle n'attendait que l'occasion pour se lever, combattre et vaincre. Cette fraction du pays savait bien, comme la patrie, que les revers essuyés par nos armées, en mai et juin 1940, n'étaient qu'un épisode cruel, mais passager, d'une guerre grande comme le monde. Ce que ne discernaient pas les chefs indignes ou sclérosés qui se ruèrent au désastre, le peuple ici le comprit aussitôt. D'où la résistance obstinée qu'il ne cessa d'opposer à l'ennemi, passivement d'abord, puis, au moment favorable, activement, les armes à la main. Pourtant, voyant la chance tourner et l'envahisseur faiblir, les patriotes corses auraient pu attendre que la victoire des armées alliées réglât heureusement leur destin. Mais ils voulaient eux-mêmes être des vainqueurs. Ils jugeaient que la Libération ne serait point digne de son propre nom si le sang de l'ennemi ne coulait de leurs propres mains et s'ils n'avaient point leur part dans la fuite de l'envahisseur. La Corse n'a jamais cru à la défaite. Chaque fois que la France entame une période nouvelle de sa vie et de sa grandeur, il faut que les Corses en soient les artisans et les témoins."
Après soixante dix ans d’une injustifiable attente, les Résistants corses ont plus que mérité une reconnaissance pleine et entière. Puissent les commémorations à venir leur rendre enfin un légitime hommage en rétablissant la vérité historique.
Niellu LECA octobre 2013
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