Libération des infirmières bulgares : un bon coup des Sarkozy ?
Après huit ans de tractations diplomatiques restées veines. Huit longues années de tortures physiques et psychologiques subies dans les infâmes geôles libyennes pour un crime imaginaire pour lequel ils ont servi de boucs émissaires, les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien sont libres ! Tout le monde, ou presque (sauf les aigris qui y voient un énième complot contre de « pauvres » arabes martyres), lâche un soupir de soulagement et à l’heure du bilan, on fait les comptes.
Pour débloquer le dossier, la nouvelle équipe diplomatique de l’Elysée semble avoir habilement joué d’atouts plus ou moins inédits face l’« excentrique leader » qu’est le colonel. Comme toujours dans ce genre de discussions délicates, il s’agit bien souvent d’activer les réseaux. En ce sens, les relations spéciales qu’un Claude Guéant peut entretenir avec le n° 1 des services secrets libyens n’ont sans doute pas été négligeables. Mais surtout, la force de l’équipe Sarkozy aura peut être été de cerner la psychologie du colonel et d’en cerner les failles : on le sait, ce dernier n’est pas en effet insensible aux charmes féminins. Séducteur invétéré notoire, son discours sur la place de la femme dans la société flirte avec le féminisme. De sa garde rapprochée, exclusivement féminine, Kadhafi fait l’éloge : « Elles sont fidèles, elles réagissent rapidement et, en cas de conflit, elles peuvent être plus brutales que les hommes ».
D’où l’entrée en scène d’une Cécilia Sarkozy, servant de catalyseur pour boucler une série d’interventions diplomatiques à l’issue restée, jusque-là, incertaine. Par ailleurs, c’est sans oublier que dans l’imaginaire du grand Bédouin libyen, l’esprit clanique domine sur les procédés protocolaires. Avoir l’écoute de la femme du président est résolument plus flatteur et peut-être plus fiable encore que celle d’un obscur commissaire européen, ou émissaire diplomatique, fut-il ministre des Affaires étrangères.
S’il n’est pas totalement illégitime de s’interroger sur ce nouveau rôle de Madame la Présidente, non prévu dans le schéma institutionnel en vigueur, il faut tout de même rappeler, à la décharge du couple présidentiel, que tous les présidents de la Ve République ont eu leur émissaire spécial, agissant à titre de représentant officieux, à l’instar du très célèbre « Monsieur Afrique »de de Gaulle à Pompidou, alias Jacques Foccart... Il est vrai que la différence, cette fois-ci, est qu’il s’agit de l’épouse du président, qui manifestement cherche à (re)définir son rôle en tant que First Lady et que les projecteurs médiatiques sont braqués sur elle.
Alors, c’est un beau coup pour les Sarkozy : la libération de ces otages témoigne sans conteste, d’une « volonté » diplomatique affirmée dès le soir du 6 mai ; mais derrière cette noble action humanitaire, la realpolitik reprend ses droits et le voyage de ce mercredi devrait accélérer les négociations commerciales et ouvrir de belles perspectives d’investissements pour les entreprises françaises avides de remporter les juteux marchés libyens. Après tout, au diable la morale... les Anglais ou les Américains ne dédaignent déjà plus commercer avec cet ex-État terroriste !
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