Libye, cinq ans après
La Libye n'en finit pas de régler l'addition de la chute du régime de Muammar Kadhafi. Après 8 mois de guerre, les derniers bastions du chef de la Jamahiriya libyenne tombaient fin octobre 2011. Dans le même temps, Kadhafi était capturé et exécuté1 près de son fief de Syrte.
Sans les frappes de la coalition chapeautées par les forces aéronavales françaises, le régime aurait probablement jugulé l'insurrection en quelques mois. La ville de Misrata aurait certes été écrasée, comme d'autres avant elle, mais depuis quand se soucie-t-on de la répression d'un chef d’État envers ses opposants ? Visiblement, ni les Karens de Birmanie, les Houthis2 du Yémen ou les Kémalistes3 de Turquie n'en ont le souvenir... Pensez-vous ? Avec les 35 heures, la France ne peut pas s'occuper de toutes les dictatures du monde ! A moins qu'il soit juste question de cynisme ? Quel vilain mot, que l'on pensait naïvement absent du « Droit » et de la « Communauté Internationale »... Pas très Charlie tout ça !
Certains ont beau jeu de feindre à présent un repentir dans le « camp occidental » ; mieux vaut éviter de faire une boulette que s'en excuser. D'autant plus quand on se contente de travaux de démolition sans poser la moindre fondation stable après coup4 !
On a beaucoup dit de Kadhafi, de son excentricité vestimentaire, de son autoritarisme, de ses provocations, de sa charmante garde personnelle féminine... C'était loin d'être un enfant de chœur mais force est de constater qu'il nous était plutôt bénéfique et en politique étrangère, ce sont les intérêts bien compris de la France, à savoir en premier lieu la sécurité et la stabilité régionales, qui doivent primer sur toute autre considération, n'en déplaise à BHL.
Kadhafi était parvenu à un semblant d'union en instituant un certain équilibre entre les puissantes tribus arabes et berbères. Si la férule du pouvoir central était féroce - notamment sur la province de Cyrénaïque - une certaine latitude était laissée aux conseils tribaux pour gérer localement les affaires courantes. Cette constitution socialisante et d'inspiration tribale, put prévenir pendant des décennies les velléités d'autonomie et d’islamisation à outrance. Le niveau de vie grâce à la manne pétrolière était aussi relativement bon, eu égard aux pays voisins.
Nous avons déchu un Kadhafi qui ne nous était plus guère hostile, ne soutenant plus aucun mouvement terroriste depuis l'affaire de Lockerby. Enfin, Kadhafi s'était entendu avec le président tchadien Idriss Déby pour maîtriser sévèrement les flux migratoires en provenance d'Afrique sahélienne et de l'Est, protégeant par là même les pays européens. Désormais, les candidats à l'émigration clandestine se concentrent principalement sur la Libye, état failli - et donc incapable de contrôler ses frontières - qui fait office, selon l'expression de Bernard Lugan5, de « lucarne sur la Méditerranée ».
Que peut-il advenir de la Libye ? Y a-t-il une alternative plausible entre la partition en trois grandes régions (Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan) et le retour d'un pouvoir fort en la personne de Saîf-al-Islam Kadhafi, fils de l'ancien président, ou d'un général putschiste ? Si vous lisez dans le marc de café, lancez-vous !
1http://www.jeuneafrique.com/mag/365646/politique/derniers-jours-de-mouammar-kadhafi/
2http://la-centrale-a-idees.over-blog.com/2016/09/qui-veut-la-peau-des-yemenites.html
5https://www.youtube.com/watch?v=uFfO9V5VQyA (conférence de Bernard Lugan sur la Libye)
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