Linkedin, reflet d’une classe sociale qui se déshumanise
Réflexion sur Linkedin, le réseau social professionnel qui nous dit bien des choses sur les personnes qui l'utilisent.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH164/LinkedInAudit1-78dd9.jpg)
En effectuant un travail de feedback pour un dispositif « cordées de la réussite », je suis arrivé à une conclusion assez frappante : la majorité des personnes utilisant Linkedin sont issus des Grandes Ecoles ou y suivent encore des cours. Inversement, les personnes suivant des cours à l’université ne sont pas très friands de ce réseau social. Evidemment, cette conclusion, ne s’appuyant que sur l’étude d’environ 250 personnes, n’a pas vocation à être érigée en vérité absolue. Toutefois, cette disproportion dans l’utilisation de Linkedin permet de nourrir une réflexion sociologique plutôt intéressante.
Partant de ce constat, j’ai en effet eu une réflexion plus large sur ce que pouvait nous dire Linkedin de cette classe sociale à savoir celle des cadres intermédiaires ou supérieurs qui ont fréquenté les Grandes Ecoles de Commerce ou d’Ingénieur et qui se destinent à être les « futures élites de la nation » comme certains les appellent pompeusement. Le constat s’avère édifiant, entre concurrence exacerbée, uniformisation des personnes et perte du réel lien social. C’est la combinaison de ces trois tendances mortifères qui m’incite à parler de déshumanisation en cours dans cette classe sociale.
Le seul but : être meilleur que les autres
Avant d’intégrer ces Ecoles, les étudiants passent, la plupart du temps, par le cursus des classes préparatoires. Dans certaines de ces classes préparatoires, les mieux classées la plupart du temps, la seule logique est celle de la concurrence et de la compétition entre les différents étudiants. C’est ainsi que dans certaines prépas, le discours en début de première année se résume à « Vous êtes 40, nous avons 30 places en deuxième année. Vous êtes donc 10 de trop ».
On pourrait penser qu’une fois la prépa terminée-et les concours passés- cette logique de classement et de concurrence n’ait plus lieu. Eh bien, il n’en est rien. Il s’agit ensuite d’être le mieux classé pour faire la spécialisation que l’on veut ou d’aller en échange dans la meilleure université possible si bien que la vie des personnes suivant ce cursus peut se résumer à une course pour avoir le meilleur profil possible pour bien démarrer sa carrière.
Et c’est précisément là que Linkedin est le reflet parfait de cette concurrence incessante. Il s’agit d’avoir le profil le mieux mis en valeur, certains allant même jusqu’à mentir sur certains points, pour pouvoir être au-dessus des concurrents. La compétition exacerbée au point d’oublier les principes de solidarité, voilà le spectacle que nous offre le réseau social.
Haro sur la différence !
En outre, Linkedin nous montre aussi à quel point les étudiants de Grandes Ecoles ou les jeunes actifs qui en sont issus sont uniformisés. Dans un autre article j’ai évoqué de l’Ecole de Commerce et j’ai tenté de montrer qu’elle n’était rien d’autre qu’une fabrique d’immobilisme. Linkedin participe aussi de cette logique en y ajoutant une tendance à l’uniformisation des profils.
Les mêmes mots clés vont, effectivement, invariablement se retrouver sur les profils Linkedin de telle sorte que tous les profils épousent la même logique et les mêmes termes lexicaux. Ainsi avoir entrainé une équipe de sport se transformera en expérience de management de groupe ou une expérience dans la vente signifiera un développement des qualités relationnelles. Plus inquiétant encore, certaines entreprises utilisent des logiciels pour filtrer les candidatures et les CV : des machines sont donc chargées de sélectionner des candidats. Comment promouvoir la créativité et la différence dans un tel contexte ? Comment ne pas voir, par effet de miroir, une déshumanisation des candidats qui ne sont alors réduit qu’au rang de mots clés ou de dossiers informatiques ? En étant uniformisé de la sorte, il n’est guère surprenant que la majorité des jeunes diplômés éprouvent les plus grandes difficultés du monde à penser autrement, à être réactif face à des situations ou des problèmes inédits.
Linkedin, réseau social qui fait perdre le lien social
« Choisissez bien vos relations sur Linkedin, elles disent ce que vous êtes. Et surtout n’oubliez pas, accepter quelqu’un sur son réseau c’est accepter qu’à un moment ou à un autre cette personne vous sollicite pour un coup de pouce dans sa carrière ». Ces deux phrases, prononcées par un intervenant censé aider les étudiants à optimiser leur utilisation du réseau social démontre à elle seule tout le cynisme contenu dans ce réseau social. En somme, il s’agit de sélectionner les personnes qui peuvent nous être utiles dans notre vie professionnelle présente ou future.
Finalement, le cynisme et l’utilitarisme défendu par ce réseau social revient à nier tout réel lien social dans la mesure où l’on ne veut pas être en rapport avec les gens pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils ont ou qu’ils pourraient avoir. Cette logique aboutit pour finir à la négation de rapports humains désintéressés et solidaires, ce qui est censé être le propre de l’Homme.
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