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Accueil du site > Tribune Libre > Loi de 1905 : texte de combat, ou loi d’apaisement ?

Loi de 1905 : texte de combat, ou loi d’apaisement ?

Texte de combat, si l’on se réfère à l’apparence agressive de l’article 2 de la "Loi concernant la séparation des Églises et de l’État" : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du premier janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes... Les établissements publics du culte sont supprimés"...

Texte de combat encore, si l’on s’en tient aux violents échanges verbaux entre les parlementaires "séparatistes", comme le député d’extrême-gauche Maurice Allard, et les tenants de l’alliance entre "le trône et l’autel", comme l’abbé Hippolyte Gayraud, tout aussi fanatiques l’un que l’autre, chacun dans un camp opposé.

Texte de combat toujours, si l’on s’arrête à la condamnation de la loi du 9 décembre 1905 par le pape Pie X, dans son encyclique Vehementer nos, du 11 février 1906.

Texte de combat enfin, si l’on garde en mémoire les incidents qui ont éclaté quand les fonctionnaires sont allés dresser les "inventaires" des biens du culte (en application de l’article 3 du Titre II : "Attribution des biens, pensions") auxquels des fidèles résistèrent violemment.

Mais loi d’apaisement, si l’on se réfère à la neutralité (laïcité ?) qui transparaît en filigrane dans l’article 31 : "Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, L’AURONT DÉTERMINÉ À EXERCER OU À S’ABSTENIR D’EXERCER UN CULTE, À FAIRE PARTIE OU À CESSER DE FAIRE PARTIE D’UNE ASSOCIATION CULTUELLE, À CONTRIBUER OU À S’ABSTENIR DE CONTRIBUER AUX FRAIS D’UN CULTE."

Loi d’apaisement encore, si l’on s’en tient à la diplomatie d’un Aristide Briand, qui a réussi le tour de force de maintenir une position à mi-chemin entre deux extrémismes, ainsi qu’à la largeur et à la profondeur de vues d’un Jean Jaurès.

Loi d’apaisement toujours, si l’on s’arrête au premier aménagement de la loi de 1905 prenant en compte l’opposition du pape aux associations cultuelles (Titre IV) : loi du 28 mars 1907 qui met les églises "à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion".

Loi d’apaisement enfin, si l’on garde en mémoire la circulaire de Georges Clémenceau, ministre de l’Intérieur, adressée aux préfets le 20 mars 1906 (à la suite des émeutes déclenchées par les "inventaires") : "La question de savoir si l’on comptera ou ne comptera pas les chandeliers dans une église, ne vaut pas une vie humaine".

Par la suite, d’autres gestes de bonne volonté seront faits des "deux côtés" (pouvoir politique, séculier, et pouvoir religieux, intemporel), pour aboutir, en 1945, à une situation consensuelle sur la question de la séparation des Églises et de l’État, le Saint-Siège admettant officiellement le principe de la "souveraine autonomie de l’État dans son domaine de l’ordre temporel".

Parvenir à un tel consensus, n’est-ce pas la "preuve par 9" que cette loi, malgré la maladroite sévérité de son article 2 (qui n’était que l’expression, trop affirmée peut-être, du côté "révolutionnaire" et nécessaire de cette loi), portait en elle le souffle d’un esprit nouveau, un esprit de tolérance ?

Oui, la loi de 1905 est un "texte de combat", de combat contre une inégalité de moyens dans l’expression de croyances différentes (inégalité cristallisée dans l’ancien "budget des cultes", qui favorisait une "pensée unique").

Oui, la loi de 1905 est une loi d’apaisement, d’apaisement des consciences qui ne sont désormais ni obligées ni empêchées de croire en quoi que ce soit !

Aussi, prenons bien garde qu’un moderne et belliqueux "abbé Gayraud laïc" ne détruise cette belle oeuvre de tolérance et de compréhension mutuelle, qu’est la loi du 9 décembre 1905.


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2 réactions à cet article    


  • (---.---.153.134) 8 décembre 2005 20:30

    Merci pour votre article. Si cette loi n’a n’a pas été changée pendant un siècle c’est bien qu’elle est bonne et juste.

    Pour moi cette loi est une fierté pour la France et une vrai chance pour établir une vrai civilisation. Il n’y a qu’a regardé outre-atlantique où l’on commence à opposé science et religion (par le discours sur le créationisme entre autre) comme au moyen age pour voir que la laïcité est un principe très juste.


    • Ben Ouar y Villón Brisefer 12 décembre 2005 21:27

      Bravo pour votre article sur un sujet difficile et passionnant sur lequel il y a beaucoup à dire. Observons tout de même l’étonnant silence qui entoure la commémoration cette année du centenaire de la loi de 1905...

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