Luc Ferry : Goebbels ou Rousseau ?
Le rôle premier d’un « savant » (celui qui sait), c’est d’éclairer autrui grâce à ce savoir. Dans le pire des cas, ce savoir est utilisé pour berner ou perdre ceux qui l’écoutent. Où se situe M. Luc Ferry philosophe et ancien ministre de la Jeunesse, de l'Éducation nationale et de la Recherche : Goebbels ou Rousseau ?

La provocation, la mauvaise foi, l’outrance, l’insulte sont constamment utilisées pour modeler l’opinion selon ses désirs. La provocation, la mauvaise foi, l’outrance, l’insulte sont aussi les meilleurs moyens d’être visible dans les médias… et mettre en vis-à-vis Goebbels et Luc Ferry peut permettre cette indécente visibilité. Beaucoup ne résistent pas à la tentation d’être infâme pour récupérer une fine et fragile pellicule d’une fugace notoriété. Ceux qui prétendent aimer la sagesse ont une responsabilité particulière à cet égard car si leurs propos sont comparables à ceux de charretiers, les gens sensés les croient plus volontiers. La provocation, la mauvaise foi, l’outrance, l’insulte lorsqu’elles sont utilisées sciemment, scientifiquement pour formater l’opinion d’une multitude est dans la droite ligne des techniques utilisées par les dignitaires nazis dont Goebbels fut le plus triste exemple.
J. Goebbels fut ministre du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande de 1933 à 1945. Il était un antisémite acharné et féroce, antichrétien radical et bien évidemment anticommuniste. Goebbels a multiplié les scandales et les provocations, en utilisant les rixes, les harangues anticommunistes ou antisémites pour mettre en avant les « idées » National Socialistes. Il avait compris qu’il y a une filiation entre chrétiens et communistes : la haine de l’argent et l’amour de l’Homme constituent leur ossature à eux deux. Il ne faut évidemment pas oublier les ténébreux détours de cette quête d’absolu, de l’inquisition aux goulags, mais l’Amour des autres était leur crédo. Il n’est pas question du Dieu-Amour dans l’idéologie nazie qui suppose une espèce humaine hiérarchisée en « races », la « race aryenne » domestiquant des races inférieures et détestées, juifs, slaves, tziganes… les Untermensch.
Il est compréhensible de ne pas plus pardonner les crimes des uns que celui des autres. Mais un aspect essentiel doit être tenu en compte : il existe des différences essentielles entre une collectivité et un individu. Les collectivités mues par des idéaux peuvent tuer, martyriser, commettre toutes sortes de méfaits pour rester entre convaincus dans l’idée d’appliquer ses idéaux lorsqu’il ne reste plus qu’eux. Un individu n’a pas cette possibilité car il ne souhaite pas dominer mais convaincre. Et quand je pense à ces vendeurs de l’Huma-Dimanche sur la place du marché, je suis certain qu’aucun d’entre eux n’est capable du pire. Je ne dirai pas la même chose d’un militant nazi animé par la haine et le mépris de tout ce qui n’est pas lui. Les collectivités peuvent toutes devenir criminelles, mais les individus sont bien différents selon qu’ils aiment ou qu’ils haïssent. Une collectivité oublie la plupart du temps ce pour quoi elle s’est rassemblée pour ne plus tenir compte que de l’intérêt du groupe en essayant de convaincre, de vaincre pour que le groupe devienne plus fort, plus conquérant. L’individu qui ne peut tabler que sur ses forces propres, sans les effets d’amplification apportés par la masse, reste confiné au raisonnable.
Reste à déterminer si Luc Ferry parle en tant qu’honnête homme, de philosophe, ou en tant que militant représentant un groupe en quête du pouvoir. M. Luc Ferry a une opinion sur presque tout. Sur le christianisme, « c'est trop beau pour être vrai » ! Sur Mélenchon, un « vieux bolchevique » ! Sur Philippe Poutou « débraillé en Marcel, pour représenter les ouvriers, pas étonnant qu'ils aillent massivement chez Le Pen » ! Sur Marine Le Pen : « Le communisme c’est 120 millions de morts, le maoïsme 60 millions, Marine Le Pen, elle, n’a tué personne » ! Et une comparaison faite pour émouvoir les idéalistes de gauche : « Che Guevarra et Pinochet, c’est la même chose ! » ! Et comme philosophie : « La haine et la discorde sont, elles aussi, essentielles à la bonne marche du monde » !
Che Guevarra, à Cuba et ailleurs, a essayé de promouvoir une révolution marxiste aux côtés de Fidel Castro. Il est désigné procureur d'un tribunal révolutionnaire qui exécutera une centaine de policiers et militaires du régime précédent jugés coupables de crimes de guerre. Il crée aussi des camps de « travail et de rééducation ». Le général Pinochet lui prend la tête du coup d'État contre le gouvernement du président socialiste Salvador Allende, élu démocratiquement. Pinochet dirige le pays pendant 17 ans. Son régime est marqué par de multiples violations des droits de l'homme, plus de 3 200 morts et disparus, au moins 38 000 torturés, des dizaines de milliers d'arrestations de dissidents. Ses années de pouvoir lui permettent de s'enrichir considérablement à la faveur de comptes bancaires détenus secrètement à l'étranger et grâce à l’acquisition de multiples biens immobiliers. Il sera arrêté à Londres pour « génocide, terrorisme et tortures ». il meurt avant que les procédures judiciaires engagées puissent aboutir. Che Guevarra a été quant à lui capturé et exécuté sommairement par l'armée bolivienne entraînée et guidée par la CIA. La comparaison entre Pinochet et Che Guevarra s’impose-t-elle ? Chacun se fera son opinion, mais ce genre de propos est-il fait pour éclairer ou pour convaincre, parle-t-on en honnête Homme ou en propagandiste ? Cultive-t-on le doute ou assène-t-on des certitudes ? Est-on philosophe ou militant ?
Goebbels employa à son époque les techniques les plus modernes de manipulation des masses : s’adresser au public comme à des enfants en bas-âge, faire appel à l’émotion plutôt qu’à la réflexion, détourner des problèmes importants par un déluge d’informations insignifiantes, créer le buzz à tout prix pour mettre en valeur des idées vraies ou fausses ou délirantes ou raisonnables, qu’importe.
M. Luc Ferry s’est mis au service de M. Laurent Wauquiez en estimant qu’une démocratie ne peut fonctionner qu’avec une droite et une gauche bien identifiées, loin d’un centre qui ne mènerait à rien. Pour ce faire exercer, une attraction sur les électeurs du Front National est indispensable afin de réussir son pari de conquérir le pouvoir. Cette problématique relève de la politique, rien de ce qui concerne la sagesse n’est en cause, les propos tenus relèvent donc au mieux d’un militantisme au pire de la propagande, laissant sur le bord de la route le philosophe.
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