Lutte contre l’évasion fiscale : on pédale, on pédale
La semaine dernière s'est tenue une réunion du G7 en Grande-Bretagne. L'occasion pour Pierre Moscovici, ministre français des Finances, de plastronner devant la presse sur le chapitre de l'évasion fiscale. Morceaux choisis : "C'est un sujet sur lequel nous sommes en train, depuis quelques semaines, en vérité quelques mois, de faire des pas de géant, je n'exagère pas en disant ça, il y a quelque chose qui est en train de s'ouvrir, un nouveau champ". La langue de bois portée à son plus haut degré de lyrisme. Et tant pis si ces propos d'un cynisme absolu entrent en résonnance avec l'affaire Cahuzac. Tant pis pour l'outrage, tant pis pour l'outrance
Bon, mais passée la première hilarité (jaune), que reste-il de ces déclarations, à l'analyse ? Bien peu de choses, en fait. Mi-avril, on a effectivement assisté à un petit sursaut des pays du G20, qui ont "exhorté" la communauté internationale à s'attaquer aux racines du secret bancaire en généralisant l'échange automatique d'informations. Très chouette.
Moscovici, tout feu tout flamme, a même ajouté qu'il allait "insister" avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble "pour que l'UE avance très vite et que la Commission européenne fasse des propositions très vite" avant, très vite, de finir en apothéose : "on a lancé un mouvement pour faire reculer de façon décisive l'évasion fiscale" et "déboucher sur l'obsolescence des paradis fiscaux". Voilà, voilà. C'est beau, on admettra. Ça vous remue le palpitant.
Le problème, c'est que de l'avis de certains, l'échange automatique d'informations, c'est du bidon. Ainsi Mario Tuor, porte-parole du Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales au sein du gouvernement suisse (ça vous pose son homme), tranche dans ce sens : "l‘échange automatique d’informations est un modèle très inefficace pour lutter contre l‘évasion fiscale”. Ah. Bon. Bien. Mais on fait comment alors ? Pour Tuor, décidemment, le silence n'est pas d'or. Il le dit haut et fort, il faut arriver à un "accord au niveau mondial en vue d'établir des normes claires et solides sur la transparence".
Pas bête. D'autant que, le quidam sera surpris de l'apprendre, pour le moment, la liste noire de l'OCDE recensant l'ensemble des paradis fiscaux de la planète compte la bagatelle de zéro nom. Ou comment reconnaître la notion de paradis fiscal sans être capable d'en citer un seul. Vous avez dit hypocrisie ?
C'est peut-être la même hypocrisie qui caractérise Moscovici lorsque, tout en partant en croisade contre l'évasion fiscale, il se mure dans le silence lorsque Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, fait des pieds et des mains contre les commissions d'interchange. Ces commissions correspondent aux charges réglées par les commerçants lors de chaque transaction par carte. Les supprimer reviendrait à en reporter le coût sur les consommateurs, et donc à dissuader ces derniers d'utiliser ce mode de paiement au profit des espèces. Avec pour effet mécanique de rendre la TVA, l'impôt sur le chiffre d'affaire, les revenus et les charges sociales beaucoup moins traçables. Un pont d'or vers les paradis fiscaux, en somme.
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