Sur le banc des accusés aux côtés de l’ex-président de la République, Jacques Chirac, sont appelés à siéger neuf personnes dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris. L’une d’elles, assez inattendue, est M. Marc Blondel, une figure d’un des syndicats français représentatifs puisque, de1960 à 2004, il n’a pas cessé d’exercer des responsabilités à Force-Ouvrière et même d’éminentes en devenant de 1989 à 2004 le Secrétaire Général, réélu à ce poste par trois fois.
Or, M. Blondel est poursuivi pour « recel de fonds provenant de l'abus de confiance et du détournement de fonds publics » : il aurait bénéficié des services d’un chauffeur-garde du corps entre 1992 et 1998 payé par la Mairie de Paris. Il aurait remboursé les sommes indûment dépensées, tout comme l’aurait fait M. Chirac à propos d’autres abus selon un accord entre l’UMP et la Mairie de Paris, qui, en échange, a renoncé à sa constitution de partie civile dans le procès ouvert le 7 mars 2011.
Au-delà de l’affaire judiciaire, cette relation instituée par la Mairie de Paris sous M. Chirac avec le premier responsable d’un des grands syndicats représentatifs devient une fable qui, pour être privée de morale, n’en est pas moins riche de deux enseignements.
1- Une conception clientéliste de la politique chez l’ex-président Chirac
D’abord, c’est un bel exemple de la conception que M. Chirac avait de la politique. À quoi sert de débattre inlassablement en démocratie sans être jamais sûr de convaincre quand on peut obtenir l’adhésion de ses interlocuteurs par l’octroi de faveurs ? C’est le mode d’emploi même du clientélisme.
Ainsi la Mairie de Paris aurait-elle offert au Secrétaire Général de FO de lui payer un chauffeur-garde-du-corps. Et ce petit cadeau appelle trois observations.
1- D’abord, une faveur peut être relativement modique. Il lui suffit de flatter la vanité de l’intéressé d’origine modeste qui la reçoit, en le faisant entrer par le mode de vie dans la classe des détenteurs de patrimoine : rouler dans Paris comme un grand à l’arrière de sa voiture avec chauffeur classe son homme.
2- Ensuite, une faveur n’est jamais désintéressée : la patron - au sens romain du terme - attend de son client qu’il lui rende en échange les services demandés. Quand il est secrétaire général d’un grand syndicat, le minimum exigé est qu’il se montre conciliant et avec lui son organisation entière.
3- Enfin, en cas d’insoumission, le client est irrémédiablement prisonnier d’un chantage qui lui rend difficile toute marche-arrière : s’il ne rend pas le service attendu, il s’expose à voir sa faveur, jusque là tenue secrète, divulguée et à connaître le discrédit.
2- Une conception servile du syndicalisme chez l’ex-secrétaire général de FO
L’idée du syndicalisme que l’obtention de cette faveur révèle chez M. Blondel - si du moins le tribunal l’établit – n’est pas moins intéressante.
1- Peut-on imaginer que le Secrétaire Général de FO ait ignoré le chantage auquel il s’est volontairement prêté en acceptant la rétribution de son chauffeur par la Mairie de Paris ?
2- Peut-on croire davantage que les membres des instances dirigeantes de FO aient pu ignorer cette faveur accordée à leur Secrétaire Général ? Les comptes présentés par leur trésorier devaient montrer qu’aucun poste budgétaire n’était réservé à la rémunération du chauffeur qu’ils voyaient tous les jours conduire leur chef.
3- Mais les militants et adhérents de FO pouvaient-il, en revanche, soupçonner que leurs dirigeants étaient à ce point tenus par la Mairie de Paris dont le maire était devenu entre temps président de la République ? Comment le savoir ?
4- Les dirigeants de FO étaient donc contraints de pratiquer un double langage. Achetés par le Maire de Paris devenu président de la République pour une bouchée de pain – le salaire d’un chauffeur de Secrétaire Général -, ils devaient faire croire à leurs adhérents qu’ils combattaient pour une amélioration des salaires et des conditions de travail. En fait, leur marge de manœuvre était réduite au mieux à des gesticulations pour la galerie.
5- On a une belle illustration de ce que devient un syndicat quand ses permanents s’incrustent à vie ou presque à sa direction : il n’a plus d’utilité que pour eux-mêmes qui connaissent un train de vie bien supérieur à celui de leurs modestes origines en échange de leur docilité. Ils cessent d’être les représentants des salariés auprès des patrons et du pouvoir pour être ceux des patrons et du pouvoir auprès des salariés, sans que ceux-ci le sachent.
On a prétendu, dans un article récent que les salariés modestes votaient à Droite parce qu’ils y trouvaient un intérêt (1). L’ex-secrétaire Général de FO prèche d’exemple. La relation entre M. Chirac et lui illustre bien cette rencontre fructueuse entre une offre de clientèle d’un côté et une demande de faveur de l’autre. Rien que pour savoir si cette révélation est fondée, le procès intenté à l’ex-président Chirac et à ses neuf compagnons de fortune dont fait partie M. Blondel, mérite d’être conduit à son terme. Il permettrait d’ouvrir les yeux, si les faits sont établis, sur une conception de la politique qui aurait corrompu par le clientélisme la vie politique et syndicale française depuis 40 ans sinon plus. D’un mal peut naître un bien. Qui sait ? Un syndicalisme nouveau qui refusera le chantage du clientélisme, peut un jour voir le jour. Paul Villach
(1) Paul Villach, « « Pourquoi les pauvres votent-ils à Droite ? » Mais parce qu’ils y trouvent un intérêt ! », AgoraVox, 22 février 2011.
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le procès est encore et toujours renvoyé à la ST Glinglin , c’est bien un leurre d’appel qui signifie que les élus sont au dessus des lois de la ripoublique !
La domestication des syndicats s’est accentuée depuis l’arrivée de Mitterrand au pouvoir. Chirac n’a fait que suivre le modèle à sa façon.
Quand on retrouve son propre syndicat contre soi dans une affaire de violation de la loi par l’autorité administrative, on se demande pourquoi. L’affaire du chauffeur de Marc Blondel aide à le comprendre...
Et on se demande encore pourquoi l’Extrême droite progresse ? Paul Villach
pour ne pas connaitre la vérité tu es contraint à la suggestion, et imaginer que les organisations syndicales vivent du montant du peu de cotisation qu’elles perçoivent et d’une naîveté surprenante, de plus FO était connu comme le syndicat le moins « démerdard », et de plus c’est mal connaître M Blondel d’imaginer un instant qu’il se compromettre pour le prix d’un chauffeur, mais je t’accorde qu’il avait quelques travers. ce procès autour des emplois fictif est un folklore, le fruit d’un entêtement ou d’une acrimonie pour une pratique connu qui dans d’autres lieux se font par convention ou par détachement. je ne connais pas le dossier, mais une chose est sure c’est que le chauffeur de Blondel, c’était de notoriété publique. c’est du même niveau que la perruque dans les entreprises ou les services publics. à ce jeu l’on mettrait tous les français en taule, et si jamais il y en a un qui n’a jamais perruquer il faut le crucifier car ce doit être jésus.
Je crains de retrouver dans vos arguments ceux de M. Jean-François Probst que j’analyse dans un article à paraître aujourd’hui. Demandez-vous pourquoi l’Extrême droite progresse. Paul Villach