M. Macron, la République et le séparatisme islamique
« On doit lutter contre le séparatisme parce que quand la République ne tient pas ses promesses, d’autres essaient de la remplacer », a déclaré Emmanuel Macron, le 18 février, à Mulhouse (Haut-Rhin).
Toute la question est de savoir si M. Macron qualifie bien la situation dans laquelle se trouve notre pays. Que dit-il ? Que le danger relève d’une tentation séparatiste d’une part, et que ce séparatisme est encouragé dans les faits par une République qui ne tiendrait pas ses promesses, d’autre part.
Discutons d’abord l’hypothèse du séparatisme islamique. En tant que description pure et simple de ce qui se trame, cette tendance au séparatisme est indiscutable. Il est la tentation et parfois le choix d’une partie des Musulmans de notre pays. Ce séparatisme va d’une simple profession de foi (la communauté mondiale des croyants et le Coran AVANT la République) à une hostilité qui peut aller jusqu’à la déclaration de guerre (la communauté mondiale des croyants et le Coran CONTRE la République). La déclaration de guerre prend deux formes : attentats sur le sol national (y compris contre des compatriotes musulmans) et/ou ralliement à des organisations islamiques proto-étatiques étrangères de type Daech. Mais l’essentiel n’est pas tant de nommer ce séparatisme croissant - quoi qu’il s’agisse déjà d’un progrès en soi après des années de déni (on ne parlait que de « terrorisme » pour ne pas « stigmatiser ») que de tenter de l’expliquer. Pour M. Macron, nous l’avons dit, cette tentation serait avant tout la résultante d’une République « qui ne tiendrait pas ses promesses ». Autrement dit, si la République se hissait à la hauteur de ses prétentions, il n’y aurait pas ce mouvement de fond vers le séparatisme. La cause ne serait donc pas à chercher du côté de l’Islam mais plutôt du côté de la République et de ses échecs répétés. Cette approche n’est pas dénuée de fondement - admettons-le (il faudrait cependant tenir compte aussi des dynamiques internes à l’Islam) mais encore faut-il s’entendre sur la nature de ces « échecs ».
Dans l’idéologie de M. Macron, très essentiellement libérale et si peu républicaine, il y a fort à parier que les « promesses » non tenues sont d’abord liées à une économie atone, à un chômage de masse durable et aux discriminations à l’encontre des minorités (dont, bien-sûr, les Musulmans). Ce sont là, certes, des facteurs aggravants (qui le nierait ?), mais ce sont pas les causes profondes de la tentation séparatiste. M. Macron, prisonnier de son logiciel de pensée néolibéral, raisonne en « gestionnaire » et non en politique. Si l’Islam apparait pour beaucoup de Musulmans comme une solution de repli, ce n’est pas en premier lieu à cause des inégalités économiques et sociales (qui ne conduisent pas mécaniquement à un repli religieux), mais en raison de la capitulation de la République (comme idéologie) devant la mondialisation capitaliste (comme imaginaire de substitution). Depuis les années 1980, l’idéal républicain, qui puisait ses racines dans l’humanisme puis les Lumières, s’est en effet dissout dans un bain d’acide juridico-marchand où seule compte la réussite sociale, matérielle et symbolique des individus. En sorte que si la forme républicaine subsiste, dans un style d’ailleurs péremptoire au regard des réalités sociales (« Liberté, Egalité, Fraternité », convocation permanente des « valeurs de la République »), le fond est quant à lui vide de tout sacré païen et de tout dessein collectif. La situation rappelle quelque peu la Rome finissante, lorsque le sacré romain n’opérait plus et que toutes sortes de sectes chretiennes émergeaient...
D’une République une et indivisible, souveraine et indépendante, forte de ses racines historiques et intellectuelles, enracinée dans une culture nationale considérée comme évidemment légitime (et notamment sa langue et sa littérature), s’appuyant sur une armée populaire (service militaire) et sur une école particulière (celle de la discipline, du roman national et de la transmission des savoirs, et non ce « lieu de vie » qu’elle est devenue), nous sommes passés à une République formelle, simple dispositif institutionnel destiné à enregistrer les rapports de force qui se réajustent sans cesse (dès lors que le marché et le droit sont reconnues comme seules instances légitimes pour arbitrer les conflits). Ces évolutions incessantes des rapports de force donnent lieu d’ailleurs à des paradoxes pathétiques parfaitement repérés par P. Muray a travers la formule - proprement géniale - « modernes contre modernes ». Ainsi les progressistes peuvent-ils à la fois promouvoir le mariage gay et lesbien (incompatible avec l’Islam) et en même temps courtiser le vote des Musulmans en traquant l’islamophobie. Notre modernité est donc non seulement totalement creuse - l’individu n’étant plus conçu en rapport avec un idéal patriotique et républicain - mais également absurde et pathétique car fondamentalement dénuée de cohérence intellectuelle.
En réalité, l’expansion de l’Islamisme est à rapprocher de l’émergence et de l’expansion du fascisme dans l’entre-deux-guerres : c’est un type de réaction négatif et radical à une profonde crise de civilisation . Mais alors que le fascisme fut le fruit d’une brutalisation sans précédent des sociétés européennes, notre crise de civilisation provient d’un reniement massif (encouragé au plus haut niveau) de tout ce en quoi nous avons cru et qui constituait notre colonne vertébrale : la patrie, les lumières, le civisme, la raison, au profit d’une nouvelle « pensée magique » selon laquelle aujourd’hui est mieux que demain et demain sera mieux qu’aujourd’hui (forme d’irénisme naïf dont l’effet bien réel est d’organiser notre désarmement politique et moral face aux périls et aux enjeux de notre temps). Dans ce grand vide où l’individu se construit surtout par la mode, la publicité et le divertissement de masse - dans un environnement social marqué par le narcissisme et le conformisme - et où la vie semble n’avoir aucun sens (à part celui de vivre le plus longtemps possible et de pouvoir jouir d’une retraite convenable), la tentation de se réfugier dans un nouvel idéalisme moral et religieux est comme inéluctable. Et nul doute que ce nouvel idéalisme charrie, comme ceux qui l’ont précédé, sa cohorte de fanatiques vouant aux gémonies notre société cynique et matérialiste. Au passage, quelle ironie de voir les plus antifascistes des progressistes passer à côté des formes contemporaines d’un possible fascisme, qu’il s’agisse de l’islamisme, du transhumanisme ou de la société numérique. Preuve s’il en fallait que, si nous étions vraiment dans les années 30 (puisqu’ils y tiennent tant), ces gens n’auraient pas été de ces rares personnes lucides face au nazisme, mais de ces aveugles surpris par les ravages de juin 1940.
Ainsi compris, cet expansionnisme islamiste débouchant sur un séparatisme croissant ne cessera pas avec les remèdes économiques proposés par M. Macron aujourd’hui et pendant sa campagne électorale de 2017 (puisque, en guise de solution, M. Macron n’envisage au fond que la « libération de l’économie »). La France renouerait-elle avec le plein emploi que ce séparatisme n’en continuerait pas moins de progresser inexorablement. Pire, en encourageant l’idéologie individualiste et nihiliste de notre temps, M. Macron ne manquera pas de fournir un surcroît de carburant à ce séparatisme qu’il dénonce par ailleurs. Notre actuel Président peut donc bien dénoncer le séparatisme islamique, proclamer qu’il n’a pas sa place en France, il s’inscrit en réalité, par son action globale et son manque de cohérence intellectuelle, dans la continuité de ses prédécesseurs « progressistes » qui ont engendré la situation d’extrême fragmentation sociale et idéologique dans laquelle se trouve à présent notre malheureux pays. Les rendre responsable de cela n’est pas abusif, loin s’en faut : ce triste tableau n’aurait jamais été possible si les soit-disant « progressistes » n’avaient pas, dans un même mouvement, initier et encourager une immigration de masse, détruit la colonne vertébrale de notre société (et jusqu’à la haine de soi par le moyen d’une mémoire pénitentielle), remis notre souveraineté dans les mains des descendants idéologiques de Jean Monnet et, last but not the least, déployer un antiracisme victimaire. A cela il faut ajouter le néopétainisme global de notre politique étrangère (alignement sur l’Allemagne en économie et sur les USA en matière stratégique, si l’on excepte le grand refus du Président Chirac sur l’Irak) qui aura conduit, entre autres, à bombarder à l’étranger des populations musulmanes qui ne nous avaient rien fait et ne nous menaçaient pas, alors même que le pays accueillait de plus en plus de Musulmans du fait d’un immigrationnisme assumé. Michel Onfray dénonce avec raison et depuis longtemps les effets internes detestables de cette politique étrangère conduite par la satrapie occidentale appelée France (gâchant la sympathie qu’inspirait la France aux arabo-musulmans de l’autre rive de la Méditerranée).
De tout cela, une conclusion implacable s’impose : M. Macron s’imagine en pompier providentiel dans une société truffée d’incendies de tous ordres. Mais c’est un pompier pyromane. Aussi bien lorsqu’il s’applique à relancer l’économie (conséquence : les gilets jaunes) que lorsqu’il se confronte à l’idéologie et à la culture. Et comme la République En Marche ne fait pas les choses à moitié, puisque sa marque de fabrique est de faire comme avant mais en prétendant faire autrement, ce qui permet de le faire vraiment (dans une mesure jamais atteinte jusqu’à maintenant en France), gageons que les incendies ne vont pas s’éteindre de sitôt en dépit du début - timide et tardif - de la lutte contre les influences politico-religieuses extérieures (Il faudrait parler plus volontiers d’ingérence).
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