M. Sarkozy emboîte le pas à George Walker Bush…

Essayant de liquider sournoisement Kadhafi sous couvert de l’Otan, haussant le ton à propos de Bachar el-Assad et faisant en France le grand écart entre la gauche humanitariste/interventionniste et la « droite » sécuritaire.
La France sarkozienne est en pointe dans toutes les crises du monde arabe et en Afrique de l’Ouest. Qu’en déduire ? Que le Président français affecté d’un discrédit sans pareil dans l’histoire de cinq républiques, cherche par des aventures extérieures à redorer son blason et à reconquérir une opinion publique de plus en plus défavorable ? Un constat juste, mais au demeurant une explication un peu courte.
M. Sarközy est moqué et vilipendé. Certes la plupart du temps à juste titre, mais pas toujours à bon escient. C’est un peu vite oublier que cet homme, très fâché avec la syntaxe et dont le vocabulaire excède péniblement les cinq cents mots, est parvenu à s’imposer... D’abord à la classe politique, aux acteurs économiques et financiers, aux minorités agissantes et dominantes, pour finalement s’imposer au corps électoral qui a validé grâce au suffrage universel le choix de l’establishment, autrement dit des classes dirigeantes.
Sans une solide expérience en matière de manœuvres politiciennes, sans une volonté acharnée et un sens aigu du pouvoir, bref sans d’indéniables qualités cela aurait-il été envisageable ? Ses travers grossiers ou grotesques ne doivent donc pas nous masquer, ni nous faire oublier, de réels talents même si ceux-ci ne correspondent pas à l’image que nous nous faisons des hommes d’État … fussent-ils les marionnettes d’invisibles ventriloques. Une âme de boutiquier n’est pas incompatible avec le maniement des grandes affaires, on voit cela tous les jours dans le domaine de la finance ou à Bruxelles dans la gestion des Affaires européennes
En vérité il semble que M. Sarközy combine assez bien brutalité et subtilité. Brutalité et cynisme qui passent comme lettres à la poste lorsqu’il fait matraquer la résidence de M. Gbagbo par les hélicoptères de la force Licorne mais règle derechef une situation menacée de pourrissement. La brutalité est ici chose salutaire. Cynisme lorsqu’il envoie, au mépris de la Résolution 1973, des hommes d’armes sur le sol Libyen : éclaireurs avec leurs commandos de couverture, qui illuminent (au laser) les cibles que frapperont les appareils franco-britanniques. Les anglais envoie eux des conseillers… la guerre sourdement se déploie au sol, et ni la France, ni le Royaume-Uni ne la livre pour la seule frime. Guerres dont les véritables enjeux ne se situent pas sur le seul territoire libyen avec pour objectif l’éviction manu militari d’un potentat local ayant cessé de plaire. Non, les enjeux se trouvent sans doute en Algérie, dans le Golfe de Guinée (la question du Soudan étant provisoirement en suspens) où se joue l’avenir du bloc euratlantiste dans la bataille pour l’énergie et les matières premières qui l’oppose à l’Empire du Milieu hyperlibéral, collectiviste et semi esclavagiste.
La difficile fin de parcours des hommes politiques (Obama, Merkel, Sarkozy, Berlusconi), ne doit pas occulter la véritable dimension des crises en cours. Des spasmes que l’Occident s’efforce – à défaut d’en avoir été l’initiateur – de récupérer pour nourrir sa propre dynamique d’expansion et sa survie. Car c’est bien de cela dont il s’agit, croître ou périr. Si l’Occident abandonne le Continent africain au grand Dragon asiatique, à terme il se condamne lui-même.
Vu par le gros bout de la lorgnette (lequel rapetisse), dans l’ignorance des véritables rapports de forces en présences, de l’architectonie des conflits et de l’actuel degré d’intégration euro-américain, l’engagement de la France dans des guerres opposées à ses intérêts immédiats, s’inscrit évidemment au lourd passif du proactif M. Sarközy.
Si l’on considère les choses de façon plus distanciée en admettant que la politique étrangère de la France n’existe plus en tant que telle (ne pouvant dès lors se comprendre hors des desseins de l’Empire euratlantique auquel volens nolens nous nous trouvons embringués), alors nous devons regarder différemment une politique plus subtile qu’à première vue.
Du point de vue des affaires extérieures, M. Sarközy se fait, à l’instar de son modèle GW Bush, le paladin des droits de l’homme et de la démocratie contre une ribambelle de despotes orientaux finissant. À l’intérieur, pour pallier l’incidence de crises ayant démarré (en principe) spontanément à la périphérie orientale de l’UE, il apparaît comme l’homme de la fermeté préoccupé d’endiguer le flot de ceux que les médias (et les Organisation dont le fonds de commerce est la colonisation silencieuse de l’Europe), désignent abusivement sous l’euphémisme de « réfugiés »… les Tunisiens « libérés » auraient-ils besoin de se réfugier et pourquoi ?
À gauche, il est l’homme de l’humanitaire et des politiques d’ingérence qui vont avec. Un bel hommage à M. Kouchner l’inventeur de ces guerres qui, sous couvert d’une morale sur mesure, font de la démocratie égalitariste, lamineuse et libéraliste, le bien suprême et la panacée à tous les maux de l’humanité souffrante.
À droite, il est l’homme des politiques sécuritaires, volontaristes, faisant fi du chœur des pleureuses des droidelhommistes qui veulent accueillir toujours plus mais sur le dos et avec l’argent des autres.
Qui ne verrait qu’il s’agit ici d’une configuration assez remarquable ? Concilier comme allant de soi des positions et des politiques a priori antinomiques sans que cela soit une triviale ficelle de communication comme la grossesse potentielle de Mme Nagy-Bocsa. Car la guerre de Libye est d’abord le fruit d’un retournement stratégique et non une banale opération de com. Une reconfiguration stratégique ex abrupto décidé à Washington et à Tel-Aviv sans tenir compte des états d’âme des Anglish, des Frenchies ou des Macaronis.
Ce brutal changement de cap a d’ailleurs transparu dans la bévue de Mme Alliot-Marie, alors titulaire des Affaires étrangères, lorsque le 12 janvier elle proposait devant l'Assemblée nationale, de faire bénéficier la police tunisienne de notre savoir-faire en matière de règlement de « situations sécuritaires ». N’ayant pas fait cette déclaration sans l’aval de M. Guéant (la politique africaine ressortant exclusivement du domaine réservé de la présidence), il faut en déduire que Paris n’avait pas encore été informé que l’heure était au lâchage de Ben Ali, comme un peu plus tard celui de Moubarak, puis Kadhafi et maintenant d’Assad.
Tous les quatre bons amis de la France (Assad n’avait-il pas figuré à la tribune d’honneur, au côté de M. Sarközy, lors du défilé militaire du 14 juillet 2008 et Kadhafi planté sa tente de bédouin sur la pelouse de l'hôtel Marigny en décembre 2007, ce qu’il fera encore à Moscou un an plus tard et à Rome en 2010), et surtout les quatre piliers du projet d’Union pour la Méditerranée qu’avait lancé M. Sarközy au tout début de son mandat présidentiel. Un projet qui a d’ailleurs resurgi inopinément des limbes (où l’avait renvoyé Mme Merkel) à l’occasion des révoltes populaires arabes et dont l’objectif implicite était d’associer l’Union européenne, Israël (qui en est un membre de facto de l’UE, ceci n’étant pas une clause de style) et les riverains arabes et turcs du bassin méditerranéen. Partenariat et intégration régionale existant déjà sous couvert de l’Otan et du dispositif destiné à assurer la sécurité en Méditerranée orientale.
Retour d’un projet avorté qui accompagne très logiquement l’injonction envoyée à Nagy-Bocsa de prendre en marche le train du « Printemps arabe ». Parce qu’en dernier ressort, à défaut d’en être les initiateurs, il s’agit d’orienter à notre profit des événements qui, mal gérés, pourraient remettre en cause l’équilibre existant aujourd’hui à travers un savant maillage d’accords discrets et de coopérations multilatérales. Pris dans ce filet, les nations arabes étaient conduites en douceur à se faire les complices passifs de la politique de « génocide » à bas bruit des Palestiniens !
La partie s’annonce rude car il faut canaliser dans le bon sens les énergies ainsi libérées et les défis sont de taille : sécurité d’Israël et grande stratégie africaine des États-Unis. Des enjeux qui exigent de recourir aux grands moyens : l’alléchante carotte de la négociation et de l’aide sonnante et trébuchante étant présentée par l’avenant Barak Obama vainqueur par KO technique de l’affreux Ben Laden, tandis que Sarkozy est lui autorisé à manier le gros bâton pour la plus grande gloire de la démocratie et du salut des peuples.
Hélas pour lui (et pour la France) cette stature internationale ne devrait à l’arrivée guère être plus brillante que celle ébauchée lors de sa présidence du G20 en novembre 2010. Présidence qu’il assure pour un an, la prochaine session devant se tenir à Cannes… peut-être pour mieux accréditer l’idée que ces forums internationaux ne sont que de super spectacles made in Hollywood ?
Pour nous résumer, si la France est en première ligne sur tous les chantiers de guerres en cours et à venir, si elle est humanitaire dehors et sécuritaire dedans, c’est que M. Nagy-Bocsa croit pouvoir acquérir dans l’aventure une stature internationale qui le rendra rééligible… à l’instar de M. Bush passé brutalement le 12 septembre 2001 de l’ombre à la lumière, à savoir du statut d’alcoolique repenti à motricité cérébrale réduite, à celui, plus noble, de Croisé de la Liberté contre la Terreur sans frontières.
Peu importe à M. Sarközy que les amis d’hier soient les tyrans d’aujourd’hui. Le cheval de bataille de la guerre chevaleresque (au service des néoconservateurs et des likoudistes de Washington), était trop beau pour ne pas l’enfourcher illico. Et en effet, malgré la fulgurante ascension de Mme Le Pen, M. Sarkozy espère trouver là le moyen de prolonger sa désastreuse présidence. À condition bien sûr que Kadhafi daigne se coucher et Assad aussi. Ce qui est hélas peu probable car comme tous les hommes forts du Maghreb ou du Machrek, ceux-ci ont désormais en tête l’image ignominieuse de l’exécution le 2 janvier 2007 de Saddam Hussein dont le cou fut à demi arraché en raison d’une corde trop longue !
Le dos au mur l’on a tendance à se battre jusqu’au bout. Et puis le régime syrien devrait se montrer beaucoup plus coriace encore que la Jamahiriya libyenne : appuyé sur un parti puissamment structuré, le Baas, l’armée et les Services de renseignements, les Moukhabarat, aux mains des Alaouites, réputés chiites et célébrant des fêtes chrétiennes (l’Épiphanie et Noël), el-Assad ne rendra pas les armes si facilement. Le Raïs syrien, homme avenant n’est en effet pas le dictateur odieux et féroce que se complaisent à présenter les tartuffes médiatiques, en outre le régime pourra compter sur des soutiens extérieurs. Au Liban et peut-être en Iran, pourtant lui-même actuellement le théâtre d’une redoutable crise au sommet où s’opposent le Guide suprême, Ali Khamenei et le président Ahmadinejad.
Les Américains quant à eux, passés maîtres dans les techniques de manipulation des masses via les réseaux sociaux, sapent les pouvoirs ennemis à coups de rumeurs, de fausses nouvelles et de propagande noire, d’images truquées tel le visage esquinté du prétendu Ben Laden, diffusées via la Toile. Mais là encore, le camp occidental auto désinformé croit en sa capacité illimitée d’orienter le chaos dans le sens de ses intérêts. Gare cependant aux retours de flammes ! À ce titre M. Sarközy prends des risques exagérés, ce qui malgré tout ne lui fera pas pardonner la faute (inexpiable aux yeux des sionistes) de soutenir l’idée de la création prochaine d’un État palestinien… dont il sait pourtant qu’il est infaisable en raison entre autres de l’émiettement de la Cisjordanie caviardée par les Colonies juives.
Sans l’appui du Conseil de Sécurité (où l’opposition de la Chine et de la Russie est de plus en plus marquée), M. Nagy-Bocsa n’aura sans doute pas l’occasion de réitérer le coup d’Abidjan et son bombardement du Palais de la Moneda. Il ne suffit pas de tirer sur une résidence pour réussir une frappe de décapitation, en d’autres termes pour liquider Kadhafi en prétextant une erreur de tir. Au mieux on obtient la mort de l’un de ses fils et de trois de ses petits fils, ce qui fait tache. L’on conviendra qu’en matière de tableau de chasse il est possible de faire mieux…
S’être lancé à corps perdu comme M. Sarközy l’a fait en Libye et s’acharner à présent sur el-Assad, pourrait bien finalement se retourner contre le Conducator français. Avec la scoumoune sous-jacente qu’on lui connaît (tout ce qu’il touche se transforme en plomb), viendra bien un temps où son toupet, son infernale chuztpah, sa capacité à dépasser sans aucune vergogne les bornes élémentaires de l’admissible, lui joueront un mauvais tour. En attendant, fort de ses parrainages occultes, il se place en position d’effectuer un deuxième tour de piste. Puisqu’il sert avec autant de zèle les noirs desseins de l’hyperclasse, pourquoi en effet, comme cela a été le cas pour Bush, Blair et Cameron, ne pas l’user jusqu’à la corde ?
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