M. Sarkozy, un président populiste : mythe (gauchiste) ou réalité ?
Alors que la lutte contre les tentatives de diabolisation du « front anti-Sarko », vient d’échouer lamentablement, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour relativiser le populisme de M. Sarkozy et ses « relents berlusconiens ». Étant admis que les attaques les plus efficaces sont celles qui sont les mieux fondées, attardons nous sur les composantes populistes du personnage et de son discours.
On parle généralement de populisme à propos d’un parti qui repose sur un leader charismatique désirant établir un lien direct entre le peuple et lui. Cette union vise alors à se placer du côté du bon sens populaire pour dénoncer une démocratie en crise, des élites corrompues, un système représentatif en berne. Le chef populiste prône un retour à des formes de démocratie directe, césarienne, que l’on retrouve de Napoléon à De Gaulle et dont l’illustration la plus claire se trouve dans la pratique du référendum, forme « institutionnalisée », légalisée, du plebiscite. Mais l’expérience montre que, sous couvert « d’ultradémocratie », les gouvernements populistes procèdent en général aux restrictions des libertés individuelles (la masse avant tout).
On s’aperçoit que la composante antisystème du populisme se retrouve facilement chez Le Pen et de manière générale chez tous les partis européens d’extrême droite. M. Sarkozy correspond assez peu à ce portrait. Il ne remet pas en cause nos institutions et les élites au pouvoir, bien au contraire. A la différence des candidats extrémistes, mais aussi d’un homme tel que Berlusconi (qui lui, arrive au pouvoir de la sphère civile, critiquant les élites italiennes corrompues), le nouveau président francais se situe au coeur même du système. Dès lors, ce qui s’apparente le plus au populisme chez lui se traduit de manière explicite dans son fameux discours de la « rupture ».
Une autre forme rhétorique propre au populisme consiste à opposer de manière binaire, manichéenne, deux catégories sociales, professionnelles, culturelles, ethniques en ayant recours à l’émotion de manière à susciter l’adhésion. C’était hier la défense des artisans/commerçants avec Poujade, c’est aujourd’hui celle des honnêtes gens face aux délinquants, de la « France-qui-se -lève-tôt » contre la France des assistés.
Ce qui rapproche également Nicolas Sarkozy d’une politique « berlusconienne », qui ne définit pas le populisme mais qui en est bien souvent le corollaire, ce sont ses liens de cooptation entre médias et politique qui ont pour conséquence la restriction de la liberté de la presse. Berlusconi, on le sait, contrôlait pendant l’exercice de ses fonctions un grand nombre de chaînes de télévision et de titres de presse, par l’intermédiaire de son empire Médiaset. Avec lui, les liens ne seront plus financiers mais « amicaux », puisqu’il a parmi ses proches amis les dirigeants des grands groupes industriels français qui eux-mêmes dominent le paysage médiatique (Dassault, Lagardère ec). Personnalités, qui, soit dit en passant, sont autrement plus importantes pour l’avenir du pays que les people décerébrés qui ont assuré le « spectacle » durant cette campagne.
Enfin, du point de vue de son programme politique, M. Sarkozy se situe dans la droite lignée de Berlusconi et du FPO autrichien dont les idées relèvent d’un mélange subtil de politique économique libérale et de conservatisme social, propre à satisfaire le bon sens populaire.
En définitive, le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy résume particulièrement bien sa posture : « rupture tranquille »... On prend les apparences de la rupture avec le système et les élites alors qu’on en fait partie intégrante, mais on reste « tranquille », c’est-à-dire en conservant les valeurs populaires de nation française.
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