Ma lettre au Comité Nobel norvégien
Cher norske Nobelkomite,
Le bruit bruisse dans la presse de mon pays qu'un ci-devant ministre des affaires étrangères se verrait bien récompenser du prix Nobel de la Paix pour son travail lors de la COP21. Tu es grand, tu fais comme tu veux, mais crois-moi, c'est une très mauvaise idée. Tu t'es déjà fourvoyé en inventant le concept de Prix Nobel « à crédit » lorsque tu l'as attribué à un certain Président des États-Unis d'Amérique à peine élu et qui s'est révélé insolvable dans les faits, et te laisse aujourd'hui une ardoise de conflits ouverts ou larvés. Pour t'éviter de te ridiculiser une nouvelle fois, voici quelques arguments qui te permettront de classer verticalement cette « candidature » et de passer au plus vite à des prétendants sérieux.
La COP21 apparaît comme un succès dans les médias serviles de France. Et pourtant, ce qui est présenté comme les nécessaires engagements afin de réduire le réchauffement climatique s'avèrent, de l'avis de certains observateurs (sans doute des sceptiques et des cyniques comme moi) révocable et largement différé pour que nul ne perde la face à renier sa parole quand sera venu le temps opportun. Bref, un accord de papier qui n'apporte qu'une satisfaction de façade. Est-ce que le satisfecit d'une bande de diplomates trop heureux de sous-traiter à leurs successeurs du surlendemain les décisions courageuses qu'ils auraient dû prendre l'avant-veille et n'ont pas eu le cran de prendre hier mérite l'octroi d'une telle récompense pour le chef circonstanciel de ces béats imbus de la portée de leur travail ? Je ne le pense pas.
Je sais que le Prix Nobel est attribué pour une œuvre précise, et que des lauréats au passé sulfureux ont pu effectivement mériter ce prix pour des actions moins discutables. Pourtant, de mon point de vue, l'ensemble de l'œuvre de ce putatif candidat est de nature à le disqualifier pour ce type de récompense. Permet-moi de t'infliger, cher norske Nobelkomite, un petit florilège non exhaustif de ce qui justifie mon opinion.
Alors qu'il occupait la fonction de premier ministre, un scandale a eu lieu : du sang contaminé par le virus HIV a été injecté alors que des tests d'origine étrangère auraient pu être utilisés pour dissocier les lots sains des lots contaminés. De nombreux hémophiles sont morts prématurément du fait des décisions prises à l'époque. La formule du premier ministre a été de se présenter comme « responsable, pas coupable » … Quelle belle épitaphe pour ces malheureuses victimes collatérales de cette impéritie !
Devenu le chef de la diplomatie de mon pays, ledit impétrant s'est commis à soutenir dans une guerre civile en Ukraine une faction contre l'autre, en suivant sans grande originalité l'Union Européenne et les États-Unis d'Amérique. Je ne donnerais pas de brevet de bonne conduite ou d'honorabilité au champion international de l'autre faction, mais il se trouve que dans la faction occidentale, Europhile et Atlantiste, l'un des trois partis au pouvoir ressemble à s'y méprendre à une résurgence d'un parti ayant incarné le mal absolu en Allemagne entre 1933 et 1945. C'est tout de même ballot que la diplomatie de mon pays se commette à soutenir des tenants d'idéologies délétères. Question incidente, sans intérêt pour le Nobel : comment la judaïté de l'impétrant supporte-t-elle cette alliance avec le fils du diable ?
L'Orient est certes compliqué. Le despote sanguinaire régnant en Syrie n'est pas un enfant de chœur et loin de là. Faut-il pour autant tout sacrifier, y compris la vie des chrétiens d'Orient, des yézidis, des chiites, des homosexuels et de tous ceux qui ont l'heur de déplaire aux fous qui président aux destinées du pseudo-califat (ou à leurs clones hâtivement qualifiés de modérés) pour satisfaire les intérêts de nos « amitiés » avec des pétromonarchies au moins aussi cruelles ? J'ai du mal à le croire. De même, lorsque la diplomatie de mon pays présente 21 coptes exécutés par des islamistes pour leur fidélité à leur foi comme de simples égyptiens, elle glisse vers un révisionnisme qui me fait honte.
Notre pays a connu une cinglante défaite lors d'une guerre de décolonisation il y a longtemps. Sur les 11 721 soldats prisonniers, 8 431 ont disparu ou sont décédés dans des conditions abjectes, inhumaines, qui relèvent du crime contre l'humanité. Lorsque le général responsable de ces atrocités est mort de vieillesse, dans son lit, fallait-il que la diplomatie de mon pays se livre à un dithyrambe qui pourrait passer pour une apologie de ses crimes commis contre nos soldats ? Il vient un moment où les diplomates devraient savoir se taire, plutôt que de faire l'éloge du mal.
Je ne vais pas t'infliger de me lire plus longuement. Tu auras bien compris tout seul que cet individu n'est pas un premier choix, un type recommandable pour ce genre de récompense. Je suis sûr que tu trouveras en cherchant un peu un nouveau Muhammad Yunus, un Lech Walesa, une mère Thérésa ou encore un Dalaï Lama qui fera bien mieux ton affaire. Je t'en remercie d'avance, et je te prie de croire, cher norske Nobelkomite, à la sincérité de mes salutations.
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