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Accueil du site > Tribune Libre > Macron : J - 40 heures avant ton grand virage

Macron : J - 40 heures avant ton grand virage

Notre Président nous avait promis que rien ne pourra plus être comme avant et nous attendions avec fébrilité ses annonces pleines de promesses. Et c’est Notre-Dame qui a brûlé.

Et d’un seul coup, l’attente qui murissait depuis des semaines, a laissé place à la stupéfaction, puis, la flèche tombant, à la sidération. Cette œuvre de 800 ans, construite sur plusieurs générations d’artisans, d’humbles maçons, vitraillistes, menuisiers, charpentiers et qui a traversé l’histoire pour parvenir jusqu’à nous presqu’éternelle, ce joyau pouvait-il résister aux flammes de l’enfer ?

Dans cette fébrilité, notre Président certainement frustré quelques minutes de voir sa mise en scène sombrer corps et bien a dû se réconforter du contrefeu créé par l’incendie qui lui permettait de faire encore traîner sa réponse. Quelle aubaine de pouvoir distiller ses fuites pour tester la réaction du pays dans un moment si propice à l’unité. Et puis, il faut bien reconnaître que le feu de Notre-Dame, ça a plus de gueule que les cocktails Molotov !

Alors, d’un seul élan, il a répondu à la grandeur qui l’appelait pour rassembler, avec une ferveur appuyée, son peuple de bâtisseurs dans l’unité, pour gagner la bataille dont on ne sait pas trop de quoi il parle : incendie ou gilets jaunes ?

Alors, que faire sinon proclamer que Notre-Dame sera reconstruite plus belle encore en cinq ans. Le grand architecte de la nation a parlé au mépris de tous les experts ! Et un souffle a traversé le pays, l’emmenant dans un rêve de grandeur retrouvée.

Et puis, le lendemain se sont produits deux évènements simultanés. Bernard Arnault pris par l’émotion, comme tout à chacun annonce, qu’il donnera 200 millions d’euros pour la reconstruction de la cathédrale entraînant avec lui François Pinault, la famille Bettencourt, Total, Bouygues et tous les Crésus de France et de Navarre. Le souffle macronien avait atteint nos milliardaires qui, d’un seul élan, ont fait preuve de toute leur générosité. Et les médias de s’esbaudir, et tout le monde d’admirer ces grandeurs d’âmes. Enfin les riches donnent un peu au-delà de ce qu’ils sont obligés de faire par l’impôt. Le ruissellement fonctionne en fin. Les premiers de cordée ont entrainé d’autres donateurs.

Et puis, on apprend que Macron veut supprimer l’Ena. Euh…

Et instituer les référendums… locaux. Tiens, ça n’existe pas déjà ?

Et encore, la fin de la limitation à 80 km/h. Bast ! C’est la révolution !

On savait déjà qu’Édouard Philippe avait découvert que les Français voulaient une baisse des impôts et la réduction des dépenses publiques !!! Euh… N’est-ce pas là, le programme de Macron ? Il y a bien la réindexation des petites retraites sur l’inflation, ou les réductions d’impôts sur les revenus modestes et les classes moyennes, mais fallait-il un Grand débat à 12 millions pour accoucher de mesurettes pareilles ? Et que dire de la transition écologique. Tout bonnement oubliée !

Alors la belle unité vieille d’au moins douze heures a volé en éclat en moins de deux. Le peuple des gaulois réfractaires est retombé du rêve de grandeur aux bassesses comptables et manipulatrices de notre banquier national

Les Gaulois échaudés par les fuites organisées de l’Élysée ont commencé à regarder d’un œil méfiant les généreux donateurs. Et ces milliardaires, ont d’un seul coup fait les frais d’une démystification. On se rappelait qu’ils avaient bénéficié du cadeau de la suppression de l’ISF, qui leur avait fait économiser bien plus que ce qu’ils s’apprêtaient à donner. Il n’y en avait plus que pour eux dans les médias. Et les Gaulois de se demander : c’est quoi la réalité de leur don ? Vont-ils bénéficier de l’abattement fiscal sur les dons ? Ouf, François Pinault renonce à la réduction d’impôt, renvoyant ainsi les esprits gaulois vers Bernard Arnault, le Français le plus riche. Et on se met à calculer. Un Smicard en donnant 5 euros donnerait proportionnellement plus que ce milliardaire.

Et puis, on se rappelle que l’an dernier, les fondations ont reçu moins de dons que les années précédentes et que cette baisse correspondait à la disparition de l’ISF, rendant ainsi l’abattement fiscal inutile. Les dons seraient-ils intéressés ? D’un coup, la générosité de nos donateurs a beaucoup moins de gueule. D’autant qu’ils ne se sont pas privés d’annoncer leurs dons aux média qui, d’un seul tenant et soudés par leurs riches propriétaires, ont souligné les largesses de leurs collègues.

Il fallait vite rattraper la situation par une action qui fasse consensus. Alors, le Président des gaulois a salué le courage des pompiers. Et chacun de constater au fur et à mesure que la cagnotte gonflait, qu’il y a plein de fric dans ce pays pour réparer des murs. Alors, les pauvres ont commencé à lever le doigt en criant « et nous, faut-il que nous brûlions pour qu’on s’intéresse à nous ? », parce qu’à un moment, tout ce manège devient indécent.

Alors, on s’indigne de faire des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être. On se dit qu’heureusement les grands donateurs sont là parce que le coût de la reconstruction va être très élevé. Tout en évitant de dire que les trois grands donateurs pourraient à eux seuls financer intégralement la reconstruction sans que cela ne pèse en aucune manière sur leur train de vie. Peut-être un ralentissement de leurs profits. Et encore.

Faut-il leur rappeler qu’au-delà d’être associés au sauvetage d’un joyau de l’humanité, ils relèvent un édifice dans lequel, à chaque seconde qui passe, pris un, deux, trois, mille chrétiens pour la paix dans le monde, pour dire « oui » à la volonté de Dieu et demander la force de se détacher du monde matériel, pour aimer davantage et se donner eux-mêmes en vérité.

Et les paroles proustiennes refont surface « Les cathédrales doivent être adorées jusqu’au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu’elles enseignent. Ne sacrifiez pas des hommes à des pierres dont la beauté vient justement d’avoir un moment fixé des vérités humaines."

Sachez, donateurs du monde entier qu’un don est gratuit et qu’il suppose un désintéressement total. Et que pour s’assurer de ce don parfait, il suffit tout simplement de donner et de fermer sa gueule ?

Et vous, Monsieur le Président, que cet instant de la vie de notre pays, s’il peut être interprété comme le signe métaphorique de la reconstruction du pays, puisse aussi vous rappeler par ces pierres que la générosité ne se calcule pas. Puissiez-vous profiter de ce délai supplémentaire qui vous a été accordé, pour vous rappeler que la puissance financière d’un pays a de l’intérêt jusqu’au jour où, pour la préserver, il faudrait renier son peuple. « Ne sacrifiez pas des hommes à des pierres dont la beauté vient justement d’avoir un moment fixé des vérités humaines… ».

Jean-Luc Picard-Bachelerie


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18 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 24 avril 2019 11:34

    Bonjour, Jean-Luc


    « Quelle aubaine de pouvoir distiller ses fuites pour tester la réaction du pays dans un moment si h à l’unité » 

    Nul doute que, s’il est malin  et il l’est parfois à la limite du machiavélisme , Macron aura rectifié sur plusieurs points la copie qu’il s’apprêtait à délivrer il y a 9 jours. Saura-t-il se hisser à la hauteur des enjeux pour rallier une opinion publique majoritaire et marginaliser encore plus les Gilets jaunes, rien n’est pourtant moins sûr tant il est enfermé dans une idéologie néolibérale au service des puissances financières.


    « instituer les référendums… locaux. Tiens, ça n’existe pas déjà ? »


    Euh... non ! Pas des RIC. Quant aux rares consultations qui sont organisées par des élus locaux, elles n’ont même pas d’existence légale et leurs résultats ne sont par conséquent pas contraignants.


    « Les cathédrales doivent être adorées jusqu’au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu’elles enseignent »


    Même si sa foi était atypique, Proust parle en chrétien. Or, les cathédrales sont bien plus que des églises : elles sont avant tout de nos jours des prodigieux témoins de l’art des architectes, des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des charpentiers, des verriers. 


    • Jean-Luc Picard-Bachelerie 24 avril 2019 17:55

      @Fergus
      Le référendum local existe déjà mais effectivement pas sous la forme du RIC. Tant que Macron n’aura pas explicité son idée j’en reste à une non annonce.
      Quant à la parole proustienne, si je l’ai ressortie, c’est pas tant à la gloire des pierres mais bien pour que Macron en revienne à l’humain.


    • baldis30 24 avril 2019 18:42

      @Fergus

      bonsoir,
       «  elles sont avant tout de nos jours des prodigieux témoins de l’art des architectes, des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des charpentiers, des verriers.  »

      oui , bien sûr oui ... mais n’oubliez pas de signaler l’extraordinaire pouvoir d’organisation qu’il fallut maintenir pendant plus d’un siècle pour en arriver à cette œuvre qui, comme Louqsor ou Machu Pichu, appartient encore plus à l’Homme.


    • Eric F Eric F 24 avril 2019 21:18

      @Fergus
      Des referendums locaux sur la forme des lampadaires ou le choix entre un sentier pédestre ou une aire de jeu n’ont qu’une portée anecdotique. La demande de RIC ou équivalent concerne des enjeux d’ampleur nationale.

      On a un exemple intéressant avec le RIP contre la privatisation d’ADP (bravo les sénateurs ...qui sauvent peut-être leur assemblée aux yeux de l’opinion), il y a le quorum de parlementaires -comme quoi, ce n’était pas insurmontable- mais collecter le parrainage de 4,5 millions d’électeurs n’est pas une mince affaire au niveau campagne de sensibilisation et logistique de collecte et d’authentification (par qui, comment ?). Une évolution de la procédure en réduisant le quorum de citoyens irait dans le bon sens, et en rendant systématique le recours au referendum alors que le RIP actuel peut se terminer en tambouille parlementaire (le diable se loge dans les détails). 


    • Eric F Eric F 24 avril 2019 21:37

      @Fergus
      Ce qui a « fuité » correspond ...aux proposition LREM pour le Grand Débat avant même la clôture de celui-ci, la ficelle était un peu grosse.
      Par exemple concernant les retraites, il y a quatre ou cinq ans, Valls avait envisagé une mesure spécifique pour revaloriser les « petites » retraites, mais le gouvernement d’alors y avait renoncé car c’est contraire au code de la sécurité sociale qui lie la revalorisation de l’ensemble de toutes les retraites, il y avait probabilité de rejet par le conseil constitutionnel (référence) -il y a eu je crois une prime compensatoire en 2015-. Macron ne peut se permettre le risque de rejet, et doit dégeler l’ensemble des retraites dont la poursuite du gel n’était pas annoncée dans son programme (contrairement à hausse de CSG, désormais concentrée au dessus d’un seuil)


    • machin 25 avril 2019 05:49

      @Fergus

      Vous êtes indubitablement le roi du lieu commun*...
      Chapeau bas.

      *Un lieu commun, du latin locus (« lieu », loci au pluriel) et communes (« communs »), est en rhétorique une figure de style fondée sur l’emploi de situations communes ou d’assertions consensuelles...


    • Le421... Refuznik !! Le421 25 avril 2019 09:26

      @machin
      Et autres truismes, tautologies et lapalissades...


    • Jean-Luc Picard-Bachelerie 25 avril 2019 15:39

      @Eric F
      Bravo les sénateurs, c’est un peu vite dit. Réunir ce quorum, ils auraient pu l’obtenir sur bien d’autres points s’ils avaient tenté quelque chose. Et c’est justement parce qu’ils sentent arriver la lame du couperet que, d’un seul coup, ils se réveillent. Le problème dans ce RIP ce sont le 4.5 millions de signatures qu’il faut trouver, soit 10% du corps électoral. Quand on voit que Macron s’est fait élire avec 13% de ce corps électoral on a peine à croire que ce RIP puisse aboutir sur n’importe quel sujet. Il faut que le seuil soit abaisser à 2% du corps électoral, ce qui est à peu près le chiffre suisse. Et appliquer un taux et pas un nombre. 


    • exocet exocet 24 avril 2019 21:22

      espérons qu’il n’y a pas encore quelque chose qui va bruler avant ce discours : le Sacré-coeur, les Invalides, la Tour Eifel, ce sera quoi cette fois ?


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 24 avril 2019 21:35

        @exocet

        Un feu de poubelles chez Benmachin .


      • Eric F Eric F 24 avril 2019 21:39

        @exocet
        le « filon » Notre Dame n’est pas encore épuisé : une bonne averse, la bâche s’arrache, les murs gorgés d’eau s’effondrent.


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 24 avril 2019 21:49

        @Eric F

        Tant qu’il n’y aura pas d’étayage pour compenser la poussée des arcs boutant ...tout est possible.


      • Emohtaryp Emohtaryp 24 avril 2019 22:40

        @exocet

        « espérons qu’il n’y a pas encore quelque chose qui va bruler avant ce discours : le Sacré-coeur, les Invalides, la Tour Eifel, ce sera quoi cette fois ? »

        Le burn out de lui-même, il va s’autoconsumer dans un discours flamboyant avec émanation de fumée dense et toxique....


      • Alain Dussort Alain Dussort 25 avril 2019 06:41

        on voit la paille dans l’oeil du voisin mais pas la poutre qui brûle en défiant les lois de la physique à moins qu’il y ait un accélérateur d’incendie ....


        • zygzornifle zygzornifle 25 avril 2019 09:21

          Il va faire une allocution pour dire qu’il n’y aura pas d’allocution .....


          • William William 25 avril 2019 18:45

            Je suis en train d’écouter son laïus en direct, c’est du bavardage, des principes généraux, très peu de vraiment concret, en tout cas il persiste à affirmer que sa politique a pris les « bonnes orientations ». On verra si les questions conduiront à des précisions pratiques, mais ces grands discours avec des idées générales et des anecdotes particulières tombent complètement à plat.


            • William William 25 avril 2019 18:48

              en tout cas le « grand débat » a été une arnaque, puisque les mesures sont celles que la majorité gouvernementale évoquait déjà avant même ce débat.


            • Jean-Luc Picard-Bachelerie 25 avril 2019 20:39

              Pas d’ISF, ni de RIC. Rien sur la gabegie des revenus des élus et des hauts fonctionnaires. Moins de représentativité, donc moins de démocratie. Pas de partage du travail. Allongement de la période de référence pour avoir un système de décote qui incite à travailler plus. Baisse des impôts sur le revenu sans compensation par de nouvelles recettes, cela veut des aides sociales en baisse et des services publics au rabais. Ça va péter !

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