Macron le petit
La macromania, si tant est qu’elle ait vraiment existé hors les médias, semble marquer un coup d’arrêt. Les attitudes du nouveau chef de l’état et de son gouvernement ont plutôt déconcerté et inquiété, notamment pour ce qui est de l’annonce de sa politique générale.
Le soufflé se dégonfle…
Un manque de respect à peine dissimulé.
Derrière une attitude consensuelle concernant surtout le monde politicien établi, et des formules démagogiques sans grande profondeur, l’ancien ministre du gouvernement Hollande, cache difficilement une volonté d’asservissement de ceux qui travaillent. Voici quelques mois, il traitait les salariées de GAD d’illettrés (1). Et ses répliques méprisantes ont depuis assez longtemps fait le tour du net. "Vous n'allez pas me faire peur avec votre Tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler." On se rappelle ce genre de propos de millionnaire, de leur récurrence.
Qu’il est courageux notre sicaire de la finance face aux pue-la-sueur !
Le bon sens de TINA (2) est toujours bien asséné à la face des démunis ignorants...
On était habitué aux formules creuses de campagne, aux singeries inspirées du modèle américain. Et quand même parfois choqué déjà par une ignorance certaine où la Guyane devenait une île (3)…
Mais certains restaient toujours leurrés (« il faut lui laisser sa chance ») et éludaient quand on évoquait la volonté clairement affichée d’Emmanuel Macron de s’attaquer aux droits et finalement aux revenus des salariés. Déjà, dans un film documentaire de 2015 (« Du fer à la Finance : l’empire Wendel » de Patrick Benquet, 2015), alors qu’il était ministre et qu’on l’interrogeait sur les licenciements en masse qui suivaient le rachat de certaines entreprises, il avouait son attachement à ces pratiques, d’où qu’elles viennent, car si « les investisseurs »(!) ne venaient pas chez nous, n’iraient-ils pas à l’étranger…
Voilà qui permet de jauger réellement l’estime et le respect que porte Emmanuel Macron à ceux qui travaillent.
Une offensive libérale mieux organisée.
Les gouvernements précédents de droite ou de gauche n’avaient pas réussi à faire passer complètement « les réformes » que « tout le monde » attendait. « Tout le monde » comprenons par ce terme utilisé souvent en l’occurrence par les médias, la volonté des détenteurs du capital et les décideurs de l’Union Européenne, notamment l’Allemagne. Sous les coups d’un dégénérescence institutionnelle née elle-même d’une crise économique insurmontable, les grands partis parlementaires traditionnels se dissovent. Mais tous ces politiciens, dans un réflexe de défense d’ « intérêts supérieurs », se retrouvent, de fait, tous unis. L’extrème-droite savoure en concluant à la consécration de ce qu’elle appelait l’ « UMPS ». Foin de la gauche ou de la droite ! Tous unis pour sauver la société capitaliste !
Les sociétés du CAC 40 ne risquaient-elles pas de voir leurs profits ne plus augmenter ? Et la TINA n’obligeait-elle pas « raisonnablement » à se serrer la ceinture ?
Beaucoup avaient donc compris depuis longtemps ce que représentait le nouveau président français : la volonté d’une nouvelle donne politique destinée, dans une continuité, à appliquer ces fameuses « réformes » que la droite et la gauche tardaient à faire passer du fait de la résistance populaire.
Monsieur Juncker, bienfaiteur du paradis fiscal qu’est son petit pays, le Luxembourg, avait très vite rappelé au jeune chef de l’état français « les devoirs » de la France « qui dépense trop ». Traduisez : serrez la vis aux pauvres. D’accord, ils n’ont pas déjà pas grand-chose, comme disait Alphonse Allais, mais ils sont nombreux et donc en prenant à chacun…
Si l’on a pu dire que l’ancien premier ministre britannique Tony Blair a été le caniche de Bush, sur le plan économique et politique Emmanuel Macron est bien le chihuahua de Merkel.
Tout un programme… Et déjà des mensonges.
On se plaignait de l’absence de programme de celui qui passait encore pour un smiley, occupé qu’on était, pendant la campagne présidentielle, à découvrir, fasciné, les frasques, les acrobaties et arguties d’un Fillon. Mais finalement comparé avec celui de l’ex premier ministre de Sarkozy, le programme de Macron est de la même veine :
- Démantèlement des services publics avec la suppression de 120 000 postes, notamment dans les hôpitaux et les écoles, à ajouter à la suppression de plus de 70 000 postes dans les collectivités territoriales. Et notons donc au passage le mensonge grossier de 12 élèves par classe dans le primaire…
- Démantèlement du Code du Travail, bête noire des libéraux de tout bord, qu’ils soient « de gauche », promouvant la Loi El Khomri, ou « de droite » Les Républicains ». Comme si la pauvreté et la précarisation pouvait permettre une réelle reprise économique ! Une hausse des bénéfices de certains sans aucun doute…
- Démantèlement de la protection sociale promis avec la baisse des cotisations sociales, et donc la baisse des prestations de l’assurance-maladie, de celles afférentes au chômage et à la vieillesse.
Les promesses d’une amélioration de la protection des travailleurs indépendants ne sont que poudre à perlinpinpin diffusé par un promoteur de l’ubérisation.
- Culpabilisation et pénalisation des chômeurs qui ne pourront refuser sous peine de radiation, la proposition d’un employeur.
- Baisse des salaires par la suppression de la norme des 35 heures hebdomadaires pour les jeunes salariés.
- Embauche de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires dans un pays où les forces de l’ordre dépassent largement en nombre celles des mêmes forces de l’ordre dans un pays comme l’Allemagne. A moins qu’elles soient surtout destinées à faire face aux émeutes à venir…
Quant aux promesses, notamment celle concernant la suppression de la taxe d’habitation, miroir aux alouettes qui avait tant séduit, on s’aperçoit, comme d’habitude, qu’elles n’engagent en fait que ceux qui y avait cru : ce projet est remis aux calendes. D’emblée, pour ceux qui avaient pu y réfléchir un peu, il semblait très difficile à réaliser, compte tenu de l’obligation d’autonomie financière que l’on doit assurer aux collectivités territoriales.
Les impôts par contre vont bien augmenter, contrairement aux dénégations de l’exécutif. Tour de passe passe de représentant de commerce, ils prennent simplement la forme d’une augmentation de la CSG. …
Une politique dépassée
La politique des libéraux, qui sont l’émanation de la finance qui, de fait, dirige le monde, se résume principalement à une politique de l’offre. Il suffirait de baisser le coût du travail pour que les prix baissent, rétablissant par la « saine » concurrence la demande. Or depuis près de 30 ans, cette politique, promue dans les années 1980, par Reagan et Thatcher, se révèle sans résultat. Car une crise, clairement apparue depuis 2008, touche profondément le système capitaliste. Elle se caractérise par une impossible valorisation du capital (4). Les décideurs les plus lucides sont bien conscients de cette situation périlleuse mais ils n’ont pas vraiment de solutions, comme tout le monde le sait aujourd’hui. Retarder l’échéance fatale – un nouveau pic de crise – par des expédients comme la baisse du coût du travail permettant à court terme de préserver le profit, est la seule issue des libéraux.
Il n’y a aucun dynamisme derrière la destruction des droits des salariés. Aucune reprise économique n’a succédé au démantèlement du Droit du travail qui a ainsi eu lieu ces dernières années en Italie (5). Le chômage dans ce pays dont les banques sont en difficulté (6), est toujours aussi prégnant.
Et quand le chômage est prétendument en baisse, on constate alors une paupérisation grandissante de tous ceux qui travaillent, comme en Allemagne, on les pauvres sont estimés à 13 millions, et où certains salaires sont payés moins de deux euros de l’heure (7).
Une crise institutionnelle née de la révolte populaire.
Le président reste avare de paroles, se méfiant à juste titre des médias, surtout friands en France de superficiel, de ce qui pourrait faire le buzz. Mais comment ne pas rester modeste face à une victoire électorale où l’on a vu 55% des électeurs s’abstenir ? Où l’on a été élu avec seulement 16% des voix du corps électoral ? Comment ne pas rester sur ses gardes, dans un pays où plus de 50% de la population conteste le bien fondé du capitalisme…
Cela n’empêche évidemment pas les médias d’emboucher servilement les trompettes de la victoire, de décerner des lauriers rances de flagornerie à l’ancien entremetteur des banquiers. Les abstentionnistes n’avaient qu’à voter ! C’est leur problème… Là réside la profondeur de leurs analyses.
Eh bien non. A un certain niveau d’abstention c’est bien le système parlementaire, la représentativité telle qu’elle est établie depuis des décennies, qui est remise en question. Même des politiciens coulés dans le moule le reconnaissent.
Le président compte surfer sur un bonapartisme que pourrait lui permettre la Constitution. Sauf qu’il lui manque le tremplin : non seulement il ne bénéficie pas vraiment d’un assentiment populaire, mais il est clairement détesté par une fraction importante de la population, quoi qu’en disent des sondages manipulatoires.
La critique ne suppose pas, comme l’insinue les médias, d’en venir à une tyrannie, mais tout au contraire, chez beaucoup, de s’inspirer de systèmes de démocratie directe. Que ces mêmes médias bien pensant, au passage, gardent quand même à l’esprit, qu’après les politiciens, les journalistes représentent ceux que la population déteste le plus. Leur superficialité, leurs ricanements arrogants, leurs blagues entre comparses, leur flagornerie vis-à-vis du pouvoir en place, à force de lasser, est par ailleurs devenu contre productive, revenant à mettre en valeur les opposants à cette macronisation qu’ils s’ingénient de distiller. Mais de cela, vivant toujours dans un monde imaginaire ou révolu, peu de journalistes s’en rendent vraiment compte. Et c’est toujours l’intelligence des commentaires d’un El Kabach, qu’on n’ose pas faire taire, qui « éclaire » le Français depuis 40 ans ….
Jeu politicien faussement renouvelé, journalistes éteints, rappelant les atermoiements des courtisans de fin de l’Ancien Régime, medef aux commandes… Sans génie, ils jouent aux allumettes à côté du tonneau de poudre.
Vivement que ça pête !
(1) Brigitte Pascall « Comment Macron pratique le mépris de classe… ! » Médiapart – le blog de Brigitte -18/01/2017
(2) TINA = There Is No Altrnative, selon une formule attribuée à Margareth Thatcher. Il n’y aura qu’une logique, celle du capitalism. On retrouvait déjà la même comportement au temps des Romains quand ils ne pouvaient imaginer un monde sans la Roma Imperium….
(3) Emmanuel Macron est peut-être un littéraire mais pas un géographe… Voir « La Guyane est une île, bien sûr » de christophecroshouplon, AgoraVox 28/03/2017.
(4) Sur cette impossible valorisation du capital, parmi d’autres plus pertinents, on pourra lire mon petit ouvrage, « Tchôk ».
(5) « Jobs Act : la fin du Droit du Travail en Italie » Clash City Workers, AgoraVox, 09/06/2016.
(6) « Feu vert européen à la restructuration de la banque italienne Banca Monte dei Paschi di Siena » Charles Sannat, sur son blog « Insolentia », 05/07/2017.
(7) « De plus en plus de travailleurs pauvres en Allemagne » Le Figaro Economie, par Caroline Bruneau, 04/08/2010. Article assez ancien mais tiré d’une publication jugée à droite d’où son intérêt… D’autres sources plus récentes auraient pu être citées.
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