Macron ou abstention ?
C’est à croire décidément que nous n’avons pas tous la même lecture des résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Alors que la France est au bord du précipice, que rien n’est joué, la gauche mélencho-bobo, relayée par une partie des médias, fait la fine bouche et s’interroge à haute voix sur son attitude à adopter face au FN. Comme si le deuxième tour consistait à choisir entre la peste et le choléra. Comme si on pouvait mettre sur le même pied adversaire politique et ennemi de la République. Aujourd’hui, la faute politique n’est pas tant de fêter dans une brasserie parisienne son succès du premier tour. C’est de refuser de choisir, de voter blanc ou de s’abstenir.
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La formule prêtée à Confucius « Quand le sage montre la lune, l’idiot, lui, regarde le doigt » , trouve ces derniers jours de multiples illustrations. A l’image de Libération, plus occupé de titrer « Macron, la gloriole avant l’heure » que de décrypter la banalisation d’un FN qui continue à monter dans les urnes (800 000 voix de plus que lors des dernières régionales). La maison brûle et nous regardons ailleurs pourrait dire Jacques Chirac, élu Président de la République en 2002 avec 82,21% des suffrages contre Marine Le Pen.
Aujourd’hui il est quasiment acquis que, s’il devait être élu, Emmanuel Macron n’atteindra pas un résultat aussi stratosphérique, sans ambiguïté sur le rejet du FN et de ses thèses par la société française. Chirac n’avait pourtant rien d’un saint entre ses déclarations sur le bruit et l’odeur, les barbouzeries du RPR ou les affaires de la Mairie de Paris. Et depuis, le FN n’a fait qu’un aggiornamento de façade.
De quoi Emmanuel Macron est-il aujourd’hui coupable sinon d’avoir brisé les ailes du rêve personnel de Mélenchon qui était d’affronter Le Pen au deuxième tour ? D’être allé partager, en remerciement de leur engagement, un repas à 46 € dans une brasserie parisienne avec des militants et des salariés du siège d’En Marche ! ? D’avoir été quelques années banquier d’affaires comme le fût aussi Henri Emmanuelli ? Les commentateurs mesquins qui s’abritent derrière les commentaires haineux des réseaux sociaux par manque de courage personnel sont en revanche beaucoup plus compréhensifs avec Jean-Luc Mélenchon quand celui-ci fait de la péniche sur les canaux parisiens ou quand, dans son délire mégalo, il rassemble à grands frais des foules immenses.
Étrange moment de l’histoire que celui que nous traversons où la confusion des esprits est totale, où se tisse une alliance objective des extrêmes qui soufflent et qui surfent conjointement sur les mécontentements.
Surprenant instant médiatique où Jean-Luc Mélenchon tombe le masque et nous fais réaliser que le personnage ciselé de grand-père érudit auréolé de sagesse n’était qu’un hologramme. Peu importe si son programme prévoyait la mise en place du vote obligatoire. Peu importe si en 2002, dans l’entre-deux tours, le ministre délégué à l’enseignement professionnel de Lionel Jospin se faisait le héraut anti FN écrivant notamment « Il ne faut pas hésiter. Alors mettez des gants si vous voulez, des pinces ou ce que vous voulez, mais votez ! Abaissez le plus bas possible Le Pen ! » .
Prompt à faire la leçon, Jean-Luc Mélenchon en a aujourd’hui à prendre de la droite républicaine qui a pris ses responsabilités mais aussi de ce PS qu’il a réussi à tuer électoralement après y avoir si longtemps séjourné.
Quinze ans plus tard donc, la France n’a jamais été aussi prête à s’abandonner dans les bras du FN. Dans le droit fil de ce qui s’est passé aux États-Unis avec l’élection de Trump, la conjonction des forces protestataires au premier tour (40%) offre une fenêtre de tir inespérée à une Marine Le Pen qui pourrait bien faire voler en éclats le supposé plafond de verre.
Face à la politique du repli dans le terrier national, du Frexit, le candidat d’En Marche propose ouverture au monde et confiance dans la société civile. Accusé parfois d’attitudes de télé-évangéliste, Emmanuel Macron qui a fait de la bienveillance l’une de ses règles de conduite a fait sienne l’injonction biblique « N’ayez pas peur » mise en avant par Jean-Paul II lors de son intronisation en 1978.
Le pari est osé et le risque réel en cas d’échec. Car comme aux jeu de dominos, renverser une pièce, c’est s’exposer à une réaction en chaîne incontrôlable. Or force est de constater que les forces du délitement, de la déconstruction ont aujourd’hui le vent en poupe à un moment où plus que jamais l’intelligence, la générosité et la solidarité sont indispensables pour conserver un vernis d’humanité à un monde à la dérive.
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