Macron : rendons son quinquennat intenable
Président par défaut, mal élu, privé de la majorité absolue (une première depuis l'instauration de la quasi-concomitance des élections présidentielles et législatives en 2002), Emmanuel Macron est en passe de battre le record d'impopularité de son père spirituel Hollande avec plus de 70% des Français qui se déclarent mécontents de son action, selon un sondage de Harris Interactive.
La récente vague sociale consécutive au projet de loi sur la réforme des retraites donnerait presque de l'espoir : l'amorce d'un réveil des Français ? Rien n'est moins sûr. La grogne actuelle est sans commune mesure avec celle des Gilets Jaunes en 2018 qui avait vu, dans les premières semaines, des centaines de milliers de Français(e)s mécontent(e)s défiler dans les rues. Pourtant, ces derniers n'ont rien récolté de leur zèle, sinon quelques concessions de forme ("100 balles et un Mars") et, paradoxalement, le renforcement de la popularité du Président après la mise en scène du Grand Débat où il est apparu en monarque thaumaturge et père du peuple, écoutant d'une oreille compatissante les doléances de ses sujets. Le seul vainqueur de cette crise fut bel et bien Emmanuel Macron, tandis que les Gilets Jaunes ont vu leur mobilisation faiblir de semaine en semaine, en plus d'être diabolisés par l'ensemble des médias français.
Dans cette nouvelle guerre d'usure qui s'est engagée entre le peuple et le pouvoir – car c'est bien d'une guerre qu'il s'agit lorsqu'en pleine crise sociale l'Assemblée adopte une loi plafonnant les promotions sur les produits alimentaires –, il est à craindre que le Président use de la même rhétorique faussement apaisante et fasse mine de reculer, le temps que chacun s'en retourne dans sa chacunière avec la certitude d'avoir eu gain de cause. Une sorte de Journée des Dupes républicaine où le peuple serait le dindon de la farce.
La seule manière d'éviter cela est de maintenir une pression constante sur le pouvoir (que ce soit le Président, ses parlementaires godillots, le patronat, etc.) jusqu'à ce qu'ils cèdent pour de bon devant le peuple souverain et que soient convoquées des élections législatives anticipées.
La vague sociale actuelle, si impressionnante qu'elle semble de prime abord, est avant tout une agglomération de colères d'individus ou de groupes professionnels et sociaux divers. L'esprit d'union et la dynamique d'ensemble nécessaire à une grève générale de longue durée font hélas défaut. Dès la fin de la crise des Gilets Jaunes, en 2019, puis lors de la crise sanitaire de 2020-2021, d'autres mouvements sociaux ont vu le jour : grèves des cheminots, des professeurs, des étudiants, des personnels soignants, des éboueurs, des policiers, etc. Ces mobilisations partielles n'ont obtenu aucune concession significative pour une raison simples : elles n'ont pas réussi à ébranler l'État, lequel a même pu déployer tout son arsenal de coercition judiciaire dans l'indifférence générale, notamment lorsqu'en octobre dernier, lors de la grève des raffineries, des travailleurs grévistes ont été arrêtes à leur domicile et conduits menottés sur leur lieu de travail au nom de l'obligation d'astreinte.
La grève est avant toutes choses une mise en scène du rapport de force entre le pouvoir et les contestataires ; elle ne peut déboucher sur les résultats escomptés que si ces mécontents s'avèrent capables de perturber suffisamment le fonctionnement du pays pour que le pouvoir soit contraint de reculer, ne serait-ce que par souci de maintenir l'ordre public et la paix sociale. Une mobilisation partielle, limitée dans le temps et dans l'espace, ou ne concernant qu'un corps professionnel, ne saurait avoir de telles vertus, pour la simple raison que sa faible ampleur la rend inoffensive pour l'État et/ou le patronat. Au mieux une telle mobilisation durerait-elle quelques jours, pénalisant davantage les usagers que le pouvoir, après quoi chacun reprendrait son métier, de guerre lasse. Pour faire plier le régime macronien, une grève générale illimitée dans le temps et touchant aussi bien les services publics que le secteur privé s'impose.
Mais cela encore n'est pas assez. Les gestes de protestation face au pouvoir doivent être omniprésents chez le peuple, à condition qu'ils soient pacifiques et restent dans le cadre de la loi. À ce titre, les huées massives essuyées par le Président au Stade de France lors du matche France/Pays-Bas sont une excellente chose car elles lui font comprendre, et prennent le monde à témoin, que le peuple n'a plus sa confiance ni même son respect. Des happenings comme des bruits de casseroles lors de ses déplacements ou des banderoles protestataires, voire des caricatures, peuvent également s'inscrire dans cette dynamique. Il est en outre possible pour toute personne d'envoyer une lettre ou un e-mail à l'Élysée : tant que ces courriers ne comportent aucun propos tombant sous le coup de la loi, il est tout à fait légal d'user de cette méthode et d'inonder le palais présidentiel de lettres citoyennes contestataires.
Enfin, les (rares) journalistes indépendants peuvent aussi se mettre à contribution et dénicher des scandales impliquant les personnes haut placées en les faisant connaître par voie de presse. Cela concerne tout autant les "petites mains" du Système, ces personnes travaillant pour des politiques ou des grands patrons à des postes subalternes et ayant donc accès ne serait-ce qu'à des bribes d'informations compromettantes. Depuis le 21 mars 2022, la loi prévoit la protection et l'immunité des lanceurs d'alertes ainsi que des personnes qui leur sont liées dès lors que les informations divulguées sont véridiques et/ou de bonne foi. Toute information révélant une malversation, un abus ou tout autre forfaiture légale ou morale des élites est à même de fragiliser le pouvoir en place et partant de peser en faveur du peuple dans le rapport de force face à la Macronie.
Au-delà du retrait de cette loi scélérate, qui est la moindre des revendications que nous puissions présenter, l'objectif de la contestation doit tendre à ce que la crainte change de camp, à ce que les élites de la "start-up nation", depuis trop longtemps accoutumées à en remontrer au bas peuple et à se goberger sur son dos, apprennent à céder devant la volonté du peuple et à lui témoigner le respect dû au souverain. Car il n'est jamais de trop de rappeler que depuis la première abolition de la monarchie en 1792, le statut de souverain est passé de la tête des rois aux mains du peuple.
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