Magic money tree
Elle le répétait à qui voulait l’entendre, l’ancienne Premier Ministre britannique, Theresa May, digne héritière de la défunte papesse du néolibéralisme, Lady Thatcher : « L’argent ne pousse pas sur les arbres ».
Pour parer au sous-financement chronique de l’ancienne « Rolls » des systèmes de santé « National Health Service » NHS, 10 milliards £ chaque année, l’ancienne Premier Ministre, tombée en disgrâce avant l’heure, comptait surtout sur les ressources « libérées » grâce à la « résiliation de l’abonnement à l’Union Européenne », plutôt que sur l’effet redistributif d’une augmentation de certains impôts, suivant à la lettre l’avertissement monétariste d’outre-tombe « En matière de santé la demande est infinie, gare au déséquilibre des finances publiques ».
Fondé en 1948, entièrement financé par le budget de l’état, à partir des années 1980, l’état du système de santé NHS n’a cessé de se dégrader. En termes de nombre de médecins et personnel soignant per capita, la Grande Bretagne se trouve actuellement à la place 19 des 21 pays les plus industrialisés et, en l’espace de trente ans, le nombre de lits hospitaliers disponibles a diminué de moitié pour arriver à 2,6 unités par 1'000 habitants, un tiers de ce dont dispose l’Allemagne. (King’s Fund)
Ce n’est donc pas une surprise qu’un service public exsangue et sous-financé à tel point ne soit pas en mesure de faire face à un incident majeur tel que la pandémie du virus SARS-Cov 2. Ainsi, la Grande Bretagne affiche le taux de mortalité, directement imputable au virus, le plus élevé d’Europe, suivi par le Portugal, les Pays Bas et la Suisse qui, derrière les Etats-Unis, dispose également du système de santé le plus onéreux de la planète, un parfait exemple du partenariat public-privé.
Pourtant, en flagrante contradiction avec Mrs. May, la vénérable « Bank of England » quant à elle, admet qu’ils existent bel et bien, les « magic money trees ». Ce sont les banques privées, en conjonction avec la Banque Centrale, qui créent de l’argent, « ex nihilo », simplement en octroyant de nouveaux crédits à leurs clients. Cela s’appelle le système de réserves fractionnaires ou couverture partielle. Ainsi, 97% de la masse monétaire en circulation existe sous forme scripturale contre seulement 3% sous forme de billets de banque, dont la Banque Centrale détient le monopole d’émission. (Banque d’Angleterre 2014, « Money creation in the modern economy »)
Par conséquent, contrairement à la doctrine dominante et communément admise, les banques centrales n’ont aucune mainmise directe sur la taille de la masse monétaire en circulation et donc sur le niveau de l’inflation dont elles sont pourtant censées garder le contrôle, prétexte avancé pour justifier la rigueur budgétaire de l’état. Le seul moyen dont elles disposent est un moyen incitatif, le taux d’intérêt qu’elles chargent aux banques privées et celui auquel elles rémunèrent leurs dépôts. Pour s’en convaincre il suffit d’observer le taux d’inflation depuis l’éclatement de la dernière crise financière de 2008 qui stagne à un niveau proche de zéro tandis que la taille de la masse monétaire en circulation, dans les pays industrialisés, a littéralement décuplé.
Bien qu’il s’agisse d’un phénomène aisément observable, même par le commun des mortels, il n’est pour ainsi dire jamais thématisé par les médias traditionnels, et, quand on en parle dans la presse spécialisée, jamais en relation avec les finances publiques, pour d’évidentes raisons. Cela explique peut-être la relative méconnaissance du public, mais pas celle de nos élus. En effet, selon un sondage, effectué en 2017, par l’ONG britannique « Positive Money », 85% des parlementaires britanniques sont totalement ignorant du mécanisme de la création monétaire et il est fort à parier qu’il en soit de même dans d’autres pays.
Il n’est donc pas impossible que la politique d’austérité, menée par à peu près tous les gouvernements européens depuis une vingtaine d’années, avec des conséquences désastreuses pour le fonctionnement du service public, en l’occurrence celui de la santé, est basée sur une flagrante méconnaissance du fonctionnement de l’économie de la part de nos élus.
L’unique côté positif de la tragédie de la crise sanitaire du COVID, si on peut dire ainsi, réside dans la révélation de l’échec patent d’un système économique aux abois depuis longtemps et, fait jusqu’ici inconnu, la complicité de la communauté scientifique. Le fait que celle-ci se soit laissée embobiner pendant des décennies par une théorie économique dépourvu de tout fondement scientifique est tout de même un comble.
Ainsi, c’est un secret de polichinelle que, depuis la dernière crise financière de 2008, considérablement affaibli par la crise sanitaire, le système financier international se trouve actuellement sous assistance respiratoire et cherche désespérément une issue. Par conséquent, il est fort à craindre que, pour sortir de la crise, le libéralisme se voie contraint à nouveau de faire une énième entorse à son dogme, la liberté individuelle, ce qui laisse à penser que, finalement, il n’ait jamais été question de liberté individuelle, mais plutôt de préservation d’une structure de pouvoir ancestrale.
Les signes avant-coureurs sont nombreux, censure, état d’urgence sanitaire, vaccination obligatoire, centralisation du système financier international, suppression des moyens de paiement anonymes (cash), introduction d’un revenu de base inconditionnel, suppression des prestations sociales.
Contrairement à la thèse thatchérienne « TINA » (There is no alternative) il y a bel et bien une alternative face aux propositions transhumanistes avancées par d’éminents « think tanks » et autres groupes d’experts.
Contrairement aux sciences naturelles, soumises aux dures réalités du cosmos, la science économique se limite à l’analyse d’une activité humaine, l’organisation de la production, l’échange et la consommation de biens et de services. Dans ce contexte l’aspect monétaire n’est qu’une composante parmi de nombreuses autres et dont le rôle pourrait aisément être redéfini démocratiquement.
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