Mais à quoi joue le Crédit Mutuel du Sud-Ouest ?
Centralisation, abandon de la marque Crédit Mutuel, perte d’autonomie des caisses locales : le projet d’indépendance d’Arkéa est lourd de menaces pour les fédérations régionales. Conscient de cette réalité, le Crédit Mutuel Massif Central a décidé de rejoindre le CM11-CIC. Qu’attend la fédération du Sud-Ouest pour lui emboîter le pas ?
« Quitter Arkéa était la seule décision à prendre » : dans une tribune parue le 15 août dans L’Opinion, Frédéric Ranchon, président du Crédit Mutuel Massif Central, revient longuement sur les raisons qui ont poussé sa fédération à quitter la banque bretonne pour intégrer le giron du CM11-CIC, qui regroupe 11 fédérations d’envergure. Depuis 2014, Jean-Pierre Denis, le PDG d’Arkéa, œuvre en effet à la séparation de sa banque de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM). Une séparation lourde de menaces.
Les raisons du départ du Massif Central
« Le projet d’indépendance défendu par Jean-Pierre Denis est (…) synonyme d’une centralisation excessive au profit du siège situé à Brest, et d’une perte évidente de notre autonomie », accuse Frédéric Ranchon. « Contrairement à ce que les dirigeants d’Arkéa se plaisent à répéter, leur projet de sécession tourne le dos aux valeurs mutualistes qui fondent notre groupe depuis sa création », prévient encore le patron du Crédit Mutuel Massif Central, qui prévient : « Arkéa deviendra une banque capitalistique comme une autre ».
Mais il y a encore pire, selon le dirigeant : « Le cœur de leur projet, c’est la disparition pure et simple des caisses locales, et le basculement vers un modèle hypercentralisé : tout l’inverse du modèle actuel, qui n’a pourtant plus à faire ses preuves ». De même, écrit Frédéric Ranchon, « c’est le principe même de solidarité qui vole en éclat ». Et de pointer les risques de dégradation de la note du futur ensemble, ainsi que le coût, potentiellement exorbitant, de son refinancement.
Pour mettre fin au « véritable hold-up prévu par Arkéa afin de transférer les fonds propres de nos caisses vers le siège breton », les caisses locales du Crédit Mutuel Massif Central ont donc décidé, le 27 juin 2017, de rejoindre le CM11-CIC. Une décision « difficile, mais nécessaire », selon Frédéric Ranchon, prise par 82 % des élus fédéraux. Au plus tard le 1er janvier 2020, le Crédit Mutuel Massif Central quittera donc officiellement le groupe Arkéa.
Une indépendance qui rime avec centralisation
Peu avare de critiques sur la prétendue « centralisation » dont serait victime Arkéa de la part de la CNCM, Jean-Pierre Denis a pourtant présenté aux régulateurs français et européens, au début de l’été, le schéma d’organisation que sa banque pourrait adopter — une obligation réglementaire. Et force est de constater que le modèle choisi serait encore plus centralisé, seul le siège brestois bénéficiant désormais d’un agrément bancaire.
C’est bien ce « détail » qui a poussé la fédération du Massif Central à quitter Arkéa. C’est à dire l’obligation faite aux caisses locales d’apporter leurs actifs à des structures miroirs, simples filiales du groupe. Si Jean-Pierre Denis assure haut et fort que la gouvernance coopérative sera respectée, les caisses locales se contenteraient de distribuer les produits d’Arkéa. « De simples coquilles vides, sans activité bancaire, sans autonomie et sans aucun pouvoir de décision », pointe encore Frédéric Ranchon.
L’avenir de la fédération du Sud-Ouest en péril
Si le Massif Central a acté son indépendance de la banque bretonne, ce n’est, pour l’heure, pas encore le cas de la fédération du Sud-Ouest (Gironde, Dordogne et Charente). Son président, Christian Touzalin, soutient le projet de Jean-Pierre Denis. Il n’ignore pourtant pas que le nouvel ensemble devra abandonner la marque Crédit Mutuel.
Une perspective qui inquiète les syndicats maison, qui rappellent que la marque Crédit Mutuel bénéficie « de la meilleure notoriété dans le paysage bancaire », comme le relate l’édition du 18 janvier 2018 du quotidien Sud-Ouest. Même son de cloche de la part de l’ancien secrétaire général du Crédit Mutuel Sud-Ouest, Bernard Belleville, selon qui les dirigeants de la fédération locale n’ont pas « joué un rôle modérateur et contribué à éviter l’irréparable ».
Quitter Arkéa est pourtant possible ; la branche du Massif Central l’a démontré. Au regard des implications de l’indépendance d’Arkéa pour les caisses locales, le Crédit Mutuel Sud-Ouest n’a aucun intérêt à suivre Jean-Pierre Denis dans ses folles aventures. Bien au contraire. Qu’attend Monsieur Touzalin pour agir ? Il n’est sans doute pas trop tard pour sauver ce qui peut l’être.
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